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Accident du travail ou maladie professionnelle : les principales conséquences de la faute inexcusable de l’employeur

Accident du travail ou maladie professionnelle : les principales conséquences de la faute inexcusable de l’employeur

La faute inexcusable de l’employeur, lorsqu’elle est reconnue après un accident du travail ou une maladie professionnelle, emporte pour celui-ci des conséquences financières dont le coût global peut parfois être très lourd.

En sus de la majoration de la rente octroyée au salarié victime, de nombreuses autres sources de préjudices peuvent donner lieu à indemnisation. Certains dommages ne sauraient en revanche donner lieu à une prise en charge par l’employeur.

1. La définition de la faute inexcusable

Selon la Cour de cassation, la faute inexcusable peut être constituée si l’employeur a eu ou aurait dû avoir conscience, et a fortiori connaissance, du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Cette définition est particulièrement large et dépend des éléments factuels entourant l’accident du travail ou la maladie professionnelle.

Pour que la faute inexcusable soit reconnue, encore faut-il que les circonstances de l’accident ou de la maladie soient claires et ne donnent lieu à aucune contestation.

2. La preuve de la faute inexcusable

Le principe est aujourd’hui clairement établi que la preuve du caractère inexcusable de la faute de l’employeur incombe au salarié.

La Cour de cassation a jugé à cet égard qu’en vertu de l’article 1315 du Code civil, c’est au salarié victime qu’il incombe de prouver que son employeur avait ou devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, et qu’il n’a pas pris les mesures appropriées pour protéger sa santé ou sa sécurité.

3. Les conséquences de la faute inexcusable

Selon l’article L 452.1 du Code de la sécurité sociale,

« lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ».

  • La majoration de la rente

En application de l’article L 452-2 du Code de la sécurité sociale, la faute inexcusable de l’employeur donne lieu à une majoration de la rente accordée à la victime. Cette majoration est en principe fixée à son maximum.

  • La réparation des préjudices visés à l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale

Cet article précise qu’indépendamment de la majoration de la rente qu’il reçoit en vertu de l’article L 452-2 précité, le salarié peut être fondé à demander au tribunal des affaires de sécurité sociale la condamnation de son employeur à l’indemnisation :

  • du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par lui endurées,

Etant précisé qu’aux termes de l’arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2013 (n°11-21015), seules les souffrances observées avant la consolidation peuvent donner lieu à réparation. La Haute cour a ainsi censuré la décision de la cour d’appel pour voir accordé une indemnisation au titre des souffrances physiques ou morales, sans vérifier si elles n’étaient pas déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent. En effet ce dernier, qui a déjà été réparé par l’attribution de la rente (Cass. civ. 2e 4 avril 2012, n°11-15393) couvre notamment les douleurs permanentes ressenties par la victime après consolidation. Dès lors, en précisant que seules sont réparables au titre de l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, la Cour de cassation limite l’indemnisation des souffrances à celles endurées avant la consolidation.

  • de son préjudice esthétique
  • de son préjudice d’agrément

La Cour de cassation, aux termes d’une décision en date du 7 mai 2014 (n°12-23962), estime que le préjudice d’agrément s’entend de «l’impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs». Elle avait déjà estimé, dans une décision du 28 février 2013 (n°11-21015), que le préjudice d’agrément réparable est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir.

Il s’ensuit qu’une cour d’appel ne saurait allouer à la victime une indemnisation au titre d’un préjudice d’agrément, sans rechercher si, au titre dudit préjudice d’agrément, la victime justifiait d’une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie (Cass. civ. 2e, 28 février 2013 précité).
Il doit par ailleurs être rappelé que la rente versée à la victime indemnise d’une part le déficit fonctionnel permanent, qui couvre déjà la perte de la qualité de vie de la victime, et d’autre part les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité. De telle sorte qu’un même préjudice ne peut être réparé à plusieurs reprises.

La Cour de cassation a également jugé que l’indemnisation du préjudice d’agrément suppose que soit rapportée la preuve de l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir, de telle sorte qu’une cour d’appel ne peut pas, pour fixer à une certaine somme le préjudice d’agrément subi de son vivant par la victime, retenir que ce préjudice doit être réévalué en tenant compte des troubles graves ressentis dans ses conditions d’existence par la victime à la fin de sa vie, sans caractériser des troubles qui ne soient pas déjà réparés au titre du déficit fonctionnel permanent (Cass. civ. 2e, 14 mars 2013, n° 11-24.237).

  • ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle

Selon une jurisprudence bien établie, une telle réparation ne peut être octroyée qu’à la condition que l’intéressé produise les éléments établissant que ses chances avaient un caractère sérieux et certain, et n’étaient pas seulement hypothétiques. Les juges du fond disposent à cet égard d’un pouvoir souverain en la matière.

Etant précisé que si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100%, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

  • La décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010

En pratique, certains se sont demandés si les préjudices non expressément visés à l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale pouvaient, malgré tout, donner lieu à réparation, et donc à indemnisation.

Sur ce point, le Conseil constitutionnel, saisi via une question prioritaire de constitutionnalité, a considéré dans une décision du 18 juin 2010  :

«(….) qu’indépendamment de cette majoration, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l’employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l’article L 452.3 du Code de la sécurité sociale ; qu’en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le Livre IV du Code de la sécurité sociale».

Il ressort de cette décision que d’autres sources de préjudices que celles visées à l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale peuvent donner lieu à indemnisation, pour autant qu’ils ne soient pas couverts par l’une ou l’autre des dispositions visées au sein du Livre IV du Code de la sécurité sociale (soit concrètement, en l’état de la législation, les articles L 411-1 à L 482-5 du Code de la sécurité sociale et les dispositions règlementaires venant préciser et compléter les informations contenues dans les articles précités).

A titre d’illustration, la Cour de cassation a été amenée à préciser, à la lecture de la décision précitée du Conseil constitutionnel, qu’en cas de reconnaissance d’une faute inexcusable, le salarié était en droit de solliciter la réparation des préjudices suivants, non visés par l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale :

  • le préjudice sexuel,
  • le déficit fonctionnel temporaire.

4. Les préjudices exclus, quand bien même la faute inexcusable serait reconnue

La Cour de cassation a, à l’inverse, expressément exclu du droit à indemnisation plusieurs sources de préjudices.

Ainsi, à titre d’illustration :

  • dans une décision du 4 avril 2012 (n°11-18014), elle a estimé que les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d’une façon générale, les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime sont pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie, de sorte qu’ils figurent parmi les chefs de préjudices expressément couverts par le Livre IV du Code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander réparation à l’employeur,
  • dans une autre décision du 4 avril 2012 (n°11-15393), elle a jugé que la rente dont bénéficie le salarié indemnise d’une part les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, et d’autre part le déficit fonctionnel permanent, de sorte que les dommages dont la victime demande réparation sont déjà indemnisés au titre du Livre IV du Code de la sécurité sociale,
  • dans une décision en date du 13 octobre 2011 (n°10-15649), elle a jugé que le salarié ne peut pas demander l‘indemnisation de la perte de ses revenus professionnels, le mécanisme d’indemnisation dérogeant au droit commun de la responsabilité et ne garantissant pas la réparation de l’intégralité des préjudices résultant de l’accident,
  • dans une décision en date du 7 novembre 2013 (n°12-25744), elle a jugé que le recours à une tierce personne ne peut donner lieu à indemnisation dès lors que le montant de la rente est majoré, de sorte que le besoin d’assistance de la victime après consolidation de ses lésions est couvert par le Livre IV du Code de la sécurité sociale. Dans cette même décision, la Cour de cassation a refusé de faire prendre en charge par l’employeur des frais demeurés à la charge du salarié et des dépenses de santé future, ainsi que des frais de déplacement chez le kinésithérapeute.
  • dans une décision en date du 20 juin 2013 (n°12-21548), elle a jugé que le recours à une tierce personne permanente ne pouvait donner lieu à réparation par l’employeur.

Plus généralement et en toute logique, les postes suivants, en tant qu’ils sont couverts par le Livre IV du Code de la sécurité sociale, ne doivent théoriquement pas, en application de la décision précitée du Conseil constitutionnel, donner lieu à réparation par l’employeur :

  • dépenses de santé actuelles et futures : articles L 431-1 et L 432-1 à L 432-4 du Code de la sécurité sociale,
  • perte de gains professionnels futurs : articles L 431-1, L 434-1 et L 434-2 du Code de la sécurité sociale,
  • assistance d’une tierce personne : article L 434-2 du Code de la sécurité sociale,
  • frais d’appareillage actuels et futurs : articles L 431-1, L 432-5 (abrogé par la loi n°2008-1330 du 17 décembre 2008), R 432-3 et R 432-5 du Code de la sécurité sociale,
  • dépenses de déplacement : article L 442-8 du Code de la sécurité sociale,
  • dépenses d’expertise technique : article L 442-8 de Code de la sécurité sociale,
  • avantages complémentaires stipulés au profit des victimes d’accident du travail et assurés par l’employeur ou les institutions de prévoyance (mutuelle, prévoyance) : article L 431-3 du Code de la sécurité sociale,
  • rééducation fonctionnelle : articles L 432-6 à L 432-11, L 481-1 et L 481-2 du Code de la sécurité sociale,
  • les frais funéraires : L 435-1 du Code de la sécurité sociale.

On le voit, même si un certain nombre de préjudices exposés par le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne peuvent être pris en charge par lui, l’employeur s’expose, dans l’hypothèse où une faute inexcusable serait reconnue à son encontre, à un coût global financier qui peut, dans certaines situations (décès du salarié, maladie engendrant de terribles souffrances, section de membres, etc.) être extrêmement onéreuses.

Le préjudice sera déterminé par le tribunal des affaires de sécurité sociale, après qu’en pratique une expertise aura été ordonnée par ce même tribunal.

Il appartient donc à l’employeur de faire preuve d’une grande vigilance quant aux risques qu’il fait encourir sur la santé et la sécurité de ses salariés, ce d’autant qu’en sus du contentieux devant la juridiction de sécurité sociale, il peut s’exposer :

  • à ce qu’une action pénale soit parallèlement engagée à l’encontre de la personne morale et/ou de la personne physique pénalement responsable,
  • à ce que le salarié entreprenne une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail devant le Conseil de prud’hommes ou prenne acte de la rupture de son contrat de travail à ses torts, pour manquement de celui-ci à son obligation de sécurité de résultat.

Dans de tels cas, les enjeux – en particulier financiers – sont de taille.

 

Auteur

Rodolphe Olivier, avocat associé en droit social.

Article paru dans Les Echos Business le 17 novembre 2014
Maladie professionnelle et accident du travail

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