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Aides aux entreprises en difficulté : quelle déduction fiscale ?

Aperçu du nouveau régime, solutions pour neutraliser autant que faire se peut l’aggravation, et possibilités de déduction des dépréciations et pertes sur créances.

La loi de finances rectificative du 16 août 2012 a considérablement durci le régime fiscal des aides aux entreprises en rendant celles-ci non déductibles pour l’établissement de l’impôt à l’exception des aides à caractère commercial et de celles accordées à des entreprises en difficulté soumises à une procédure collective ou de conciliation.

Le champ d’application de la nouvelle interdiction fiscale, codifiée au 13 de l’article 39 du Code général des impôts, est à la fois particulièrement large puisqu’elle vise sans plus de précision les aides « de toute nature consenties à une autre entreprise » mais aussi relativement imprécis à défaut de définition légale de la notion d’aide à caractère commercial. Pourtant, en introduisant une distinction encore plus radicale que par le passé entre ces deux types d’aides, cette disposition a considérablement renforcé l’enjeu de leur qualification.

Dans ses récents commentaires, l’administration fiscale confirme que ce texte vise non seulement les abandons de créance à caractère financier à proprement parler mais aussi les subventions directes ou indirectes, dont les renonciations à recettes telles que la non-facturation de ventes ou de services ou de prêts sans intérêts ou accordés à des taux préférentiels.

L’administration n’apporte cependant aucune précision nouvelle sur les critères servant à la qualification commerciale ou financière des aides et s’en tient à sa doctrine formulée sous l’empire des anciennes règles de déductibilité applicables aux exercices clos jusqu’au 3 juillet 2012. Elle rappelle ainsi que cette qualification relève principalement des motivations qui ont conduit à l’octroi de l’aide : si ces dernières ne revêtent pas un aspect commercial marqué et prédominant, l’aide est alors présumée revêtir un caractère financier.

Des moyens d’éviter une double imposition et de l’apparente neutralité de l’intégration fiscale

Afin de préserver la déductibilité des aides accordées à leurs filiales, les sociétés devront motiver ces dernières par la volonté de préserver leurs débouchés commerciaux ou leur clientèle plutôt que par le souci de préserver un investissement capitalistique et d’éviter l’atteinte à leur renom.

En effet, il devrait pouvoir être soutenu qu’un abandon de créance ou une subvention revêt un caractère commercial en dehors des cas dans lesquels les deux sociétés entretiennent des relations commerciales et spécialement dans les situations où il peut être établi que la survie de la filiale est essentielle au maintien des relations de la société mère avec ses partenaires commerciaux.

Reste que lorsqu’il n’est pas possible de démontrer le caractère commercial de l’aide, sa non déductibilité crée une situation particulièrement pénalisante du fait que le profit qui en résulte constitue toujours un produit imposable chez la société bénéficiaire. Cet effet est d’autant plus regrettable que l’un des objectifs poursuivis par le législateur était d’aligner le traitement fiscal des aides financières sur celui des augmentations de capital. Cet alignement n’est réalisé qu’à raison des aides financières consenties par une société mère au sens de l’article 145 du Code général des impôts lorsque la filiale qui en bénéficie s’engage à augmenter son capital dans les deux ans d’un montant au moins équivalent conformément à l’article 216 A du Code général des impôts dont les dispositions n’ont pas été modifiées.

Cette dernière solution n’est cependant pas toujours opportune. Elle peut en effet conduire à rigidifier les mouvements de capitaux à l’intérieur d’un groupe (elle est par exemple incompatible avec la mise en œuvre d’une clause de retour à meilleure fortune, parfois utile à la gestion des déficits ou des frais financiers). Elle ne permet pas non plus de neutraliser l’imposition du profit résultant des aides consenties entre sociétés sœurs d’un groupe, par une société au bénéfice d’une sous-filiale ou par une filiale au bénéfice de sa société mère.

En pratique et conformément à l’objectif poursuivi par le législateur, le nouveau dispositif sanctionne surtout les aides consenties aux filiales étrangères. Il épargne les aides consenties entre sociétés françaises membres d’un même groupe d’intégration fiscale. En effet, lorsqu’elle est possible, l’intégration fiscale demeure un moyen efficace de préserver au mieux la neutralité fiscale des aides intragroupe prévue par l’article 223 B du Code général des impôts. Pour autant, le nouveau dispositif ne dispense pas les entreprises de leur obligation de déclarer les subventions directes et indirectes sur l’état prévu à cet effet dans la liasse fiscale d’intégration afin d’éviter l’application d’une amende de 5 % pour défaut de déclaration.

La neutralité qu’offre le dispositif de l’intégration fiscale demeure néanmoins partielle puisque la non déductibilité de l’aide agit sur le montant de la contribution à l’impôt du groupe de la société qui la consent. Tel est le cas lorsque la convention d’intégration prévoit que les filiales contribuent à l’impôt dû par le groupe à hauteur de la charge qui aurait été la leur en l’absence d’intégration. L’intégration fiscale ne permet pas non plus de neutraliser l’effet du nouveau dispositif en matière de participation des salariés aux résultats. Toutefois, dans un contexte de difficultés de la société bénéficiaire de l’aide, préalable requis à la normalité de l’effort qui lui est consenti, il est probable que ces effets soient peu significatifs.

De la déductibilité des dépréciations et des pertes sur créances

Le nouveau texte préserve par exception une faculté de déduction pour les aides accordées aux filiales en difficulté lorsqu’elles sont consenties en application d’un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l’article L 611-8 du code de commerce (cas où, suite à l’intervention d’un conciliateur désigné par le président du tribunal de commerce, le débiteur et ses principaux créanciers sont parvenus à un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise) ou lorsqu’est ouverte à leur encontre une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ou, selon l’administration, toute procédure d’insolvabilité mentionnée à l’annexe A du règlement CE n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000. Si ces conditions sont réunies, les aides financières sont alors déductibles à hauteur de la situation nette négative de l’entreprise qui en bénéficie et, pour le montant excédant cette situation nette négative, à proportion de la fraction du capital détenue par les autres associés.

Cette exception laisse toutefois de côté les sociétés qui aident des entreprises en difficulté non soumises à une procédure collective, de même que, selon la doctrine administrative, celles qui aident des filiales situées hors de la Communauté Européenne et sont soumises à une procédure assimilée à une liquidation judiciaire par la règlementation locale.

A contrario, la nouvelle interdiction s’applique aux aides consenties à une filiale en liquidation amiable. Elle ne nous paraît pas toutefois viser la perte d’une créance sur une filiale supportée par une société mère contrainte de constater la clôture de cette procédure pour insuffisance d’actif de la filiale liquidée. Dans ce cas en effet, cette perte ne résulte pas d’un abandon de créance ni d’une subvention puisqu’elle fait suite à la constatation que la société débitrice a pu se liquider sans se libérer de sa dette.

De manière plus générale, les pertes sur créances qui résultent de l’irrécouvrabilité définitive des entités débitrices ne sont pas concernées par l’interdiction de déduction.

Rappelons en effet qu’un abandon de créance se caractérise par la conjonction d’un élément matériel (la comptabilisation préalable d’un créance puis celle de la perte correspondant au montant de la créance abandonnée chez la société qui consent l’aide et celle du profit égal au montant de la dette annulée chez l’entreprise bénéficiaire) et d’un élément intentionnel (la volonté de la société mère d’aider sa filiale) ce que rappelle à juste titre l’administration fiscale dans sa doctrine(1). Or ces deux critères font défaut lorsqu’est constatée l’irrécouvrabilité définitive d’une créance puisque la filiale ne peut s’autoriser à effacer la dette contractée et que la société mère n’a pas décidé de renoncer à sa créance. Cette solution suppose toutefois que la société soit en mesure de démontrer la perte définitive de sa créance, ce qui peut s’avérer en pratique difficile notamment lorsque la débitrice est une société du groupe.

Il semble également que le nouveau dispositif ne trouve pas à s’appliquer aux dépréciations de créance par voie de provision dès lors que la société mère n’a pas décidé de renoncer à sa créance mais a simplement anticipé le risque de non recouvrement, la dette contractée par la filiale étant maintenue à son bilan.

Notes

1. BOI-BIC6BASE-50-10 ns° 39 et 40

 

A propos des auteurs

Dimitri Leboff, avocat associé, spécialisé dans la fiscalité des personnes physiques : conseil, contrôle fiscal et contentieux. Dans ce cadre, il est en particulier chargé d’analyser l’aspect social de la fiscalité des entreprises et des particuliers dans un cadre national et international : traitements, salaires et avantages en nature, fiscalité des impatriés /expatriés, participation et intéressement, attributions d’actions gratuites et plans de stock-options,… Spécialisé en fiscalité directe, il intervient plus particulièrement dans le domaine de la fiscalité d’entreprise : assistance au quotidien de clients sur des questions de fiscalité directe, opérations de fusions & acquisitions et de restructurations, gestion et assistance dans les contrôles fiscaux.

Sophie Mahy, avocat spécialisée en fiscalité directe, elle intervient plus particulièrement dans le domaine de la fiscalité d’entreprise : fiscalité des groupes au quotidien (assistance sur des questions de fiscalité directe, mise en place et suivi de l’intégration fiscale, optimisation du taux effectif d’imposition), opérations de fusions & acquisitions et de restructurations, gestion et assistance dans les contrôles et contentieux fiscaux.

 

Article paru dans la revue Option Finance du 29 juillet 2013

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