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Contrôle URSSAF : l’audition de prestataires peut entraîner la nullité du contrôle

Contrôle URSSAF : l’audition de prestataires peut entraîner la nullité du contrôle

Dans le cadre de la recherche de situations de travail dissimulé, les inspecteurs de l’Urssaf peuvent être tentés d’auditionner des tiers à l’entreprise, notamment des salariés de prestataires de services. Cependant, les exigences procédurales sont strictes, et le moindre faux pas des inspecteurs peut entraîner la nullité du contrôle comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation.

Les inspecteurs de l’Urssaf peuvent auditionner les salariés de l’entreprise dans le cadre d’un contrôle « classique »

Afin de mener à bien leur contrôle, les inspecteurs de l’Urssaf disposent de pouvoirs de contrôle étendus. Ils peuvent ainsi se voir communiquer tout document de l’entreprise et notamment ses pièces comptables.

Ils sont également amenés à dialoguer avec le représentant de l’entreprise qui fournira alors ses explications aux inspecteurs. La Charte du cotisant contrôlé rappelle ainsi que sa présence lors du contrôle est souhaitée et que celui-ci doit être un temps d’échange entre l’Urssaf et l’entreprise.

Les inspecteurs peuvent également auditionner les salariés de l’entreprise. Ces auditions ont pour objectif de permettre aux inspecteurs d’être éclairés sur les rémunérations dont ces personnes bénéficient, et ce, sans contrôle de l’employeur sur ces échanges.

L’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale dispose ainsi que les inspecteurs de l’Urssaf « peuvent interroger les personnes rémunérées, notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature ».

Ces auditions ne peuvent être réalisées que dans l’entreprise ou sur les lieux de travail, faute de quoi le contrôle est susceptible d’être annulé (Cass. Soc., 25 mars 1999, n°97-14.680).

Le texte précise également que les inspecteurs ne peuvent interroger que les personnes rémunérées par l’entreprise. Or cette notion peut être interprétée plus ou moins largement, conférant ainsi au juge le soin d’apprécier l’étendue des pouvoirs de contrôle des inspecteurs.

Les salariés de prestataires ne peuvent être auditionnés dans le cadre d’un contrôle « classique »

La Cour de cassation est venue préciser, par un arrêt du 20 septembre dernier, que les inspecteurs de l’Urssaf ne pouvaient interroger des salariés de prestataires de services de l’entreprise (Cass. Civ. 2e, 20 sept. 2018, n°17-24.359).

Dans cette affaire, les inspecteurs avaient en effet interrogé l’un des salariés d’un prestataire, car ils soupçonnaient celui-ci d’être dans une situation de subordination juridique à l’égard de l’entreprise contrôlée. Une telle situation a entraîné la requalification du contrat de prestation de service en contrat de travail et par conséquent le redressement de l’entreprise pour travail dissimulé.

S’en est suivi une longue procédure judiciaire, au terme de laquelle la Cour de cassation a jugé que le contrôle de l’Urssaf de droit commune ne permet à l’inspecteur de n’interroger que les personnes rémunérées par l’employeur, ce qui ne lui permet donc pas d’interroger des personnes rémunérées par un prestataire de service de l’entreprise faisant l’objet du contrôle.

La Cour rappelle en effet que les textes qui confèrent aux inspecteurs de l’Urssaf sont d’interprétation stricte et que l’article R. 243-59 ne prévoit pas l’audition de personnes qui ne soient pas directement rémunérées par l’entreprise. Le contrôle est par conséquent annulé.

Pour autant, les inspecteurs de l’Urssaf peuvent auditionner des personnes étrangères à l’entreprise, mais ils doivent alors se placer hors du contrôle de droit commun et initier une procédure spéciale de lutte contre le travail dissimulé.

Des auditions possibles dans le cadre d’un contrôle de lutte contre le travail dissimulé

Le Code du travail habilite en effet les inspecteurs de l’Urssaf à procéder à la recherche des infractions de travail dissimulé dans le cadre d’une procédure spéciale, qui leur confère des pouvoirs plus étendus que dans le cadre d’un contrôle classique.

L’article L.8271-6-1 du Code du travail les habilite ainsi à « entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l’accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal », y compris donc les salariés d’un prestataire de l’entreprise contrôlée.

Mais pour contrebalancer ces pouvoirs plus étendus des inspecteurs, les entreprises disposent alors de garanties supplémentaires.

Ainsi, le consentement de la personne interrogée doit impérativement figurer sur le procès-verbal de l’audition. En absence de preuve ce consentement, qui peut résulter d’une simple signature du procès-verbal, la Cour de cassation juge que l’entreprise est « privée d’une garantie de fond » ce qui entraîne la nullité du contrôle (Cass. Civ. 2e, 9 oct. 2014, n°13-19.493).

De même, dans le cadre de cette procédure, la lettre d’observations adressée à l’entreprise doit impérativement être signée par le directeur de l’Urssaf, comme le prévoit l’article R. 133-8 du Code de la sécurité sociale.

Face à une situation qu’ils suspectent être de travail dissimulé, les inspecteurs de l’Urssaf ont ainsi le choix entre deux procédures :

  • soit une procédure spéciale de lutte contre le travail dissimulé leur permettant d’interroger les salariés de prestataires de l’entreprise, mais soumis à un régime procédural plus contraignant qu’un contrôle classique ;
  • soit un contrôle classique, mais pour lequel ils ne peuvent alors interroger que les personnes rémunérées par l’entreprise, ce qui exclut donc les salariés de prestataires.

Dans les deux cas, le formalisme du contrôle doit être respecté, et tout écart est susceptible d’entraîner la nullité du contrôle, comme l’a justement rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 20 septembre.

 

Auteurs

Pierre-Jean Sinibaldi, avocat associé, droit social

Martin Perrinel, avocat, droit social

 

Contrôle URSSAF : l’audition de prestataires peut entraîner la nullité du contrôle – Article paru dans Les Echos Exécutives le 17 décembre 2018
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