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Définition du « vendeur » au sens de la directive 1999/44 sur les garanties des biens de consommation

Définition du « vendeur » au sens de la directive 1999/44 sur les garanties des biens de consommation

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a répondu le 9 novembre 2016 à une question préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 1er paragraphe 2, sous c) de la directive 1999/44 du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (CJUE, 9 novembre 2016, C-149/15, Sabrina Wathelet c/ Garage Bietheres).


Cette directive, qui prévoit l’instauration d’une garantie légale de conformité applicable aux biens de consommation, a été transposée en droit français par l’ordonnance du 17 février 2005. Ses dispositions figurent actuellement aux articles L.217-1 et suivants du Code de la consommation.

Pour rappel, cette garantie légale de conformité d’ordre public s’applique à tous les contrats de vente de biens meubles corporels conclus entre un vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et un acheteur agissant en qualité de consommateur. Elle impose au vendeur de livrer un bien conforme au contrat et de répondre des défauts de conformité existant lors de la délivrance du bien. Depuis le 18 mars 2016, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien (six mois pour les biens d’occasion) sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire du vendeur.

Cette garantie protectrice des consommateurs s’ajoute aux garanties classiques de la vente, telles que la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 et suivants du Code civil. Elle s’ajoute également aux éventuelles garanties dites commerciales qui désignent les garanties de nature contractuelle, proposées par les vendeurs professionnels aux consommateurs, qui doivent obligatoirement faire l’objet d’un contrat écrit.

En l’espèce, une consommatrice belge avait fait l’acquisition d’un véhicule d’occasion auprès d’un garage. Le véhicule était tombé en panne quelques mois après la vente du fait d’une casse du moteur. La consommatrice ayant sollicité le garage, ce dernier l’avait informée du fait qu’il ne lui avait pas vendu le véhicule pour son propre compte, mais pour celui d’un particulier. Ayant ainsi agi comme un simple intermédiaire dans une vente intervenue en réalité entre consommateurs, le garage, non propriétaire du véhicule, ne se considérait pas comme tenu à la garantie légale de conformité.

Les ventes entre consommateurs n’entrant en principe pas dans le champ de cette garantie, une interprétation purement littérale de la directive aurait pu conduire à écarter l’application de cette garantie dans le contexte présenté. Pouvait toutefois se poser la question de savoir si l’intervention du professionnel se présentant au consommateur comme vendeur d’un bien de consommation pouvait néanmoins entraîner l’application du régime protecteur de la garantie légale de conformité.

La CJUE répond par l’affirmative à cette question : la notion de « vendeur » au sens de cette directive vise également un professionnel agissant comme intermédiaire pour le compte d’un particulier lorsqu’il n’a pas dûment informé le consommateur acheteur du fait que le propriétaire du bien vendu est un particulier.

La réalité de l’information du consommateur sur la véritable qualité du vendeur peut, selon la CJUE, être vérifiée au regard des éléments suivants : les efforts concrets déployés par le professionnel dans le contexte de la vente, l’ampleur de la correspondance et le dialogue entre le consommateur et le professionnel, le fait que le consommateur a remis le paiement du bien au professionnel et les dépenses engagées par le professionnel relativement à la vente, pour autant que le consommateur en ait eu connaissance.

Cette solution repose sur une interprétation téléologique de la directive en ce sens qu’elle se fonde sur la finalité de celle-ci qui est de garantir un niveau élevé de protection des consommateurs.

Elle semble également justifiée en ce qu’elle remédie à une situation dans laquelle l’intermédiaire professionnel, du fait d’un défaut d’information sur la qualité du vendeur, induit le consommateur en erreur en créant une apparence d’application de la garantie. Peut-être serait-il donc également possible de voir dans cette décision de la CJUE une application de la théorie de l’apparence donnant un effet utile à la « croyance légitime » des personnes de bonne foi trompées par une apparence.

Des questions semblent toutefois demeurer après cet arrêt. Une substitution totale de personne s’opère-t-elle entre le particulier vendeur et le professionnel intermédiaire au regard de la qualité de « vendeur » au sens de la directive ? Autrement dit, le consommateur acheteur pourrait-il invoquer la garantie légale à l’encontre du particulier vendeur du bien ou seulement à l’égard du professionnel ? Le particulier vendeur du bien pourrait-il être actionné sur le fondement d’une action récursoire par l’intermédiaire professionnel au sens de l’article L.217-14 du Code de la consommation ?

 

Auteur

Amaury Le Bourdon, avocat en droit de la concurrence et droit de la distribution

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