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Difficile renversement de la présomption d’influence déterminante de la société mère sur sa filiale

Difficile renversement de la présomption d’influence déterminante de la société mère sur sa filiale

Lorsqu’une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant enfreint les règles de concurrence, la présomption réfragable selon laquelle la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale, peut être renversée par la preuve contraire, rapportée par la société mère, prenant en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui les unissent, établissant que sa filiale se comporte de manière autonome sur le marché et ne constitue donc pas avec elle une unité économique.

Une décision récente de la Cour de cassation rappelant ce principe illustre une fois encore le difficile, voire quasi impossible, renversement de la présomption réfragable de responsabilité des sociétés mères posée de longue date par la CJUE (CJCE 25 oct. 1983 n°C-107/82, pour une filiale détenue à 100% ; CJUE 17 sept. 2015? n°C-597/13 pour une détention à 98%).

Par une décision n°14-D-16 du 18 novembre 2014, l’ADLC avait sanctionné trois sociétés pour leur participation à une entente sur le marché des déménagements des personnels militaires en Martinique. La société mère de l’une d’elles avait été tenue personnellement responsable des pratiques anticoncurrentielles de sa filiale détenue à 99,6%.

Contestant cette sanction, elle avait tenté en vain devant la cour d’appel de Paris de renverser cette présomption en établissant que sa filiale agissait bien de manière autonome sur le marché.

L’ensemble des arguments avancés n’ont pas reçu un écho plus favorable de la part de la Cour de cassation. Celle-ci a en effet approuvé la Cour d’appel pour avoir considéré que :

  • le fait qu’une entreprise soit une holding non opérationnelle assurant une direction financière en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe ne suffit pas à exclure l’exercice d’une influence déterminante sur ses filiales ;
  • la non-immixtion de la holding dans les activités de la filiale ne suffit pas à renverser cette présomption ;
  • la diversité des activités, la configuration du groupe et l’éloignement géographique de la société mère sont sans portée ;
  • le fait que la filiale dispose de sa propre direction locale et de ses propres moyens ne prouve pas qu’elle définit son comportement sur le marché de façon autonome ;
  • si le gérant de la filiale, par sa qualité de « gestionnaire de transport » dans le cadre d’une activité réglementée, est seul habilité à exercer certaines missions de gestion et de contrôle, il ne peut en être déduit que cette filiale est autonome ;
  • le fait que la filiale ait opté pour la non-contestation des griefs, contrairement à la société mère, ne permet pas de conclure à son autonomie.

Par ailleurs, la Cour a relevé que la filiale ne détenait pas de service juridique propre et recourait aux services de celui de la société holding, ce qui constituait un lien personnel entre les deux entités.

La société mère estimait pas ailleurs que la sanction qui lui avait été infligée ne pouvait pas être supérieure à celle prononcée à l’encontre de sa filiale dans la mesure où toutes deux formaient, selon l’ADLC, une entité unique et que sa responsabilité personnelle était purement dérivée de celle de sa filiale. Cet argument n’a pas non plus prospéré devant la Cour de cassation : la sanction qui lui avait été infligée pouvait être d’un montant plus élevé dès lors que, contrairement à sa filiale, elle ne bénéficiait pas de la procédure non-contestation des griefs. Elle avait en effet fait le choix procédural de contester sa responsabilité personnelle en qualité de société mère.

Cet arrêt est, semble-t-il, le premier de la Cour de cassation à appliquer la présomption d’imputabilité dans un litige relevant uniquement du droit interne ; jusqu’alors celle-ci n’avait été retenue que dans le cadre d’une application conjointe du droit national et européen (Cass. Com, 6 janv. 2015, n°13-21.305). Il est désormais clair que la Cour de cassation entend se conformer à l’approche restrictive retenue par les juridictions européennes, quant aux éléments susceptibles de renverser la présomption de responsabilité de la société mère, dans l’ensemble des contentieux quel que soit le droit applicable.

Cass. com., 18 oct. 2017, n°16-19120

 

Auteur

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat counsel au sein du département de doctrine juridique

 

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