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Echange de titres : options autour du sursis

La société qui réalise un échange de titres à l’occasion d’une fusion doit analyser soigneusement les options en présence, d’autant que l’administration fiscale veille.

Les règles applicables

Une société mère détenant des actions d’une filiale sur le point de se faire absorber par une société tierce va constater, à son niveau, un échange de titres. A l’occasion d’une telle fusion, la société mère associée reçoit, en effet, des titres de la société absorbante en lieu et place des titres détenus jusqu’alors dans sa filiale absorbée.

Au plan comptable, une opération d’échange de titres doit, par principe, être enregistrée à la valeur vénale de sorte que les titres reçus de l’absorbante devront être enregistrés à l’actif pour leur valeur réelle au jour de l’échange. Ce n’est que dans certains cas particuliers – fusion de deux filiales détenues à 100 % par exemple – que les valeurs comptables devront être maintenues, la société mère comptabilisant alors à son actif les titres nouveaux pour la valeur comptable à laquelle étaient enregistrés les titres anciens.

Au plan fiscal, une opération d’échange est toujours réputée réalisée à la valeur vénale en application de l’article 38 quinquies 1 a. de l’annexe III au code général des impôts (CGI). C’est pourquoi l’échange de titres consécutif à une fusion produit les mêmes effets fiscaux qu’une cession et est susceptible de générer une plus ou moins-value relevant, selon les cas, du régime d’imposition de droit commun ou de celui des plus et moins-value à long terme sur titres de participation.
Néanmoins, en application des dispositions de l’article 38-7 bis du CGI, l’entreprise peut, si elle en fait le choix, placer le gain ou la perte ainsi réalisée en sursis d’imposition.

En pratique, l’entreprise qui opte pour ce régime n’intègre pas la plus ou moins-value réalisée dans ses résultats imposables de l’exercice en cours lors de l’échange, ce qui la conduit à opérer des retraitements de nature extra comptable chaque fois que l’opération a été, au plan comptable, réalisée sur la base des valeurs réelles.

La plus ou moins-value dont la constatation est ainsi différée sera prise en compte lors de la cession des titres reçus en échange. L’entreprise associée sera alors tenue de déterminer le gain ou la perte de cession des titres en cause par référence à la valeur que les titres remis à l’échange avaient, du point de vue fiscal, dans ses livres.

Afin d’assurer le suivi nécessaire à un tel calcul, la société doit, à compter de l’année de l’échange, satisfaire aux obligations déclaratives édictées par l’article 54 septies du CGI, à savoir souscrire l’état de suivi des plus-values en sursis et tenir le registre desdites plus-values. Le non-respect de ces obligations déclaratives n’est pas de nature à remettre en cause le sursis d’imposition mais expose l’entreprise à des amendes importantes.

Souple de par son caractère optionnel, ce régime de sursis d’imposition dispose d’un champ d’application étendu puisqu’il est applicable quel que soit le régime fiscal sous lequel l’opération de fusion a été placée (régime de droit commun ou régime de faveur des fusions) et quelle que soit la nature fiscale de la plus ou moins-value d’échange réalisée.

Les éléments d’appréciation devant guider le choix à opérer

Ces caractéristiques sont telles qu’une société qui s’apprête à constater un échange de titres résultant d’une fusion doit s’interroger sur l’opportunité d’opter ou non pour ce régime, ce qui l’amène à exercer un choix entre la prise en compte immédiate ou, au contraire, différée du résultat d’échange.

Pour opérer ce choix de manière éclairée, plusieurs facteurs sont à analyser.

Il convient, tout d’abord, d’apprécier si l’échange de titres dégage un profit ou une perte puis de déterminer le secteur de rattachement dudit gain ou de ladite perte, ce qui implique d’analyser si les titres remis à l’échange sont éligibles au régime des plus et moins-value à long terme sur titres de participation ou s’ils en sont exclus (tels, notamment, les titres de placement, les titres de sociétés à prépondérance immobilière, les titres de participation détenus depuis moins de deux ans).

Cette analyse donne un premier éclairage généralement intéressant. En effet, si l’échange dégage un profit, l’entreprise aura généralement intérêt à opter pour le sursis, surtout si ledit profit est imposable au taux plein et que ladite société ne dispose pas de reports déficitaires. Au contraire, si l’échange dégage une perte déductible des résultats imposables, il sera normalement avantageux de ne pas exercer l’option.

Pour autant, l’analyse ne doit pas s’arrêter là car d’autres paramètres sont susceptibles d’interagir sur le choix à exercer.

Ainsi, si au jour de l’échange, la société mère détient depuis moins de deux ans des titres de participation ayant généré d’importantes distributions dont les produits ont été exonérés en application du régime mère filiale, la non-option pour le régime de l’article 38-7 bis du CGI causera la déchéance du régime mère fille (cf. article 145.1 c du CGI). Dans une telle situation, l’option pour le régime du sursis sera donc généralement recommandée.

La qualification fiscale des titres reçus en échange est également un facteur que la société mère associée doit analyser en vue d’apprécier l’opportunité d’opter ou non pour le sursis d’imposition.

Un choix parfois plus subtil qu’il n’y paraît

Nous prendrons le cas d’une société qui détient depuis plus de 2 ans des titres de participation dans une filiale qui se fait absorber par une société tierce. A l’occasion de l’échange de titres induit par la fusion, la société mère réalise une perte et subit une importante dilution si bien qu’elle reçoit en rémunération de l’échange des titres qui ne remplissent pas les conditions pour être qualifiés de titres de participation.

Si la société mère n’opte pas pour le régime du sursis d’imposition, elle va constater lors de l’échange une moins-value sur titres de participation non déductible.

Si la société mère exerce l’option pour le sursis d’imposition, la prise en compte de la perte sur titres sera retardée au jour où les titres reçus en échange seront cédés. Dans la mesure où ceux-ci constituent des titres de placement, leur cession génèrera par principe une perte déductible des résultats imposables au taux de droit commun, perte dont le montant sera déterminé par rapport au prix de revient fiscal qu’avaient les titres remis à l’échange.

Dans cet exemple, l’application mécanique du dispositif de différé d’imposition a pour effet de régénérer de la perte déductible dans les conditions de droit commun et de placer ainsi la société mère associée dans une situation plus favorable que celle qui aurait été la sienne en l’absence d’option pour le sursis.

Pourtant, à l’occasion d’un contrôle fiscal d’une société se trouvant dans cette situation particulière et ayant revendiqué, selon la logique précédemment exposée, la pleine déduction de la perte occasionnée par la cession de titres de placement reçus en contrepartie de titres de participation lors d’un échange placé en sursis, l’administration fiscale s’est opposée à cette logique.

Estimant que, lorsqu’il était exercé, le sursis d’imposition conférait à l’opération d’échange de titres un caractère purement intercalaire, l’administration fiscale a requalifié en moins-value long terme une partie de la perte constatée lors de la cession des titres. Selon elle, en effet, la quotité de la perte de cession correspondant à la moins-value qui existait au jour de l’échange relève nécessairement du régime des plus et moins-values à long terme.

Au soutien de son analyse, l’administration fiscale croit pouvoir déceler dans l’opération en cause l’existence d’un transfert de titres de compte à compte au sens de l’article 219, I-a ter du CGI. Elle considère ainsi qu’à l’occasion de leur remise, les titres reçus en échange ont transité, un instant de raison, dans un compte de titres de participation avant d’être transférés dans un compte propre aux titres de placement, si bien que la perte existant au jour du transfert a été gelée dans le secteur du long terme.

Une telle analyse ne nous paraît reposer sur aucun texte, d’autant que, contrairement à ce que soutient l’administration fiscale, les titres de placement reçus à l’échange n’ont à aucun moment figuré dans un compte de titres de participation. Au demeurant, si, dans la même configuration, la société associée avait réalisé un gain, nous doutons fortement que l’administration ait accepté de reconnaître à la plus-value d’échange le caractère de plus-value à long terme sur titres de participation.

Il appartiendra au juge de l’impôt saisi du dossier de trancher la question.

Néanmoins, cet exemple illustre que la situation d’une société mère associée réalisant un échange de titres à l’occasion d’une fusion peut être plus complexe qu’il n’y paraît et qu’il est donc important de procéder, en amont, à l’analyse des options en présence.

 

A propos de l’auteur

Christophe Vezinhet, avocat spécialisé en fiscalité directe, il intervient notamment en matière de fiscalité immobilière, de fiscalité des sociétés et des collectivités, de fiscalité des opérations de restructuration et d’aménagement, de conseil sur l’adaptation des structures et de contentieux fiscal et assistance au suivi des opérations de contrôle.

 

Article paru dans la revue Option Finance du 23 septembre 2013

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