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Apport de titres à une société contrôlée: l’administration finalise enfin ses commentaires ! 2ème partie

Apport de titres à une société contrôlée: l’administration finalise enfin ses commentaires ! 2ème partie

Plus de trois ans après l’entrée en vigueur du régime de report d’imposition de l’article 150-0 B ter du CGI, la Direction de la Législation Fiscale a publié le 4 mars ses commentaires révisés du dispositif pour tenir compte -mais pas toujours- des observations formulées par la place dans le cadre de la consultation publique ouverte le 2 juillet 2015.Revue des points saillants du BOFiP ainsi finalisé.

[Apport de titres à une société contrôlée: l’Administration finalise enfin ses commentaires ! 1ère partie]

2.2 Evénements affectant les titres apportés

En cas de cession par la société bénéficiaire de l’apport (ci-après la «Société») des titres apportés dans les trois ans de l’apport, la loi subordonne le maintien du report d’imposition au réinvestissement par la Société dans un délai de deux ans d’au moins 50% du montant du «produit de cession». L’administration admet qu’ouvrent droit à cette faculté les opérations suivantes, ce qui ne coulait pas de source au regard des termes de la loi :

  • Rachat par la société émettrice des titres apportés, l’administration envisageant à ce titre la possibilité que le réinvestissement soit réalisé par l’attribution d’« une branche d’activité éligible » en échange des titres rachetés.
  • Absorption par la société bénéficiaire des apports de la société dont les titres sont apportés (où il n’est pas précisé que la société absorbée doit exercer une activité éligible, ce qui nous semble au demeurant implicite).
  • Absorption de la société émettrice des titres apportés par une société tierce, étant précisé que la condition tenant à l’obtention du contrôle de la société émettrice des nouveaux titres reçus en échange n’est pas exigée (toutes conditions par ailleurs remplies). Ceci constitue donc une exception au principe légal selon lequel l’acquisition de titres, en dehors du mécanisme de souscription en numéraire au capital, doit nécessairement conduire à une prise de contrôle de la société cible (cf. infra).
  • Apport des titres grevés du report d’imposition à une société tierce, sous réserve que la Société obtienne le contrôle de la société émettrice des nouveaux titres (à la différence, donc, du cas de la fusion, cf. supra). On comprend difficilement cette exigence de contrôle de la société émettrice des nouveaux titres alors que dans de nombreux cas, la Société bénéficiaire de l’apport aurait pu se retrouver dans la même situation économique en cédant ses titres puis en souscrivant à une augmentation de capital de cette société tierce.
  • Conversion, échange ou remboursement en actions d’obligations apportées : l’administration indique que le report d’imposition est maintenu si aucun événement n’affecte les actions obtenues avant l’expiration du délai de 3 ans. Lorsqu’en revanche le remboursement des obligations s’opère en numéraire au cours de cette période, le report expire sans possibilité de réinvestissement exonératoire de déchéance du report d’imposition.
  • BSA : l’exercice de ces bons par la Société n’est pas de nature à mettre fin au report d’imposition.

Ces différentes mesures de tolérance sont subordonnées à la conservation par la Société des nouveaux titres pendant le délai de 3 ans post-apport initial.

On regrette en revanche que les cas de remboursement et d’annulation des titres apportés ne soient toujours pas expressément visés comme ouvrant la possibilité d’un réinvestissement exonératoire de la déchéance du report d’imposition.

Cas de la liquidation judiciaire de la société émettrice des titres apportés : maintien en l’absence de tout boni de liquidation ou sous condition de réinvestir la fraction du boni de liquidation dans les conditions habituelles.

Earn out : en cas de cession des titres apportés avec clause d’earn out, «la condition tenant au seuil de réinvestissement (i.e. 50% du produit de la cession) est appréciée au regard du montant global du prix de cession et du complément de prix y afférent». En d’autres termes, la perception du complément de prix augmente le quantum de la somme à réinvestir.

Le BOFiP précise en outre que «le report d’imposition n’est maintenu que si la société remploie au moins 50% du montant global ainsi défini dans le délai de 24 mois suivant la cession des titres dans un investissement éligible» ce qui signifie que l’administration impose à la Société de réaliser un éventuel surcroît d’investissement non dans les 24 mois de la perception d’un earn out mais dans les 24 mois décomptés à partir de la date de cession des titres apportés. Cette lecture qui peut sans doute se recommander de la stricte lettre de la loi conduit à des conséquences pratiques regrettables car la perception de l’earn out – et même la connaissance de cette perception et son montant- peut intervenir très tardivement dans le délai de 24 mois.

Dès lors, par prudence, la perspective de percevoir un complément de prix devrait conduire à prévoir un réinvestissement au-delà de 50% du prix initial de cession.

En revanche, le BOFiP confirme en creux qu’un complément de prix perçu au-delà du délai de 24 mois est affranchi de toute obligation de réinvestissement (sauf éventuelle critique de l’administration fiscale sur le terrain de l’abus de droit).

Il est également précisé par l’administration que le complément de prix doit présenter un caractère aléatoire à la date de la réalisation de la cession et que le prix initial de cession des titres peut être remis en cause par l’administration s’il apparaît résulter d’un acte anormal de gestion (mise en garde assez elliptique …).

Durée de conservation des réinvestissements : l’administration indique que «le réinvestissement doit être effectué dans une perspective d’investissement de long terme» et que «cette condition est présumée satisfaite lorsque les biens ou les titres objet du réinvestissement sont conservés pendant au moins 24 mois, ce délai étant décompté depuis la date de leur inscription à l’actif de la société». Dont acte, étant souligné néanmoins que cette condition n’est pas envisagée par la loi.

Modalités de réinvestissements exonératoires de la déchéance du report d’imposition

Notons d’emblée que le réinvestissement exonératoire peut procéder d’un panachage des trois modalités ci-après telles que prévues par la loi.

  • Réinvestissement dans le «financement d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière»

A la différence du projet, le BOFiP définitif admet que la Société peut valablement acquérir tant des biens mobiliers qu’ immobiliers à conditions qu’ils soient «nécessaires à l’exploitation de son activité» qui, conformément à la loi doit être de nature «commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole». Mais elle persiste à préciser «que le financement d’une activité éligible s’entend de l’acquisition » (…) « de moyens permanents d’exploitation», ce qui donne à penser que seule l’acquisition de biens inscrits en immobilisations serait éligible.

Une telle conception, qui aurait notamment pour effet d’exclure les activités de marchand de biens ou de promoteurs (puisque les stocks – immobiliers ou autres – sont inscrits en actifs circulants), parait discutable car la lettre de la loi n’opère pas une telle distinction. En outre, le BOFiP précise bien que «les activités commerciales s’entendent de celles qui entrent par nature dans le champ d’application des bénéfices industriels et commerciaux au sens de l’article 34 du CGI et de l’article 35 du CGI», ce dernier couvrant expressément les activités de marchand de biens et de promotion immobilière.

Le BOFiP exclut –explicitement cette fois– l’acquisition de biens immobiliers destinés à la location meublée, comme «revêtant un caractère civil ou patrimonial», alors même que ce type d’activité est qualifié de commerciale par le juge fiscal.

Il est également indiqué que par activités financières admises au remploi, il convient d’entendre les activités de banque (dépôts, distribution de crédit, gestion de fonds), de finance (administration de marchés financiers, courtage de valeurs mobilières) et d’assurance.

Par ailleurs, la possibilité d’un financement en compte courant qui était envisagée par le projet de BOFIP mais selon une formulation ambiguë, a été purement et simplement supprimée. L’administration ne prévoit finalement aucune ouverture en faveur du financement de l’activité opérationnelle d’une société tierce ou filiale, par exemple sous forme d’obligations (donnant ou non accès à des actions) ou de compte courant.

Enfin, il est précisé par le BOFiP que les parts FCPR ne constituent pas des réinvestissements éligibles.

  • Réinvestissement dans l’acquisition du contrôle d’une société opérationnelle

Il s’agit d’un investissement effectué au moyen de numéraire obtenu en contrepartie de la vente des titres apportés, mais également par échange de titres dans le cadre d’un apport, d’une fusion ou d’une scission.

Est exclue la prise de contrôle des «sociétés holding, simples gestionnaires d’un portefeuille mobilie ». On croit comprendre, en creux, que l’administration admet la possibilité d’acquérir le contrôle d’une société holding animatrice de groupe. Néanmoins, une confirmation explicite serait appréciée.

En toute occurrence, il s’agit impérativement d’acquérir le contrôle d’une société que l’on comprend comme étant opérationnelle mais en aucun cas de simplement renforcer une participation qui conférait déjà ce contrôle, ou d’acquérir un véhicule d’investissement (SCR, SICAV, SPPICAV) ou une pure holding.

  • Réinvestissement sous forme de souscription en numéraire au capital de société opérationnelle, sans condition de contrôle.

On rappelle pour mémoire que l’acquisition de titres par échange résultant de la fusion de la société émettrice des titres apportés par une société tierce est admise sans condition d’obtenir le contrôle de la société absorbante.

La souscription au capital d’une holding animatrice de groupe apparaît possible dès lors que le texte de loi et les commentaires administratifs du 150-0 B ter renvoient à l’article 150-0 D ter. Or, les commentaires administratifs de ce dernier texte admettent l’éligibilité des holdings animatrices. Il aurait au demeurant été souhaitable que l’administration le confirme explicitement.

Age des sociétés cibles : le BOFiP final a expressément résolu la malfaçon du texte de loi qui donnait à penser que le réinvestissement par souscription en numéraire devait être opéré au capital d’une société créée depuis plus de cinq ans, conception frontalement contraire à la possibilité offerte par la loi de souscrire au «capital initial d’une ou plusieurs sociétés».

Conclusion : si certaines clarifications apportées par le BOFiP ainsi finalisé sont bienvenues, tous les sujets remontés à la DLF lors de la consultation publique n’ont malheureusement pas été pris en compte. Notamment, la limite, ô combien restrictive, au nombre d’opérations pouvant être réalisées successivement en neutralité fiscale risque fort d’être handicapante dans le cadre des opérations de réorganisation des entreprises.

 

Auteurs

Luc Jaillais, avocat associé, spécialisé en fiscalité directe : Impôt sur les sociétés et fiscalité patrimoniale.

Florian Burnat, avocat, spécialisé en fiscalité des entreprises et groupes de sociétés et en fiscalité des transactions et private equity

 

Apport de titres à une société contrôlée : l’administration finalise enfin ses commentaires ! 2ème partie – Article paru dans le magazine Option Finance le 29 mars 2016
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