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Crédit-bail immobilier et société de personnes – Des précisions utiles sur les conséquences des levées d’option d’achat

Crédit-bail immobilier et société de personnes – Des précisions utiles sur les conséquences des levées d’option d’achat

Une récente décision du Conseil d’Etat du 4 mars 2015 (n°360508) est l’occasion d’éclairer les lecteurs sur certaines conséquences fiscales spécifiques des levées d’option d’achat d’immeubles dans le cadre de contrats de crédit-bail immobilier souscrits par des sociétés de personnes.

En l’espèce, une société civile non soumise à l’IS détenue par deux personnes physiques avait conclu en 1990 un contrat de crédit-bail immobilier portant sur un terrain sur lequel avaient été édifiées des constructions que la société civile avait donné en sous location.

Le 17 juillet 1996, la société civile avait racheté l’immeuble à la société de crédit-bail immobilier sans tirer d’autres conséquences que celle de désormais détenir l’immeuble et continuer la location en cours.

L’administration fiscale a considéré, et le Conseil d’Etat a confirmé cette analyse, que la SCI avait nécessairement exercé la levée d’option prévue par le contrat, et ce faisant, aurait dû, d’une part, procéder aux réintégrations prévues par l’article 239 sexies du CGI, d’autre part, tirer les conséquences d’un changement d’activité et dès lors, soumettre à l’impôt, dans la catégorie des plus-values professionnelles des bénéfices non commerciaux, la plus-value latente existant à cette date sur l’immeuble, nécessairement à court terme, compte tenu de la date de détention de l’immeuble.

Un régime spécifique pour les crédit-preneurs imposables dans la catégorie des BNC

C’est l’article 19 de la loi de finances pour 1991 (n°90-1168 du 29/12/1990) qui a intégré dans le dispositif fiscal du crédit-bail immobilier deux dispositions importantes codifiées actuellement sous les articles 93 quater III et 93-6 du CGI prévoyant que les contrats de crédit-bail conclus dans les conditions prévues aux 1 et 2 de l’article L 313-7 du code monétaire et financier sont considérés comme des immobilisations lorsque les loyers versés ont été déduits pour la détermination du bénéfice non commercial et que les biens acquis à l’échéance des contrats en question constituent des éléments d’actif affectés à l’exercice de l’activité non commerciale.

Bien que ce dispositif ait été complété en 1994 pour le cas particulier des contribuables relevant du régime des bénéfices non commerciaux, l’acquisition de l’immeuble pris en crédit-bail par des sociétés relevant de l’article 8 du CGI peut encore poser certaines difficultés.

En prévoyant tout d’abord que les contrats de crédit-bail immobilier présentent obligatoirement le caractère d’élément d’actif affecté à l’exercice de l’activité non commerciale lorsque les loyers versés ont été déduits pour la détermination du bénéfice non commercial, le dispositif permet aux contribuables qui le souhaiteraient, de conserver dans leur patrimoine privé le contrat de crédit-bail immobilier dès lors qu’ils renonceraient à la déduction des loyers versés au crédit bailleur.

L’administration fiscale a confirmé cette analyse (Inst. 24 juin 1994, 5 G-10-94 ; D. adm. 5 G-242 n°19, 15 septembre 2000 ; BOI-BNC-BASE-30-10 n°280).

Il découle d’une telle situation que l’immeuble acquis par exercice de la levée d’option d’achat ne constitue pas alors un élément d’actif affecté à la profession dès lors que seuls le sont les immeubles acquis dans le cadre de contrats constitutifs eux-mêmes d’éléments de l’actif professionnel et qu’aucune imposition n’est ainsi susceptible d’être encourue.

Une telle situation ne modifie cependant pas l’analyse jurisprudentielle selon laquelle la sous-location d’un immeuble financé par voie de crédit-bail immobilier constitue une activité non commerciale par nature, mais non professionnelle en ce que les déficits générés par l’activité ne sont imputables que sur des revenus de même nature, mais elle rapproche la situation de la sous location d’un immeuble pris en crédit-bail immobilier de celle des loueurs en meublé non professionnels dont les plus-values de cession d’actifs relèvent du régime des plus-values privées et non professionnelles.

En revanche, dès lors que le contrat de crédit-bail immobilier présente le caractère d’un élément de l’actif immobilisé, et que la loi fiscale qualifie également d’actif professionnel l’immeuble acquis au terme du contrat, la levée d’option entraine inévitablement l’imposition de la plus-value latente sur l’immeuble du fait du changement de régime fiscal de la société.

En effet, il a été considéré que la levée de l’option d’achat entraîne un changement de régime fiscal dès lors que l’activité de sous-location soumise au régime des bénéfices non commerciaux se transforme en une activité de location simple soumise au régime des revenus fonciers; que cet événement fait perdre à l’immeuble sa nature d’élément affecté à l’activité non commerciale et emporte transfert du bien dans le patrimoine privé, générateur d’une plus-value imposable selon le régime des plus-values de cession d’éléments d’actif.

L’administration fiscale avait énoncé ce principe dans une réponse ministérielle Moyne-Bressand (AN 15 juillet 1991 p. 2768 n°42984).

Le principe d’imposition de la plus-value constatée lors de l’exercice de l’option d’achat d’un immeuble pris en crédit-bail, constitutif d’un actif professionnel, a été légalisé par l’article 31 de la loi 94-126 du 11 février 1994 (codifié sous l’article 93 quater IV du CGI) qui a institué un report d’imposition de cette plus-value, laquelle, sur demande expresse du contribuable, peut être reportée au moment où s’opérera la transmission de l’immeuble ou, le cas échéant, la transmission ou le rachat de tout ou partie des titres de la société propriétaire de l’immeuble ou sa dissolution.

Des questions récurrentes pour les autres preneurs sociétés de personnes

La pratique a depuis longtemps considéré que le dispositif de l’article 93 quater IV était « cantonné » aux seuls contribuables, personnes physiques ou sociétés de personnes détenues par des personnes physiques, imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et que lorsque le contrat de crédit-bail immobilier était détenu par une société de personnes, son assujettissement à l’IS avant l’exercice de l’option d’achat de l’immeuble, faisait obstacle au dispositif précité.

S’il n’est pas contestable que les dispositions fiscales précitées visaient les contribuables relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, la question est de savoir si les dispositions de l’article 202 ter alinéa 1 du CGI sont de nature à entrainer les mêmes conséquences pour les sociétés de personnes titulaires de contrats de crédit-bail immobilier dont les résultats ne sont pas imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Selon ce texte en effet, le changement d’objet social ou d’activité réelle d’une entreprise relevant du régime des sociétés de personnes entraîne les conséquences de la cessation d’entreprise, au même titre que le changement de régime fiscal de ces entreprises, et dès lors notamment l’imposition des plus-values latentes existant sur les actifs de la société.

Certes les fondements de l’imposition des plus-values latentes sont différents.

Alors que le fondement de l’imposition prévue par l’article 93 quater IV du CGI est celui de la cessation de l’activité non commerciale, celui de l’article 202 ter est celui du changement d’objet ou d’activité réelle de la société.

Or, il n’est pas aisé de considérer qu’une société changerait d’activité au seul motif que l’immeuble qu’elle donnerait à bail lui appartiendrait alors qu’elle en détenait la jouissance auparavant en qualité de crédit-preneur.

En ce sens, le Conseil d’Etat (CE 4 août 2006 n°272384, 9e et 10e s.-s., Xavier Maraval : RJF 11/06 n°1345) a pu considérer que la transformation d’une société civile d’exploitation agricole, dont le chiffre d’affaires était constitué à raison de 99% des ressources tirées de la location de ses biens immobiliers, en société civile immobilière ne changeait pas la nature de son activité réelle au sens de l’article 202 ter du CGI.

Mais l’administration fiscale (Rép. Kert : AN 3 juin 2008 p. 4679 n°12096 ; BOI-BIC-CESS-10-20-30 n°410, 10 juillet 2013) interrogée sur la question de savoir si le passage d’une activité de location meublée et aménagée (de nature commerciale) exercée par une SARL de famille soumise au régime fiscal des sociétés de personnes à une activité de location nue (de nature civile), à l’occasion duquel elle se transforme en société civile immobilière également soumise à l’impôt sur le revenu, emporte cessation d’entreprise a indiqué qu’il ne pouvait en être ainsi que si ce passage était assimilé à un changement d’activité réelle au sens de l’article 202 ter, I du CGI; que cette assimilation repose sur l’analyse d’éléments de fait, permettant de déterminer l’importance des changements apportés. Cette réponse ministérielle rend donc impossible d’apporter une réponse d’ordre général sur les conséquences fiscales d’un tel changement d’activité.

Il faut rappeler qu’en cas de changement d’activité, dès lors que l’activité de la société devient civile, celle-ci ne peut pas bénéficier des dispositions particulières prévues au deuxième alinéa de l’article 202 ter, I du CGI, dès lors que la condition selon laquelle l’imposition des bénéfices ou des plus-values doit demeurer possible sous le nouveau régime fiscal applicable à la société n’est pas respectée (voir en ce sens Rép. Mesmin : AN 1er avril 1991 p. 1311 n°36197 non reprise cependant dans la base Bofip du 12 septembre 2012).

Dans le doute, une option de la société de personnes pour l’IS ou une transformation en société de capitaux préalablement à l’exercice de l’option d’achat reste une précaution utile.

 

Auteur

Richard Foissac, avocat associé spécialisé en fiscalité directe,

 

*Crédit-bail immobilier et société de personnes – Des précisions utiles sur les conséquences des levées d’option d’achat* – Article paru dans le magazine Option Finance le 18 mai 2015
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