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Cessions de droit de propriété intellectuelle : attention à la gestion collective

La Cour de cassation vient de se prononcer sur les conséquences de l’adhésion d’un auteur à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), et sur le formalisme des cessions de droit d’auteur en matière audiovisuelle (Cass Civ 1re, 13 novembre 2014, n°13-22401).

En l’espèce, les auteurs et compositeurs du générique d’un feuilleton télévisé ont agi à l’encontre des coproducteurs du feuilleton, estimant qu’ils n’avaient pas consenti à l’exploitation de leur chanson par les intéressés.

La cour d’appel de Paris a rejeté leur demande. D’une part, elle a relevé qu’ils n’avaient pas qualité à agir du fait de leur adhésion à la Sacem. D’autre part, elle a considéré qu’ils avaient donné leur accord à l’exploitation de la chanson dès lors qu’ils l’avaient écrite pour servir de générique au feuilleton (ce qu’ils avaient déclaré dans un entretien à un magazine), et qu’ils n’avaient protesté ni au communiqué de presse de la société éditrice présentant la chanson comme « La chanson générique de la série« , ni à l’utilisation de leur chanson comme générique du feuilleton pendant sa diffusion. La Cour de cassation casse partiellement cet arrêt.

Concernant la qualité à agir des auteurs de la chanson, la Cour de cassation rappelle qu’ »en application de l’article 1er des statuts de la Sacem, l’auteur ayant, par son adhésion, fait apport de l’exercice de ses droits patrimoniaux, est dès lors irrecevable, sauf carence de cette société, à agir personnellement en défense de ceux-ci« . Elle approuve ainsi la cour d’appel qui, ayant constaté l’adhésion des coauteurs à la Sacem, en a exactement déduit qu’ils étaient irrecevables à agir personnellement en réparation de l’atteinte portée à leurs droits patrimoniaux. Ce principe avait d’ores et déjà été affirmé par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 17 décembre 2010 (RG n°06/15843).

Concernant la cession des droits d’auteur, la Cour de cassation estime qu’en retenant que les auteurs avaient consenti à l’exploitation de leur chanson « alors qu’elle avait relevé que les contrats de cession des droits d’édition et de cession des droits d’adaptation, établis et adressés aux auteurs par la société […] n’avaient été ni signés ni retournés par eux, la cour d’appel a violé, par refus d’application, les textes » visés, à savoir les articles L.131-2, L.131-3 et L.132-7 du Code de la propriété intellectuelle. La Cour de cassation rappelle ainsi la nécessité d’un contrat écrit dans l’établissement des contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle (L.131-2 du CPI), l’obligation de consentement personnel et écrit de l’auteur à l’exploitation de son œuvre (L.132-7 du CPI) et l’importance de mentions distinctes des droits cédés et de la délimitation de leur domaine d’exploitation dans l’acte de cession (L.131-3 du CPI). A défaut de contrats signés retournés par les auteurs, la Cour de cassation considère donc que ceux-ci n’ont pas cédé leurs droits d’auteur sur la chanson. Ainsi, les juges refusent de pallier l’absence de contrat signé par les auteurs par l’existence d’un faisceau d’indices (en l’espèce, l’existence d’un entretien accordé à un magazine portant sur l’exploitation de leurs œuvres et l’absence de contestation des auteurs à cette exploitation) pour reconnaître leur accord implicite à l’exploitation de l’œuvre.

Dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt du 3 avril 2013 (affaires jointes n°11-13874 et 11-14233), la Cour de cassation avait également écarté des aveux judiciaires ou extrajudiciaires considérant qu’ils ne pouvaient établir l’existence d’une cession de droit d’auteur compte tenu des exigences de l’article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle.

En conclusion, deux bonnes résolutions à prendre, en ce début d’année, avant toute exploitation d’une œuvre :

  1.  s’assurer au préalable que l’auteur ou les auteurs ne sont pas adhérents à la Sacem ;
  2. obtenir des auteurs titulaires de leurs droits une cession écrite de leurs droits de propriété intellectuelle conforme aux prescriptions du Code de la propriété intellectuelle.

 

Auteurs

Alexis Vichnievsky, avocat en droit de la propriété intellectuelle et droit d’auteur.

Lucie Corvisier, avocat en droit de la propriété intellectuelle.

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