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Intégration fiscale : un régime à l’intérêt renouvelé

Les réformes fiscales se succédant à un rythme soutenu, les entreprises doivent se demander si les options qu’elles ont prises au plan fiscal sont toujours pertinentes. De ce point de vue, le régime de l’intégration fiscale mérite une attention particulière.Alors que l’intérêt de l’intégration fiscale avait paru s’atténuer en raison notamment de certains effets de seuils applicables aux contributions additionnelles à l’IS, la réforme de l’imputation des déficits et l’instauration de dispositifs pénalisants dont sont dispensés les filiales intégrées (notamment, contribution de 3% sur les dividendes) tendent plutôt à renforcer les avantages offerts par ce régime.

Le régime de l’intégration fiscale (articles 223 A et suivants du Code général des impôts) permet à une société mère, détenant directement ou indirectement (via des sociétés du groupe) 95% au moins du capital de ses filiales, de se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés (IS) d’ensemble du groupe. Ce régime est optionnel : l’option est exercée pour une durée de 5 ans renouvelable tacitement, mais le périmètre du groupe, comme son existence, sont susceptibles d’être modifiés chaque année.

Dans un environnement en pleine mutation, ce régime semble constituer un îlot de stabilité relative, n’ayant pas fait l’objet de retouche profonde ces dernières années, si l’on excepte les modifications apportées à la définition du périmètre du groupe sous la pression du droit communautaire (jurisprudence « Papillon »).

Derrière cette apparente stabilité, le régime de l’intégration subit néanmoins nécessairement les contrecoups des différentes réformes de la fiscalité des entreprises proposées par les pouvoirs publics. Leur adaptation au cas particulier des sociétés intégrées est susceptible de modifier le positionnement du régime de l’intégration fiscale par rapport à la situation de droit commun.

Dans ce contexte, il ne paraît pas inutile de repréciser les principaux avantages et inconvénients présentés par l’option pour l’intégration fiscale, et de se demander dans quel sens les dernières réformes sont susceptibles de faire pencher la balance.

1. Assiette taxable du groupe et imputation des déficits
Le résultat d’ensemble du groupe intégré est constitué de la somme algébrique des résultats des sociétés du groupe après élimination des conséquences fiscales des opérations internes. La possibilité de compenser les profits et pertes respectives d’entités distinctes est la raison d’être de ce régime et son avantage principal.

A cet égard, le mécanisme de plafonnement des déficits fiscaux introduit par la 2ème loi de finances rectificative pour 2011 (du 19 septembre 2011) et durci par la loi de finances pour 2013 (du 29 décembre 2012, « LF 2013 »), qui limite aujourd’hui l’imputation du déficit à hauteur d’un million d’euros plus 50% de la fraction du bénéfice imposable excédant cette somme, suscite deux remarques :

  • dans les groupes, la limitation (et en particulier le seuil d’un million) s’applique une seule fois, au déficit d’ensemble, ce qui, a priori, constitue un inconvénient ;
  • néanmoins, pour la détermination du résultat d’ensemble, les déficits individuels des sociétés membres sont imputables sans aucun plafond à hauteur des bénéfices constatés par les autres sociétés du groupe sur le même exercice, ce qui constitue un avantage majeur lorsque les profits et pertes des différentes sociétés membres représentent des montants respectifs importants.

Par ailleurs, la 2ème loi de finances rectificative pour 2012 (du 16 août 2012, « LFR II 2012 »), en restreignant les possibilités de transferts de déficits lors d’opération de restructurations et en étendant les cas de changements d’activité entraînant la perte des reports déficitaires, a renforcé l’avantage de l’intégration fiscale au regard de l’utilisation des déficits : ceux-ci étant reportés au niveau du groupe ne sont en effet pas affectés par les changements d’activités ou restructurations opérés au niveau des sociétés membres.

N’oublions pas non plus, en ce qui concerne la détermination de l’assiette taxable à l’IS du groupe, la neutralité qui s’applique aux abandons de créances et subventions internes, et celle dont bénéficient les cessions d’immobilisations ou de titres au sein du groupe. Cette neutralité peut constituer un avantage appréciable, alors que la LFR II 2012 a interdit dans l’essentiel des cas la déduction des abandons de créances à caractère financier, et que la LF 2013 a aggravé la fiscalité des plus-values sur cession de titres de participation.

2. Taux effectif d’imposition à l’IS
Au regard du taux effectif d’imposition (IS + contributions additionnelles calculées sur l’IS), l’intégration fiscale est susceptible de présenter un véritable inconvénient. En effet :

  • la contribution sociale sur les bénéfices s’applique au taux de 3,3% sur l’IS calculé après un abattement de 763 000 € : or, dans l’intégration, cet abattement est décompté une seule fois, au niveau de l’IS d’ensemble, au lieu de s’appliquer à l’impôt dégagé par chaque société ;
  • la surtaxe de 5% (issue de la 4ème loi de finances rectificative pour 2011, du 28 décembre 2011) s’applique aux sociétés réalisant un chiffre d’affaires excédant 250 millions d’euros : or, ce seuil est apprécié dans les groupes intégrés en retenant la somme des chiffres d’affaires réalisés par les sociétés membres (tout comme, d’ailleurs, le seuil rendant exigible le 4ème acompte majoré des grandes entreprises).

Cela étant, en termes de paiements effectifs d’IS, le surcoût éventuel lié aux contributions additionnelles peut être compensé, en tout ou partie, par l’optimisation de l’utilisation des crédits d’impôts que permet l’intégration fiscale : l’IS du groupe peut en effet être acquitté au moyen de crédits d’impôts de filiales dont la situation est insuffisamment profitable pour en permettre l’utilisation à un niveau individuel.

3. Remontée des dividendes au sein du groupe
Parmi les atouts de l’intégration, figure aussi le sort favorable réservé aux distributions intragroupe. Leur imposition est tout d’abord totalement et définitivement neutralisée à compter du deuxième exercice d’intégration, qu’elles soient réalisées entre sociétés bénéficiant du régime mère-filiale (neutralisation de la quote-part de frais et charges de 5%) ou entre sociétés ne bénéficiant pas de ce régime (neutralisation du produit de participation).

En outre, les distributions entre sociétés intégrées sont expressément exclues du champ d’application de la contribution de 3% sur les dividendes instaurée par la LFR II 2012 – cette exonération s’appliquant même sur le premier exercice d’intégration de la filiale distributrice.

4. Charges financières
Si la déduction des charges financières du groupe peut être altérée en situation d’application du dispositif dit de « l’amendement Charasse » (réintégration d’une quote-part des charges financières du groupe si une filiale est intégrée après avoir été acquise auprès d’actionnaire(s) qui contrôle(nt) le groupe), l’intégration fiscale permet en revanche, dans certaines conditions, de déduire des intérêts réintégrés au niveau individuel en application des règles de sous-capitalisation (article 212 du CGI), lorsque le prêteur est membre de l’intégration.

Au regard du nouveau dispositif dit du « coup de rabot » introduit par la LF 2013 (réintégration de 15% des charges financières nettes constatées au cours de l’exercice clos à compter du 31/12/2012 et de 25% pour les exercices ouverts à compter du 01/01/2014), l’intégration peut être favorable ou défavorable selon les cas : le seuil de 3 millions d’euros de charges financières nettes qui conditionne la réintégration s’apprécie à partir de la balance des charges et produits financiers de l’ensemble des sociétés intégrées, et peut donc être dépassé même si chaque société du groupe a un niveau de charges financières nettes inférieur à 3 millions d’euros ; cela étant, la possibilité de tenir compte, dans ce calcul, des produits financiers des filiales (y compris lorsqu’elles n’ont pas de charges financières) peut s’avérer favorable autant pour l’appréciation du seuil que, le cas échéant, pour le calcul de la réintégration.

5. Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)
Rappelons enfin que l’intégration peut avoir des impacts au-delà du domaine de l’IS. Ainsi, la détermination du taux de la CVAE de chaque société intégrée se fait en retenant le chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble des sociétés du groupe, ce qui est susceptible d’augmenter le coût de la CVAE de chaque filiale – inconvénient flagrant de l’intégration, à relativiser en fonction des montants en jeu.

En conclusion, si l’intégration génère un surcroît de formalisme et reste susceptible de présenter quelques surcoûts selon les situations, elle présente des avantages qui semblent globalement renforcés par les dernières évolutions législatives.

 

A propos de l’auteur

Frédéric Gerner, Avocat spécialisé en matière de restructurations, d’intégration fiscale et plus généralement de fiscalité de groupes français et internationaux.

 

Article paru dans la revue Option Finance du 25 mars 2013

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