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L’ «identification» des titres : un réflexe utile pour la gestion des plus-values ?

L’ «identification» des titres : un réflexe utile pour la gestion des plus-values ?

Les contribuables qui acquièrent des titres d’une même société à des dates différentes (dans le cadre par exemple de donations successives, de souscription à des augmentations de capital, d’acquisitions auprès d’un tiers, etc.) devraient songer à identifier chaque groupe de titres acquis successivement, car cette identification pourrait permettre d’optimiser la gestion de leurs plus-values.

Lors d’une opération de transmission (apport, cession, donation, etc.) portant sur une partie seulement de titres acquis à des dates différentes, il est souvent préférable que le contribuable puisse avoir le choix du lot de titres qu’il souhaite transmettre en fonction de la date de leur acquisition et de la plus-value latente y afférente.

En cas de donation par exemple, un contribuable préférera céder un lot de titres porteur d’une importante plus-value latente afin de purger cette dernière. Au contraire, en cas de cession il préférera céder le lot de titres présentant la plus faible plus-value (à moins de disposer par ailleurs de moins-values reportables).

Distinction entre titres «identifiables» et titres «fongibles» : application de règles différentes pour le calcul des plus-values

Selon les situations, les règles sont différentes. Dans ses commentaires publiés, l’administration fiscale distingue les titres «identifiables» et les titres «fongibles». Selon elle, en présence de titres «identifiables», il est possible de déterminer chacun des titres concernés par l’opération envisagée et donc de retenir leur prix effectif et leur date d’acquisition ou de souscription. En revanche, lorsque les titres sont «fongibles», il convient de retenir comme prix d’acquisition le prix moyen pondéré (PMP) résultant des acquisitions successives de titres1 et d’appliquer la règle «premier entré, premier sorti» (PEPS) pour calculer leur durée de détention et déterminer ainsi l’abattement à pratiquer. En présence de titres «fongibles», le contribuable ne peut donc bénéficier d’aucune option.

S’il lui semble opportun de se ménager cette option, le contribuable pourrait veiller à ce que ses titres soient «identifiables». Mais qu’est-ce qui caractérise un titre «identifiable» et plus particulièrement est-il possible de rendre « identifiables » des titres qui sont par nature «fongibles» ?

Il convient tout d’abord de noter que, sur le plan du droit civil, les titres de sociétés sont en principe fongibles, qu’il s’agisse d’actions ou de parts sociales (même si pour ces dernières la jurisprudence n’est pas encore véritablement fixée). En effet, juridiquement, des titres conférant des droits identiques sont en principe fongibles. À l’inverse, lorsqu’il existe plusieurs catégories de titres conférant des droits différents, ceux qui figurent dans une catégorie ne sont pas fongibles avec ceux qui figurent dans une autre.

Sur le plan fiscal, les choses sont différentes. Dans ses commentaires publiés sur les règles d’imposition des plus-values, l’administration fiscale définit les titres «identifiables» comme ceux pour lesquels le cédant connaît, à la date de leur cession et pour chacun d’entre eux, leur date et prix d’acquisition ou de souscription. Elle donne pour exemple les «titres numérotés» et «les titres inscrits sur un registre tenu par la société». Quant aux titres «fongibles», ils sont définis comme ceux appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents (et à des dates différentes).

Comment «identifier», au regard des règles d’imposition des plus-values, des titres juridiquement fongibles

Il convient d’ores-et-déjà de remarquer que, selon l’administration fiscale, les titres numérotés doivent être considérés comme «identifiables». La numérotation pourrait donc permettre d’identifier les parts sociales, ces dernières pouvant en principe être numérotées (à la différence des actions pour lesquelles cette question fait débat).

Néanmoins, pour les actions, il faut noter qu’une «identification» semble également possible. En effet, l’administration emploie le terme large de «titres» et fait référence au «registre tenu par la société» caractéristiques des sociétés par actions. De plus, dans les commentaires publiés commentant la détermination de la date d’acquisition des titres (pour déterminer l’abattement pour durée de détention), les actions sont expressément mentionnées parmi les titres pouvant être «identifiables»2.

L’ «identification» d’actions pourrait d’abord se faire par la création d’actions de types différents (par le biais d’actions de préférence par exemple) qui seront de ce fait identifiables juridiquement dans les livres de la société puisque les actions d’une catégorie se distinguent nécessairement des actions des autres catégories. Mais cette solution, surtout envisageable dans les entreprises contrôlées par le contribuable, présente des contraintes qui compliquent souvent sa mise en place. D’autres possibilités semblent alors exister.

Selon l’administration, des «titres inscrits sur un registre tenu par la société» sont «identifiables». Or, des actions émises par une SA ou une SAS sont inscrites dans un registre de mouvement de titres et des comptes d’actionnaires. Pour autant, il nous semble que cela ne suffit pas à les «identifier» puisque ces actions restent malgré tout «fongibles» au sein de ce même compte d’actionnaire (chaque actionnaire ne disposant par défaut que d’un seul compte dans lequel sont confondues toutes les actions acquises successivement).

Toutefois, il semble possible, pour les besoins du calcul des plus-values, d’ouvrir plusieurs comptes dans le «registre de titres» pour un même actionnaire, et obtenir ainsi, plusieurs lots de titres «identifiés» acquis à des dates différentes. Ces comptes auraient, alors, pour seule vocation de servir au calcul de l’imposition des plus-values. Cette solution, si elle a le mérite de la simplicité pose néanmoins la question de son opposabilité en cas de contrôle dans la mesure où le registre de mouvements de titres est tenu par la société émettrice des titres elle-même sans formalité administrative obligatoire.

Plusieurs solutions restent malgré tout envisageables pour pallier cette inopposabilité potentielle et sécuriser davantage l’aspect «identifiable» des titres détenus.

On peut ainsi imaginer de préciser directement dans l’acte de donation ou dans l’acte d’achat des titres en cause, acte qui sera en tout état de cause enregistré auprès des services fiscaux, que les titres reçus par le cessionnaire/donataire seront placés, pour le calcul de l’imposition des plus-values, sur tel ou tel sous-compte clairement identifié.

Autre possibilité à envisager généralement en présence d’actions cotées : l’acquisition puis la détention de ces titres par l’intermédiaire de comptes détenus au sein d’établissements financiers différents. En effet, il résulte des commentaires administratifs que dans une telle situation et par souci de simplification, la détermination de la valeur moyenne d’acquisition et le calcul du gain net peuvent être effectués de manière autonome par chacun des établissements bancaires sans tenir compte des opérations réalisées par ailleurs. A notre avis, même si la formulation des commentaires peut prêter à discussion, cette règle aurait également vocation à s’appliquer en cas de détention de titres émis par une même société au travers de comptes financiers différents ouverts dans les livres d’un même établissement.

Enfin, si l’ensemble des développements qui précèdent visent à préciser le traitement en matière d’impôt sur la plus-value des titres ainsi cédés, il ne faut cependant pas perdre de vue les effets collatéraux de cette «identification».

Les effets collatéraux de l’ «identification» des titres juridiquement fongibles : des paramètres à prendre en considération

Lorsqu’un contribuable choisit d’ «identifier» ses titres par les mécanismes évoqués ci-dessus, il devra ensuite gérer son portefeuille avec rigueur. Il sera en effet important que les actes d’acquisition ou de cessions ultérieurs ainsi que les ordres de mouvement transmis à la société précisent bien sur quel compte les nouveaux titres doivent être inscrits ou quel lot de titres est concerné par la cession.

De plus, cette «identification» exclut l’application de la méthode PEPS et PMP (applicable par défaut) en cas de cession ultérieure d’une partie des titres, alors que dans certaines situations cela pourrait être plus avantageux (lorsque le deuxième lot de titres a été acquis pour un prix unitaire plus faible que le premier par exemple).

Par ailleurs et pour conclure cette liste non exhaustive des paramètres à prendre en compte avant de faire le choix de l’«identification», il faut remarquer que de manière générale la fongibilité des actions est plutôt présentée comme un atout. En effet, cette fongibilité laisse notamment aux signataires d’un pacte Dutreil une plus grande liberté dans la disposition d’un certain nombre de titres non couvert par l’engagement3 puisqu’ils peuvent céder tout ou partie de leur participation tant qu’ils détiennent le nombre minimum d’actions qu’ils se sont engagés à conserver. Il peut donc paraître contradictoire de choisir d’ «identifier» ses actions.

A notre avis, il n’en est rien. Il nous semble que la définition des termes «identifiables» et «fongibles» donnée par l’administration fiscale revêt une véritable autonomie par rapport à leur définition au plan du droit civil, tant les deux paraissent inconciliables. L’administration fiscale aurait donc posé un cadre de règles spécifiques aux besoins de la détermination des plus-values, pour le contribuable pouvant prouver la date et le prix d’acquisition de ses titres. Il paraîtrait dès lors envisageable que des actions puissent être «identifiables» au regard des règles fiscales sur les plus-values (grâce aux mécanismes évoqués plus haut) tout en restant fongibles au plan civil et donc dans le contexte du régime des pactes Dutreil, qui, en l’absence de précisions par l’administration fiscale, devrait être régi par les principes civilistes. Cette question doit néanmoins être étudiée avec prudence notamment en cas de numérotation des parts sociales.

Ainsi, si l’ «identification» des actions présente des avantages, il peut aussi exister des raisons objectives de ne pas y recourir. Son opportunité doit s’analyser au cas par cas.

Notes

1. BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-40 n°10, à jour au 14/10/2014
BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-20 n°70, à jour au 20/03/2015
Cf. sur ce sujet la chronique de Sylvie Lerond et Grégory Dumont «La fongibilité des actions sous le régime Dutreil : problème ou solution ? » parue dans le Feuillet Rapide 58/14 inf. 10., Editions Francis Lefebvre

 

Auteurs

Florian Burnat, avocat, en droit fiscal

Damien Basson, avocat en droit fiscal

 

*L’ «identification» des titres : un réflexe utile pour la gestion des plus-values ?* – Article paru dans le magazine Option Finance le 22 juin 2015

 

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