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Accords tripartites de financement des créances commerciales et responsabilité des établissements financiers – Avis n°17-12 de la CEPC publié le 29 janvier 2018

Accords tripartites de financement des créances commerciales et responsabilité des établissements financiers – Avis n°17-12 de la CEPC publié le 29 janvier 2018

06Les avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC), commission rattachée au ministère de l’économie, ne sont certes pas contraignants, mais force est de constater qu’ils sont très suivis par les juridictions et doivent par conséquent retenir l’attention des praticiens.

La saisine ayant donné lieu à l’avis n°17-12, publié le 29 janvier 2018, visait à faire apprécier, sur le fondement du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce, la légalité de la pratique d’une centrale de référencement consistant à proposer « très fortement » à ses fournisseurs d’accepter l’intervention d’un établissement de crédit pour le paiement des créances commerciales détenues sur les adhérents de la centrale.

Cette saisine, qui s’appuyait sur le contrat conclu entre l’établissement de crédit et le fournisseur auteur de la saisine, dénonçait un délai de règlement des factures auprès des fournisseurs allant au-delà des délais plafond du Code de commerce et la facturation d’une prestation d’affacturage pour un « coût très élevé compte tenu du loyer de l’argent ».

En contrepartie de l’engagement de l’établissement de crédit de payer les factures du fournisseur pour le compte des adhérents de la centrale, le fournisseur était redevable au titre du contrat :

  • d’une rémunération de 1,4% au titre d’une prestation de « règlement centralisé » ;
  • d’un escompte au taux de 1,4% en cas de règlement anticipé des créances commerciales par l’établissement de crédit.

L’avis de la CEPC est d’une grande portée pour les établissements de crédit, puisqu’il pose le principe d’une responsabilité propre de ces intermédiaires financiers au titre de leur participation dans des schémas de financement des créances commerciales qui seraient imposées par leurs clients aux fournisseurs. En effet :

  • La CEPC confirme que l’intervention d’un établissement de crédit habilité pour assurer une centralisation des paiements n’est pas en elle-même contraire à une règle impérative de droit français, pour autant qu’elle ne soit pas « imposée ». La demande d’avis lui donne toutefois l’occasion de rappeler qu’aucun schéma de paiement ne saurait permettre de régler des créances commerciales auprès des fournisseurs au-delà des délais de paiement maximaux impératifs de l’article L.441-6 du Code de commerce.
  • Si l’intervention de l’établissement de crédit est « imposée » au fournisseur (en ce qu’elle conditionne l’entrée en relation ou la poursuite des relations commerciales avec des adhérents de la centrale), la responsabilité de cet établissement de crédit est susceptible d’être engagée, pour soumission à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, en plus de celle de la centrale. Il semble qu’il ne s’agisse pas d’une simple solidarité mais bien d’une responsabilité propre.

La responsabilité de l’établissement de crédit pourra ainsi être engagée si les conditions financières de son intervention (ici une commission de centralisation de 1,4% et un taux d’escompte de 1,4%) sont excessives au regard des conditions généralement appliquées à ce type d’opérations et si les contreparties pour le fournisseur sont manifestement disproportionnées voire inexistantes.

En cas d’engagement de sa responsabilité sur le fondement de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce, l’établissement de crédit s’expose à des sanctions, encore renforcées fin 2017 par la loi Sapin II1 et notamment :

  • au prononcé d’une amende civile pouvant aller jusqu’à cinq millions d’euros ou jusqu’à 5% de son chiffre d’affaires réalisé en France (de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement) ou encore jusqu’au triple du montant des sommes indûment versées par les fournisseurs ;
  • à la nullité de la clause, qui est réputée non écrite et à la cessation de la pratique ;
  • à la répétition de l’indu et à la réparation des préjudices subis par les fournisseurs ;
  • et à la publication de la décision de condamnation.

La saisine donne par ailleurs à la CEPC l’occasion de se prononcer sur la possibilité de contester un déséquilibre significatif sur le double fondement du Code de commerce (article L.442-6, I, 2°) et du Code civil (article 1171). On observera que l’application de l’article 1171 du Code civil, qui répute non-écrite toute clause d’un contrat d’adhésion créant un déséquilibre significatif, ne s’impose pourtant pas de manière évidente, d’autant que son alinéa 2 exclut que l’adéquation du prix à la prestation puisse être mise en cause sur ce fondement.

Note

1 Cf. art. L. 442- 6, III du Code de commerce modifié par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Loi Sapin II ».

 

Auteurs

Grégory Benteux, avocat associé, responsable de l’activité Titrisation et financements structurés

Virginie Coursière-Pluntz, avocat counsel, droit de la concurrence et droit européen tant en conseil qu’en contentieux.

 

Accords tripartites de financement des créances commerciales et responsabilité des établissements financiers – Avis n°17-12 de la CEPC publié le 29 janvier 2018 – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 26 mars 2018
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