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Du bon usage des CDD : quelques rappels bienvenus

Du bon usage des CDD : quelques rappels bienvenus

Absence pour maladie, congé maternité, congé sans solde, accroissement temporaire d’activité… Autant de motifs qui autorisent en théorie l’employeur à recourir à des contrats à durée déterminée.


Si cette solution présente des avantages à bien des égards, attention toutefois à bien respecter les règles strictes entourant ce type de contrat, sous peine d’une requalification, souvent automatique, en contrat à durée indéterminée.

L’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et les décisions récentes de la Cour de cassation nous donnent l’occasion de revenir sur quelques principes essentiels en la matière.

Le CDD doit toujours comporter les mentions obligatoires prévues par la loi

Pour rappel, et conformément à l’article L. 1242-12 du Code du travail, le contrat à durée déterminée doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires, et notamment le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée, la date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis, la durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis, la désignation du poste de travail, etc.

En l’absence d’une seule de ces mentions, le contrat de travail risque la requalification en contrat à durée indéterminée.

C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans deux arrêts récents du 7 et 28 mars 2018 (cass. Soc. 7 mars 2018, n°16-18.914 ; cass. Soc. 28 mars 2018, n°16-27.019), sanctionnant notamment l’absence de mention précise de la qualification de la personne remplacée.
La vigilance est donc de mise, une simple omission de forme pouvant totalement remettre en cause le bien-fondé du recours à un CDD, aussi justifié soit-il sur le fond…

Le CDD peut désormais excéder 18 mois et être renouvelé plus de deux fois

Avant l’ordonnance du 22 septembre 2017, la durée totale du contrat à durée déterminée ne pouvait excéder dix-huit mois, tenant compte, le cas échéant, du ou des deux renouvellements autorisés, sauf en ce qui concerne les contrats à durée déterminée de remplacement.

Désormais, l’article L.1242-8 du Code du travail prévoit qu’une convention ou un accord de branche étendu peut fixer librement la durée totale du contrat de travail à durée déterminée, sous la réserve que cette durée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Le CDD doit toujours être transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche mais la sanction est différente

Ce délai est en effet prévu à l’article L.1242-13 du Code du travail.

Toutefois, depuis l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, la méconnaissance de cette obligation de transmission n’entraîne plus à elle seule la requalification en contrat à durée indéterminée, mais ouvre seulement droit, pour le salarié, à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Dans la ligne de ces nouvelles dispositions, la Cour de cassation est venue très récemment affirmer que le défaut de mention de la date de conclusion des contrats à durée déterminée ne saurait entraîner leur requalification en contrat à durée indéterminée, dès lors que cette mention ne figure pas au titre des mentions obligatoires prévues à l’article L. 1242-12 du Code du travail, rejetant ainsi l’argument du salarié qui soutenait que ladite mention était pourtant essentielle pour établir que ce dernier lui avait été transmis dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche (cass. Soc. 20 décembre 2017, n°16-25251).

On ne saurait néanmoins que trop recommander d’être vigilant sur cette obligation formelle.

Le recours à des CDD de remplacement de manière successive, même en très grand nombre, est possible

Assouplissant sa jurisprudence en la matière, la Cour de cassation, confrontée en l’espèce à une salariée qui sollicitait la requalification de la relation de travail en CDI, au motif d’avoir cumulé 104 CDD sur trois années, afin d’assurer le remplacement de salariés absents, décide que « le seul fait pour l’employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main-d’œuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise » (Cass. Soc., 14 février 2018, n°16-17.966).

Autrement dit, il semble possible pour l’employeur de recourir à des CDD de remplacement successifs, et ce en très grand nombre, sans risquer automatiquement une requalification de la relation en contrat à durée indéterminée, à condition toutefois d’une part, que chacun desdits contrats soit régulier en la forme (cause de l’absence, nom et qualification professionnelle du salarié remplacé, durée), et d’autre part, que chacun des CDD ne soit conclu que pour le remplacement d’un seul salarié (cass. Soc. 9 juin 2017, n°15-28.599).

Reste que le recours à des CDD n’est pas toujours la solution la plus adéquate pour l’employeur, qui croit souvent, à tort, que leur régime est moins contraignant que celui d’un CDI.

Outre les risques de requalification multiples, qui peuvent coûter très cher aux entreprises (indemnité de requalification, rappels de salaires pour les périodes intermédiaires, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse…), la rupture anticipée d’un CDD est bien plus règlementée en pratique que la rupture d’un CDI, les cas de figure l’autorisant étant limitativement limités par la loi.

Quelques souplesses mais un contrat « précaire » qui demeure à manier avec précaution.

 

Auteur

Marie-Laure Tredan, avocat counsel, droit du travail, droit pénal du travail et droit de la protection sociale

Louise Raynaud, avocat, droit social
Du bon usage des CDD : quelques rappels bienvenus – Article paru dans Les Echos Exécutives le 24 mai 2018

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