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Délais de consultation du CE et sécurité juridique : des avancées encore améliorables

La loi de sécurisation de l’emploi a entrepris d’encadrer tous les délais de consultation des institutions représentatives du personnel (sauf délais légaux spécifiques). Le projet de décret est donc important, mais il mérite des adaptations.

Les praticiens et les entreprises ont besoin, notamment dans les opérations juridiques complexes, d’intégrer la durée de ces consultations préalables dans leurs calendriers prévisionnels. Or, certains comités et syndicats ont développé, avec le concours de la jurisprudence, des stratégies de guérilla procédurale rendant ces délais plus longs et très incertains.

Cette logique contentieuse qui radicalise les oppositions en les déplaçant sur un terrain purement procédurier va à l’encontre de l’esprit des normes dont l’objet est de permettre un dialogue au fond pour rapprocher les positions des partenaires sociaux

Le nouveau régime L’article L2323-3 et le projet de nouvel article R2323-1 combinent promotion de la négociation et sécurisation par la norme étatique.

1er principe
Le délai dans lequel les avis du comité d’entreprise sont rendus peut être fixé par un accord entre l’employeur et le comité d’entreprise concerné. S’il doit être adopté à la majorité des élus, aucun formalisme particulier n’est requis mais il est préférable de le formaliser par l’adoption d’une résolution spécifique. La loi laisse la plus grande liberté aux parties sur le contenu de cet accord : elles peuvent opter pour un accord-cadre, à durée déterminée (par exemple pour le mandat en cours) ou indéterminée, ou pour un accord ponctuel sur tel ou tel projet. Pour certains, le comité n’aurait aucun intérêt à se lier les mains, dans la durée, par un tel accord. Mais c’est là se placer dans une logique purement tactique, voire contentieuse : un tel accord relève d’une bonne gestion procédurale et devrait trouver sa place, en particulier pour des sujets récurrents et sans enjeu polémique ;

2nd principe
A défaut d’accord, ce délai est fixé par un décret. A l’inverse de ce que laissait présager la formulation de l’article L. 2323-3 susvisé, le projet de décret prévoit de ne pas différencier les délais selon les sujets de consultation. La durée ne varierait donc que selon les modalités de la consultation, entre 1 mois (cas général) et 2, 3 ou jusqu’à 4 mois, selon que le comité recourt à un expert (2 mois), qu’il y a intervention d’un CHSCT (3mois) ou de l’instance de coordination des CHSCT (4 mois). Sur ce point, il apparaît que, pour éviter que des projets, par exemple de rapprochement, soient « bloqués » par des consultations trop contraignantes en termes de délais, ceux-ci mériteraient d’être réduits, une même prolongation d’un mois supplémentaire pouvant suffire à répondre aux besoins conjugués de l’expert et du CHSCT. Pour l’instance de coordination, un délai complémentaire spécifique de 15 jours pourrait être retenu. Attendons donc le texte définitif.

Le délai minimum est de quinze jours tant pour l’accord que pour le décret. A l’expiration de ces délais et à défaut d’avis exprès, le comité d’entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif.

Des conditions de mise en œuvre clarifiées

Quel point de départ ? Le délai court à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail (le cas échéant, leur mise à disposition dans la future base de données unique). Le projet de décret écarte donc la thèse d’un point de départ différé à la première réunion. Concrètement, il serait donc possible de maintenir la pratique aujourd’hui répandue de la consultation sur une seule réunion, mais à condition de communiquer l’information nécessaire suffisamment en amont, sachant que le débat pourrait rebondir sur le caractère «complet» de cette information.

Extension du délai pour quelle expertise ? Le texte mériterait une précision pour limiter cette extension aux seuls cas d’expertise prévue par la loi et non pas en cas de recours unilatéral du comité à un expert libre qui pourrait, à défaut, être désigné pour une mission minime et peu coûteuse tout en entraînant ipso facto une majoration du délai de 1 mois (si le CHSCT n’est pas compétent).

Et le CHSCT ? Le verrouillage des délais au niveau du comité d’entreprise serait de peu d’effet si la procédure au niveau du CHSCT restait non-encadrée. Le texte règle ce problème dans une logique de poupées gigogne, en enfermant l’avis du CHSCT dans le délai du comité d’entreprise. Cet avis doit, en effet, être transmis à ce dernier au plus tard sept jours avant l’expiration de ce délai. La solution est utile car elle permet, tout en sécurisant le processus global de consultation, de tenir compte de la jurisprudence sur le caractère nécessairement préalable de la consultation du CHSCT.

Peut-on imposer à tous les comités d’établissement un accord au niveau central, avec le comité central ou les syndicats ? La réponse est sans doute négative en raison de l’autonomie de chacun des comités. Non seulement aucun texte ne prévoit en la matière de tels accords de méthode, mais l’existence dans la loi d’un régime spécial d’accord avec le comité concerné fait pencher pour l’exclusion implicite de toute autre solution. Il semble, en revanche, possible de préparer au niveau central un texte type qui serait ensuite soumis pour approbation à chacun des comités d’établissement.

Peut-on réduire ces délais ? Le délai minimum de 15 jours risque de s’imposer, sauf peut-être à pouvoir invoquer l’urgence, comme la jurisprudence l’avait admis antérieurement pour les délais minimum de convocation. Mais on peut se demander si ce minimum s’impose au comité lui-même et s’il ne pourrait pas émettre plus tôt un avis s’il se considère en état de le faire. Par ailleurs, rien n’empêche le comité d’émettre son avis avant la fin des délais règlementaires de 1, 2, 3 ou 4 mois qui sont des délais maximaux aux termes desquels son avis négatif est réputé acquis s’il n’a pas déjà été exprimé. Cela ne demande même pas un accord particulier et il n’est sans doute ni nécessaire, ni opportun de faire un vote spécifique sur ce point : la loi de la majorité s’impose en effet aux minoritaires et aux organisations syndicales.

 

A propos de l’auteur

Marie-Pierrre Schramm, avocat associée, spécialisée en conseil et en contentieux dans le domaine du droit social

 

Article paru dans Les Echos Business du 4 novembre 2013

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