Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

Budgets du CE : l’ordonnance « Macron » sur la réforme du dialogue social sonne le glas du compte 641

Budgets du CE : l’ordonnance « Macron »  sur la réforme du dialogue social sonne le glas du compte 641

L’ordonnance Macron sur la réforme du dialogue social devrait mettre un terme, à l’avenir, aux contentieux que subissent les entreprises depuis plusieurs d’années à propos de la base de calcul des subventions du comité d’entreprise (CE). Point d’arrêt sur ces litiges et leur épilogue.

La genèse du contentieux

Le Code du travail prévoit que le montant de la contribution aux activités sociales et culturelles du CE, est calculé en fonction du « montant global des salaires payés » et la subvention de fonctionnement, par référence à « la masse salariale brute ». Quelle que soit la rédaction retenue, la Cour de cassation a décidé que ces dotations avaient la même assiette1. Pour autant l’imprécision de leur définition a conduit à nourrir un contentieux opposant les employeurs à leurs représentants du personnel :

  • les premiers considérant que seules les sommes ayant la nature de salaire ont vocation à être prises en compte, par référence à la déclaration de données sociales ;
  • les seconds contestant cette position aux fins d’en élargir l’assiette de calcul et solliciter devant les juges des rappels de subvention.

La référence au compte 641, source d’insécurité juridique

Dès 2011, la Chambre sociale a décidé que, sauf engagement ou accord plus favorable, la masse salariale pour le calcul de la contribution patronale s’entendait de la masse salariale brute comptable correspondant au compte 641 « Rémunérations du personnel » tel que défini par le plan comptable général2. Une telle solution conduit à prendre en compte dans l’assiette de calcul des sommes qui n’ont pas la nature de salaire puisque le compte 641 comprend, outre les rémunérations figurant dans la déclaration des données sociales ou la déclaration fiscale des salaires, des sommes autres que des salaires.

Cette solution n’ayant aucun fondement textuel et n’étant pas en phase avec la pratique des entreprises, un fort contentieux en a résulté et a conduit la Haute juridiction à circonscrire le champ du compte 641 pour le calcul des budgets du CE. Certaines décisions ont ainsi considéré que devaient être prises en considération pour ce calcul les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, les gratifications versées aux stagiaires, la part des indemnités transactionnelles inférieure ou égale à l’indemnité légale ou conventionnelle… quand d’autres sont venues exclure du calcul la rémunération des mandataires sociaux non salariés, les remboursements de frais, la part des indemnités transactionnelles supérieure à l’indemnité légale ou conventionnelle ou la part des indemnités de rupture conventionnelle supérieure à l’indemnité légale ou conventionnelle.

Ces décisions sont pourtant critiquables à plusieurs égards :

  • la référence aux règles propres du droit comptable n’est prévue par aucun texte ;
  • la règle consistant à inclure dans l’assiette, des sommes qui ont un caractère indemnitaire telles que l’indemnité légale et conventionnelle de licenciement et à en exclure la partie qui excède ce montant est juridiquement discutable dès lors que ces sommes peuvent présenter dans leur ensemble un caractère indemnitaire ;
  • enfin, les critères conduisant la Cour à inclure ou à exclure des sommes de l’assiette de calcul des budgets du comité d’entreprise ne sont pas clairement définis ce qui est source d’insécurité juridique pour les entreprises.

L’épilogue du contentieux sur le compte 641

Dans un souci donc de sécurité juridique et de clarification, l’ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise prévoit que pour la détermination de la subvention de fonctionnement et de la contribution servant au financement des œuvres sociales de la nouvelle instance sociale et économique -« CSE3»- qui, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, fusionnera les fonctions actuelles des délégués du personnel, du CE et du CHSCT, il y aura lieu de se référer à « la masse salariale brute » qui est « constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ou L. 744-10 du Code rural et de la pêche maritime, à l’exception des indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée »4. Et le texte d’ajouter, pour probablement compenser partiellement cette dernière exclusion, que « les sommes effectivement distribuées aux salariés lors de l’année de référence en application d’un accord d’intéressement ou de participation sont incluses dans la masse salariale brute ».

En d’autres termes, la masse salariale à retenir pour le calcul des budgets du « CSE » se fera par référence à la DSN, en excluant les indemnités de licenciement de toute nature et en ajoutant l’intéressement et la participation.

Ce faisant, l’ordonnance définit précisément l’assiette de calcul de ces dotations et sonne le glas de la jurisprudence relative au compte 641. Ce texte dont l’entrée en vigueur est fixée à la date de publication des décrets pris pour son application, et au plus tard le 1er janvier 2018, ne pourra toutefois pas être appliqué aux contentieux qui sont en cours, bien qu’il pourrait avoir une influence sur le positionnement des juges du fond (dont certains résistaient déjà à la jurisprudence sur le compte 641). De même, les dispositions y afférentes renvoient au financement du fonctionnement et des institutions sociales du CSE, ce qui supposera de mettre en place cette dernière instance pour qu’il puisse pleinement recevoir application.

A cet égard la transition vers cette instance et la base de calcul nouvellement définie ne manquera pas de soulever des difficultés et d’éventuellement nourrir de nouveaux contentieux…

Notes

1 Cass. soc., 2 déc. 2008, n°07-16.615
2 Cass. soc., 30 mars 2011 n 09-71.438
3 L’ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales confirme la fusion des instances représentatives du personnel au sein d’un Comité Social et Economique (« CSE ») et en définit les règles de fonctionnement.
4 Articles L. 2312-83 et L. 2315-57 issus de l’ordonnance précitée.

 

Auteurs

Pierre Bonneau, avocat associé en droit social

Ghislain Dintzner, avocat en Droit social

 

Budgets du CE : l’ordonnance « Macron » sur la réforme du dialogue social sonne le glas du compte 641 – Article paru dans Les Echos Exécutives le 25 septembre 2017

 

Print Friendly, PDF & Email