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Gage des stocks : l’éphémère épilogue

Gage des stocks : l’éphémère épilogue

Par un arrêt du 7 décembre 20151, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation semble vouloir mettre un terme à la question controversée du choix par les parties du régime applicable à un gage des stocks sans dépossession.

Trouvant sa source dans la réforme du droit des sûretés issue de l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006, cette question résulte de la coexistence en droit français de deux régimes permettant de constituer un gage sur stocks.

Le droit commun du gage (articles 2333 et s. du Code civil), qui doit pouvoir s’appliquer à tous les types de biens corporels (dont des stocks) prévoit des modalités de constitution souples et l’accomplissement de mesures de publicité afin d’assurer l’opposabilité aux tiers. Depuis la réforme de 2006, le gage de droit commun présente pour le créancier gagiste l’avantage majeur de pouvoir bénéficier d’un pacte commissoire lui permettant de devenir propriétaire des biens gagés en cas de défaillance du débiteur (article 2348 du Code civil). Par ailleurs, l’article 2334 offre la possibilité à un créancier de bénéficier d’un gage consenti par un tiers en garantie des obligations d’un débiteur, lequel n’est donc pas obligatoirement le constituant du gage.

À l’inverse, le droit spécial du gage de stocks sans dépossession (articles L.527-1 et s. du Code de commerce) a un domaine limité puisqu’il ne peut être constitué que par un emprunteur en garantie d’un crédit consenti par un établissement de crédit ou une société de financement dans l’exercice de son activité professionnelle et qu’il ne permet pas de prévoir de pacte commissoire.

Confrontée à ces deux régimes, la pratique comme la doctrine déduisirent de la lettre permissive du texte de l’article L.527-1 du Code de commerce et de l’absence de disposition contraire que les parties pouvaient décider de soumettre indifféremment un gage sans dépossession portant sur des stocks au droit commun du gage ou au régime spécial du Code de commerce. Cette analyse fut en premier lieu consacrée par la Cour d’appel de Paris2 avant d’être contestée en cassation.

En effet, par un arrêt du 19 février 20133, la Cour de cassation suscita l’incrédulité des praticiens et de la doctrine majoritaire en affirmant l’obligation pour les parties de se soumettre au régime spécial du Code de commerce lorsque le constituant du gage de stocks était le bénéficiaire d’un crédit consenti par un établissement de crédit.

L’affaire fut ensuite renvoyée devant la Cour d’appel de Paris4 qui entra en résistance. Les juges du fond se fondèrent sur l’absence de disposition interdisant expressément aux parties de choisir de se soumettre au droit commun du gage pour en déduire la liberté totale pour les parties quant au choix du régime applicable. Cet arrêt suscita l’approbation de la doctrine majoritaire5, qui appela de ses vœux une confirmation de cette solution par la Cour de cassation.

Appelée à se prononcer de nouveau et à trancher de manière définitive cette question controversée, la Cour de cassation, réunie dans sa formation la plus solennelle, prend une fois encore le contrepied des attentes doctrinales.

À rebours de la solution d’appel, les juges de cassation ont en effet réitéré la solution initiale en décidant que lorsqu’un gage de stocks est consenti par un emprunteur au profit d’un établissement de crédit dans le cadre d’une opération de crédit, les parties ne peuvent pas soumettre leur contrat au droit commun du gage sans dépossession. La note explicative relative à l’arrêt du 7 décembre 2015 publiée par la Cour de cassation énonce, de manière pour le moins surprenante, que cette solution est justifiée au regard de la prohibition du pacte commissoire par le régime spécial du gage de stocks, dont l’exercice par un établissement de crédit serait de nature à compromettre l’application du droit des procédures collectives.

Il résulte de cette ultime prise de position de la Cour de cassation qu’un gage de stocks consenti au profit d’un établissement de crédit par un emprunteur en garantie d’un crédit doit être soumis au régime spécifique des articles L. 527-1 et suivants du Code de commerce et que le créancier bénéficiant d’un tel gage ne peut donc bénéficier du pacte commissoire autorisé par le régime de droit commun.

Cette décision résonne comme un baroud d’honneur à l’endroit de juges d’appel frondeurs à l’heure où le Gouvernement, habilité par la loi Macron6, travaille sur l’avenir du gage de stocks. L’objectif annoncé, souhaité par les praticiens et la doctrine majoritaire, serait de mettre un terme à cette dichotomie dissonante et malheureuse en alignant le régime du gage spécial sur stocks sur celui du gage de droit commun et ainsi de permettre aux parties de prévoir un pacte commissoire afin de signer l’épilogue définitif de cette controverse.

 

Notes

1Ass. Plén. 7 décembre 2015, n°14-18.435
2CA Paris, 3 mai 2011, n°10/13656
3Cass. Com. 19 février 2013, n°11-21.763
4CA Paris, 27 février 2014, n°13/03840
5Y. Duclos, Droit applicable au gage de stocks, JCP E, n°16-17, 17 avril 2014, 1218
6Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiqueS

 

Auteurs

Benjamin Guilleminot, avocat, Financements Structurés

Sadri Desenne-Djoudi, avocat en droit bancaire

 

Gage des stocks : l’éphémère épilogue ? – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 4 janvier 2016
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