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Fusions-acquisitions et droit de la concurrence : 5 questions utiles

Fusions-acquisitions et droit de la concurrence : 5 questions utiles

1. Quand faire autoriser une opération de M&A au titre du contrôle des concentrations ?

L’autorisation de l’Autorité de la concurrence (ADLC) ou de la Commission européenne (ci-après « la Commission ») est en principe exigée lorsque les groupes parties à l’opération réalisent un chiffre d’affaires toutes activités confondues dépassant certains seuils.
Contrairement à certaines idées reçues :

  • la question de l’impact concurrentiel de l’opération est indifférente à ce stade ;
  • un minoritaire ou même un financier peut être considéré comme une partie si son implication dans l’opération s’accompagne d’un pouvoir de blocage des décisions stratégiques (notamment en raison de la détention de droits de veto) ;
  • la structuration de l’opération peut conduire à devoir notifier la création d’une société commune ou l’acquisition d’un contrôle conjoint sur une cible dont le chiffre d’affaires est faible.

2. Qu’en coûte-t-il de ne pas faire approuver une opération notifiable ou de faire des déclarations inexactes ?

Le défaut de notification d’une opération notifiable est sanctionné par une amende de 5% à 10% du chiffre d’affaires du groupe auquel il incombait d’obtenir l’autorisation de procéder à l’opération, augmenté le cas échéant du chiffre d’affaires de la cible.

La sévérité des amendes dans le cas de déclarations considérées comme incomplètes ou inexactes, et ce quand bien même il n’y aurait eu aucune incidence sur l’autorisation délivrée, peut aussi être susceptible de déséquilibrer l’économie de l’opération (V. l’amende de 110 millions d’euros infligée dans l’opération Facebook / WhatsApp).

3. À quel niveau d’information les parties peuvent-elles avoir accès au cours du processus d’acquisition ?

De toute évidence, le cédant n’a vocation à recevoir aucune information sensible sur l’acquéreur.
À l’inverse, il est admis que l’acquéreur accède à des informations lui permettant de valoriser la cible. Cet accès doit être restreint aux informations strictement nécessaires à l’opération, sous une forme anonymisée et agrégée.

Le risque est que, au cas où l’opération n’aboutirait pas, les « parties » se voient reprocher un échange d’informations anticoncurrentiel, sanctionné au titre de la prohibition des ententes (Jusqu’à 10% du chiffre d’affaires consolidé des groupes concernés).

Cet échange d’informations est également susceptible d’être sanctionné, lorsque l’opération est notifiable, sur le terrain de la mise en œuvre anticipée d’une transaction avant qu’elle ne soit autorisée.

De manière générale, les acquéreurs sont invités à recourir à des équipes d’audit restreintes pour l’examen des informations les plus sensibles (dites « clean teams »). Ces cleans teams doivent être uniquement constituées de personnes soumises à une stricte confidentialité et n’exerçant aucune fonction opérationnelle.

4. Quid de la période intercalaire entre signing et closing ?

Si une opération doit être autorisée au titre du contrôle des concentrations, elle ne pourra pas être mise en œuvre avant d’avoir été autorisée par l’autorité de concurrence compétente. On parle d’« obligation de stand still » et de « gun jumping » (image empruntée à l’athlétisme) en cas de non-respect de cette obligation.

Les sanctions encourues pour gun jumping sont les mêmes que celles encourues en l’absence de notification d’une opération notifiable (V. l’affaire Altice).

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de rappeler qu’il ne pouvait véritablement y avoir gun jumping que pour autant que les parties se transfèrent un contrôle avant que l’opération soit autorisée (CJUE, 31 mai 2018, Ernst & Young, aff. C-633/16).

Le transfert effectif du contrôle sur une entreprise tierce n’en reste pas moins apprécié de manière large en droit de la concurrence. Les accords visant à donner un droit de regard au futur acquéreur dans la période intercalaire entre signing et closing sont à cet égard particulièrement sensibles. S’il est admis que l’acheteur s’assure que l’entreprise ne sera pas dévaluée au cours de cette période, il ne lui est pas permis d’acquérir d’ores et déjà un droit d’ingérence dans les affaires de la cible et dans l’adoption de ses décisions stratégiques (notamment le budget, le plan d’affaires, les investissements courants et la gestion des équipes de direction).

5. Quelle protection possible contre la concurrence du vendeur post-cession ?

Le vendeur ne pourra en principe jamais être protégé contre la concurrence de l’acquéreur.
En revanche, les autorités de concurrence admettent que l’acquéreur se prémunisse contre une concurrence du vendeur qui serait de nature à le priver de la valeur de ce qu’il a acquis (le raisonnement est celui de la garantie d’éviction). Le droit de la concurrence limite toutefois cette faculté dans le temps, dans l’espace et aux produits ou services offerts par la cible avant la cession.

 

Auteurs

Alexandra Rhomert, avocat associé, corporate/fusions & acquisitions

Virginie Coursière-Pluntz, avocat counsel, droit de la concurrence et droit européen tant en conseil qu’en contentieux.

 

Fusions-acquisitions et droit de la concurrence : 5 questions utiles – Article paru dans le magazine Option Finance le 9 juillet 2018
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