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Franchise : absence d’information précontractuelle sur l’état du marché local

Franchise : absence d’information précontractuelle sur l’état du marché local

Par cinq décisions en date du 5 janvier 2016, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la demande de cinq franchisés en résiliation de leur contrat aux torts exclusifs du franchiseur et le paiement de dommages-intérêts pour manquement de celui-ci à son obligation précontractuelle d’information résultant de l’absence de remise d’un état du marché local et des perspectives de développement (Cass. com., 5 janvier 2016, n°14-15.701 ; Cass. com., 5 janvier 2016, n°14-15.702 ; Cass. com., 5 janvier 2016, n°14-15.705 ; Cass. com., 5 janvier 2016, n°14-15.706 ; Cass. com., 5 janvier 2016, n°14-15.710).

L’article L. 330-3 du Code de commerce dispose que le document d’informations précontractuel (DIP) doit préciser notamment l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise du franchiseur, l’état des perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, etc. L’article R. 330-1 précise que les informations doivent être complétées par une présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

En l’occurrence, le franchiseur n’avait pas établi une étude de marché local et les franchisés s’étaient engagés à réaliser eux-mêmes cette étude, le DIP remis par le franchiseur ne comprenant qu’une trame vierge d’état du marché local.

Dans leur pourvoi, les franchisés faisaient valoir que la Cour d’appel avait statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 330-3 et R. 330-1 précités, en ayant exclu la responsabilité du franchiseur compte tenu de l’expérience et des connaissances du franchisé alors que l’état du marché local n’avait pas été remis et que cette communication légalement prévue ne souffre aucune exception.

Le vice du consentement peut certes justifier une demande en nullité du contrat mais aussi une action en responsabilité délictuelle (Cass. 1re civ., 25 juin 2008, n°07-18.108) ou contractuelle (Cass. 3e civ., 6 juin 2012, n°11-15.973). Pour autant, en l’espèce, dans quatre des décisions, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en considérant que la Cour d’appel avait souverainement déduit de ses constatations et appréciations que l’information sur le marché local n’était pas un élément essentiel et déterminant du consentement des franchisés. La Cour d’appel avait ainsi constaté tour à tour une expérience déjà acquise dans le même domaine par le franchisé pendant deux ans avant la signature du contrat de franchise, ou encore l’engagement du franchisé après avoir reçu des avertissements de son avocat concernant la portée des indications du document d’informations précontractuel et notamment les déclarations à souscrire par le franchisé de réaliser lui-même l’étude de marché alors que le franchiseur ne fournissait aucune référence d’activité du fait de la création récente du réseau, ou encore l’exercice pendant dix ans dans la même ville par le franchisé d’une activité dans le même domaine.

En revanche, dans la cinquième décision, la Cour de cassation a cassé et annulé la décision d’appel pour n’avoir pas précisé en quoi l’expérience du franchisé, acquise dans le domaine du crédit dans des villes distinctes du lieu d’implantation, était suffisante pour lui permettre d’apprécier l’état du marché local d’un concept novateur alliant crédit et assurance sur la ville de Villeneuve d’Ascq.

La conclusion à tirer de ces décisions est qu’il en va de la demande en nullité comme de la demande en dommages-intérêts : aucune ne peut prospérer dès lors que le défaut d’information, même exigé par la loi, n’a pas eu pour effet de vicier le consentement du cocontractant ou de causer le préjudice invoqué.

Cette solution s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence selon laquelle une faute contractuelle n’implique pas nécessairement par elle-même l’existence d’un dommage en relation de cause à effet avec cette faute (Cass. 1re civ., 18 novembre 1997, n°95-19.516).

Le manquement du professionnel à son obligation d’information ne peut être sanctionné que pour autant qu’il en résulte un préjudice pour son cocontractant (Cass. com., 31 janvier 2012, n°11-10.716). Toutefois, la faute de la victime peut exonérer ledit professionnel de sa responsabilité partiellement, voire totalement, lorsque la victime est à l’origine exclusive de son dommage (Cass. com., 1er avril 2008, n°06-20.905 ; Cass. com., 9 juillet 2013, n°12-22.240).

En l’occurrence, les juges ont manifestement considéré que quatre des cinq franchisés étaient responsables du préjudice invoqué.

Curieusement, la lecture de ces arrêts révèle l’absence de débat sur le défaut d’exploitation préalable du concept novateur par le franchiseur. La franchise est généralement définie comme étant une mise à disposition du franchisé par le franchiseur d’un nom commercial, d’une marque ainsi que d’un savoir-faire original, spécifique, préalablement expérimenté et reproductible. Au cas particulier, le DIP révélait que la date de création de la société franchiseur était concomitante à celle du réseau. Il précisait le domaine dans lequel chacune des deux sociétés fondatrices avait développé son expertise, ce dont il se déduisait que l’expérience acquise par ces dernières ne portait pas sur le concept innovant associant l’assurance et le crédit. Pour autant, cette absence d’expérience antérieure n’a apparemment pas été discutée.

Auteur

Brigitte Gauclère, avocat Counsel en droit commercial, de la distribution et immobilier.

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