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La délégation de pouvoir : de la nécessité d’identifier les attentes pour en assurer l’efficacité

La délégation de pouvoir : de la nécessité d’identifier les attentes pour en assurer l’efficacité

Si la délégation de pouvoir est un outil courant, différentes situations sont visées par cette terminologie. Il convient donc de définir la notion, de rappeler les conditions pour qu’elle opère transfert de la responsabilité pénale et d’envisager le cas particulier des groupes.

 

Une notion à double dimension

Couramment, la délégation de pouvoir vise la situation d’un chef d’entreprise ayant autorisé un salarié, de manière permanente ou ponctuelle, à engager valablement la société sans avoir recueilli au préalable son autorisation.

Or, il s’agit dans ce cas de conférer au bénéficiaire une autonomie décisionnelle que l’on pourrait qualifier de « délégation fonctionnelle de pouvoir », et non pas d’une mesure permettant au chef d’entreprise de s’exonérer de sa responsabilité pénale.

Concrètement le « délégataire » pourra par exemple signer des contrats engageant l’entreprise, manier des fonds sur les comptes bancaires, signer des chèques, procéder à des recrutements ou encore de notifier des licenciements.

D’un point de vue fonctionnel, le salarié en question dispose de pouvoirs, le cas échéant étendus, qui relèvent normalement du chef d’entreprise.

C’est pour cette raison que la confusion avec la notion de délégation de pouvoir, au sens pénal du terme, se conçoit assez aisément.

Cependant, et compte tenu des enjeux qui découlent du transfert de la responsabilité pénale, la jurisprudence encadre strictement la validité d’une telle délégation.

Ainsi, une délégation de pouvoir pourra produire ses pleins effets au plan fonctionnel sans pour autant opérer de transfert de la responsabilité pénale dès lors que les conditions propres à ce transfert ne sont pas remplies.

Pour éviter toute mauvaise surprise, il est donc fortement recommandé au chef d’entreprise de déterminer les effets attendus de la délégation – délégation fonctionnelle ou pénale – et de veiller scrupuleusement, dans cette seconde hypothèse, au respect des conditions pour que cette délégation soit efficace au plan juridique.

 

Des conditions strictes pour la délégation opérant transfert de la responsabilité pénale

Les conditions de validité d’une telle délégation qui doit nécessairement être établie par écrit ne sont pas prévues par la loi et c’est donc la jurisprudence qui en a fixé les contours.

Ainsi, selon la Cour de cassation, le délégataire doit être pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour remplir sa mission.

Précisons que :

    • la compétence, correspond à l’aptitude du préposé à exercer la délégation confiée. Il s’agit de l’expérience professionnelle et des compétences techniques lui permettant d’assumer ses prérogatives ;
    • l’autorité, est le pouvoir de donner des ordres et de les faire exécuter ;
    • les moyens visent ceux nécessaires pour exiger le respect de la réglementation. Il peut s’agir de moyens financiers et/ou disciplinaires.

 

Un soin particulier devra également être accordé à la rédaction de la délégation qui devra notamment préciser l’étendue des pouvoirs et des responsabilités délégués.

Au-delà de ces impératifs rédactionnels, la délégation doit être précédée d’un important travail portant sur l’organisation interne de l’entreprise afin qu’elle soit l’exact reflet des missions et responsabilités confiées au délégataire et qu’elle ne se trouve pas en conflit avec une autre délégation portant sur le même objet. Dans le cas contraire, les deux délégations seraient alors privées d’effet.

De même, quand plusieurs délégations sont consenties dans une même entreprise, il est nécessaire de s’assurer que les délégants ont été au préalable valablement investis des pouvoirs qu’ils entendent déléguer.

Si cette précision peut sembler relever de l’évidence, il n’est toutefois pas rare en pratique que l’analyse de la chaîne des délégations révèle des manquements rédhibitoires (chaînon manquant ou absence de mise à jour des délégations suite à des évolutions de l’organigramme par exemple).

Cette précaution prend d’autant plus d’importance dans les groupes de sociétés compte tenu de la complexité de l’organisation et de la multiplicité des interlocuteurs.

 

Des délégations possibles dans les groupes de sociétés

Les délégations de pouvoir au sein d’un groupe de sociétés méritent une attention particulière.

En effet, et par principe, le chef d’entreprise ne peut déléguer ses pouvoirs qu’à l’un de ses préposés.

Ce lien de préposition est difficile à caractériser en l’absence de lien de subordination entre le déléguant et le délégataire.

Cependant, la jurisprudence a admis dans certains cas la délégation de pouvoir au sein des groupes d’entreprises.

Schématiquement, il s’agit en général de situations dans lesquelles le déléguant était le chef de l’entreprise dominante, permettant ainsi aux juges de considérer qu’il exerçait une autorité hiérarchique sur le délégataire, salarié d’une filiale.

La possibilité de procéder à des délégations de pouvoir entre des sociétés sœurs (ou cousines) est beaucoup plus complexe à appréhender et incertaine quant à sa validité, notamment dès lors que l’existence d’un lien hiérarchique est plus difficile à caractériser.

 

Aussi, si celles-ci devaient être envisagées, elles ne pourraient l’être que si le délégataire disposait effectivement, de par l’organisation fonctionnelle du groupe, de l’autorité et des moyens pour faire respecter la délégation à des salariés d’une entreprise distincte de celle l’employant.

 

A l’évidence, seules des situations très spécifiques pourraient le cas échéant permettre de recourir à de telles délégations. Une analyse préalable et précise de l’organisation du groupe, au plan juridique et fonctionnel, devrait avoir lieu afin de rechercher les précautions à prendre pour permettre leur efficacité juridique ou s’orienter vers une option alternative.

 

Article publié dans les Echos EXECUTIVES le 14/05/2018

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