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Rupture des relations commerciales établies : l’exception au préavis raisonnable et l’appréciation des juges du fond

Rupture des relations commerciales établies : l’exception au préavis raisonnable et l’appréciation des juges du fond

Après sept années de relations commerciales dont l’objet était la fabrication par un fournisseur de mobilier de signalétique intérieure, le fournisseur met fin à cette relation commerciale avec un préavis de trois mois, sans alléguer l’inexécution par son client de ses obligations contractuelles et en sollicitant la reprise du stock de mobilier fabriqué selon les spécificités requises par le client.

Le fournisseur fondait sa demande sur les articles 1710 et 1787 du Code civil et faisait notamment valoir :
(1) qu’il s’agissait d’un contrat d’entreprise puisque les produits répondaient aux instructions spécifiques du client, ce qui obligeait selon lui le client à prendre livraison des produits dont la fabrication était demandée ;
(2) que nonobstant le silence de la convention tacitement conclue sur le nombre précis de produits à fabriquer, l’accord portait sur un nombre indicatif déclaré sur la base d’un plan prévisionnel triennal ;
(3) que, si le stock représentait deux fois et demi le chiffre d’affaires réalisé avec son client, cela résultait d’une rupture brutale de la moitié des commandes entre 2004 et 2007 par son client.

La cour d’appel (Paris 5e chambre, section 1, 31 mai 2013, n° 11-15320), sans remettre en cause la qualification de contrat d’entreprise et tout en considérant qu’un tel contrat suppose l’existence d’un stock permettant de répondre rapidement à la commande de fourniture de certains produits, rejette pour autant les prétentions du fournisseur après avoir relevé (1) qu’aucun document n’établissait que le client avait imposé la constitution d’un stock de l’importance de celui dont la reprise était réclamée, (2) que ni l’acceptation des prix, ni la remise de simples prévisionnels de commandes, en l’absence de clause contractuelle prévoyant la reprise des stocks, ne permettent de condamner le client à cette reprise. La cour d’appel relève au surplus l’incohérence du comportement du fournisseur qui avait mis fin brutalement à la relation commerciale sans attendre d’avoir écoulé le stock qu’il détenait et l’impossibilité pour lui d’obtenir la reprise du stock à titre d’indemnisation en l’absence de faute revendiquée de son client.

La Cour de cassation maintient l’arrêt de la cour d’appel qui a pu, par des motifs propres et adaptés, déduire l’absence d’obligation de rachat du stock pesant sur le client et le manque de prudence du fournisseur en ayant constitué un stock d’une telle importance alors même qu’il constatait dans le même temps la chute de plus de 50 % du chiffre d’affaires réalisé avec ce client (Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-22.202).

La Cour de cassation vient ainsi rappeler que la reprise du stock n’est pas automatique, et qu’elle doit, en principe, être expressément prévue par le contrat. Dans le silence de la convention, le sort des stocks relève de l’appréciation souveraine par les juges du fond de la commune intention des parties (notamment Cass. com., 22 janvier 1969, n° 66-14.566 et Cass. com., 16 février 1970, n° 67-11.849).

La Cour de cassation s’était déjà prononcée sur l’imprudence d’un fournisseur en refusant à celui-ci la réparation du préjudice ayant résulté des investissements par lui réalisés au motif que ceux-ci avaient été engagés à une époque où son chiffre d’affaires baissait et où il n’avait aucune assurance de pouvoir les amortir (Cass. com., 20 février 2007, n° 04-14.446).

Même si cette décision confirme des positions déjà retenues, elle est à souligner à deux titres. D’une part, parce que les obligations de reprise visent généralement à régler le sort des stocks détenus par le fournisseur dans le cadre de contrats de distribution, plus rarement dans des contrats d’entreprise. D’autre part, parce que dans le cadre d’une rupture des relations commerciales, c’est normalement la victime de la rupture qui demande l’indemnisation de son préjudice, et non son auteur.

Quoi qu’il en soit, pour écarter les risques de contentieux, il ne peut qu’être conseillé de prévoir contractuellement le sort des stocks constitués à la fin de la relation commerciale, quelle qu’en soit la raison.

Auteur

Brigitte Gauclère, Avocat Counsel en Droit commercial – Distribution

Miléna Oliva, avocat en droit commercial et droit de la distribution.

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