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La réforme des dispositions applicables au contrôle URSSAF : une avancée pour les droits de la défense

La réforme des dispositions applicables au contrôle URSSAF : une avancée pour les droits de la défense

Le décret du 8 juillet 2016 renforce les droits et garanties des cotisants en révisant certaines étapes de la procédure de contrôle et de recouvrement des cotisations sociales. Quelles est la portée réelle de ces nouvelles dispositions?

La plupart des dispositions du décret s’appliquent aux contrôles engagés à partir du 11 juillet 2016. Ceux engagés avant cette date restent soumis aux règles antérieures.

Nous exposerons uniquement les mesures les plus importantes en matière de droit de la défense.

L’avis préalable au contrôle

  • Pour quels contrôles l’avis est-il requis?

Sauf travail dissimulé ou suite d’un contrôle sur pièces transformé en contrôle sur place, la mise en œuvre d’un contrôle URSSAF suppose l’envoi préalable d’un avis de passage soumis à un formalisme strict et spécifique.

Il est dorénavant prévu que si la recherche de travail dissimulé dispensée d’avis de passage n’aboutit pas et que l’organisme entend poursuivre le contrôle sur d’autres points de la réglementation, un avis de contrôle doit être envoyé (CSS art. R 243-59, I, al. 2). Cette clarification entre les contrôles passibles de l’avis et ceux pour lesquels l’avis n’est pas requis est la bienvenue.

  • Délai de prévenance

Un délai de prévenance doit être respecté entre l’envoi de l’avis de contrôle et la première visite de l’URSSAF.

Jusqu’à présent, le respect d’un délai de 15 jours était recommandé par la circulaire Acoss 99-82 du 16 juillet 1999 mais la Cour de cassation considérait que cette recommandation n’était pas impérative pour l’inspecteur du recouvrement (Cass. soc. 14 février 2013 n° 12-13.656).

Depuis le 11 juillet 2016, un délai minimum de 15 jours doit être respecté entre l’envoi de cet avis et la date de la première visite de l’agent chargé du contrôle (CSS art. R 243-59, I, al. 1).

Le caractère obligatoire de ce délai permet à tous les cotisants d’être traités de la même manière et de disposer de temps pour se préparer au contrôle. Le non-respect de ce délai devrait entraîner la nullité du redressement.

  • Les destinataires

Les destinataires de l’avis de contrôle sont désignés précisément. Jusqu’à présent, les dispositions réglementaires se bornaient à faire de « l’employeur » le destinataire de ce document et c’est la jurisprudence qui a dû préciser les destinataires possibles.

Dorénavant, lorsque la personne contrôlée est une personne morale, l’avis de contrôle doit être adressé à l’attention de son représentant légal et envoyé à l’adresse du siège social de l’entreprise ou, le cas échéant, à celle de son établissement principal, telles que ces informations ont été préalablement déclarées. Lorsque la personne contrôlée est une personne physique, l’avis doit être adressé à son domicile ou, à défaut, à son adresse professionnelle, telles que ces informations ont été préalablement déclarées (CSS art. R 243-59, I, al. 3).

Sauf précision contraire, l’avis de contrôle vaut pour l’ensemble des établissements de la personne contrôlée (CSS art. R 243-59, I, al. 4). La Cour de cassation retenait déjà ce principe (Cass. 2e civ. 6 novembre 2014). En revanche, il ressort de l’article R 243-59 nouveau du Code de la sécurité sociale que, si l’avis énumère des établissements, il ne concerne que ceux-ci. Cela met fin à la jurisprudence contraire de la Cour de cassation (Cass. 2e civ. 8 octobre 2015 n°14-23.739).

Le déroulé du contrôle URSSAF et l’accès aux documents

A l’occasion des opérations de contrôle, les agents pourront obtenir la communication de documents, dans des conditions aménagées par le décret du 8 juillet 2016.

  • Le classement de documents

Dans le cadre des opérations de contrôle, les agents peuvent se faire communiquer un certain nombre de documents, sous réserve qu’ils soient nécessaires au contrôle. La personne contrôlée doit à cet effet mettre à la disposition de l’agent de contrôle tout support d’information qui lui est demandé (CSS, art R 243-59, II). Depuis le 11 juillet 2016, l’agent peut demander que les documents à consulter lui soient présentés selon un classement spécifique nécessaire au contrôle. Toutefois, cette demande devra être formulée au préalable (CSS, art R 243-59). Le décret crée ainsi une charge supplémentaire pour le cotisant.

  • Le traitement automatisé

L’agent de contrôle pourra demander à mettre en œuvre un traitement automatisé sur le matériel du cotisant. A cet effet, il doit faire une demande écrite et la personne contrôlée dispose de 15 jours pour s’opposer par écrit à la mise en œuvre de traitements automatisés sur son matériel (CSS art. R 243-59-1, al. 2).
En cas de refus, le cotisant doit :

  • soit mettre à la disposition de l’agent chargé du contrôle les copies des documents, des données et des traitements nécessaires à l’exercice du contrôle. Ces copies sont détruites (et non plus restituées) avant l’engagement de la mise en recouvrement ;
  • soit prendre en charge lui-même tout ou partie des traitements automatisés. L’agent chargé du contrôle lui indique alors par écrit les traitements à réaliser et les délais accordés pour les effectuer.

A défaut de réponse de la personne contrôlée dans le délai de 15 jours, l’agent chargé du contrôle pourra procéder aux traitements automatisés sur le matériel de la personne contrôlée (CSS art. R 243-59-1, al. 5) et pour les documents dématérialisés, le cotisant devra mettre également à sa disposition un utilisateur habilité pour réaliser les opérations sur son matériel (CSS art. R 243-59-1, al. 1).

Postérieurement au contrôle

  • L’obligation de répondre aux observations du cotisant

Le cotisant dispose -comme par le passé- d’un délai de 30 jours pour répondre, s’il le souhaite, par tout moyen, aux observations qui lui ont été adressées. Pour ce faire, il peut se faire assister par le conseil de son choix (CSS art. R 243-59, III).

Lorsque le cotisant répond aux observations avant la fin du délai de 30 jours, l’agent chargé du contrôle est tenu de lui répondre. Cette obligation est renforcée par le décret du 8 juillet 2016. En effet, chaque observation exprimée de manière circonstanciée par la personne contrôlée doit faire l’objet d’une réponse motivée. Celle-ci doit détailler, par motif de redressement, les montants qui, le cas échéant, ne sont pas retenus et les redressements qui demeurent envisagés (CSS art. R 243-59, III).

Cette exigence expresse de motivation et de réponse détaillée devrait faire évoluer les pratiques actuelles des URSSAF qui souvent rejettent de manière succincte les arguments du cotisant.

  • Le remboursement des soldes créditeurs

Dorénavant, il est prévu que, lorsqu’un solde créditeur en faveur de la personne contrôlée résulte du contrôle, l’organisme doit le lui notifier et effectuer le remboursement dans un délai maximum de 4 mois suivant sa notification (CSS art. R 243-59, IV, al. 3).

Cette règle permettra au cotisant de demander des intérêts de retard si le paiement n’intervient pas dans le délai et devrait limiter le temps d’attente avant remboursement.

Recouvrement et contentieux

Toute action en recouvrement de l’URSSAF est précédée d’une mise en demeure invitant le cotisant à régulariser sa situation dans le mois. Cette mise en demeure peut être contestée devant la commission de recours amiable de l’organisme (CRA) qui l’a émise puis, le cas échéant, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

  • Le délai de saisine de la CRA est porté à deux mois

Le cotisant qui entend contester la mise en demeure qui lui a été adressée peut saisir la commission de recours amiable (CRA) de l’URSSAF par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de saisine est porté de un à deux mois à compter de la réception de la lettre de notification de la mise en demeure. Cette mesure s’appliquera aux mises en demeure notifiées à compter du 1er janvier 2017.
Cet allongement du délai permettra aux cotisants de disposer de plus de temps et d’éviter les rédactions survenues dans l’urgence.

  • Saisine du TASS : la fin de la double saisine

Le délai de traitement des demandes devant les CRA peut être long. Le Code de la sécurité sociale prévoit qu’après un silence d’un mois de la CRA, le cotisant est titulaire d’une décision implicite de rejet et peut saisir le TASS dans les deux mois qui suivent (1re saisine) (CSS art. R 142-6). Toutefois, après cette saisine, la CRA rend parfois une décision explicite. Par le passé, il fallait impérativement la contester en saisissant le TASS (2e saisine), car la jurisprudence considérait qu’à défaut, la décision explicite devenait définitive.

Pour des raisons de simplification, le décret du 8 juillet 2016 prévoit désormais que la demande du cotisant ne pourra pas être rejetée pour forclusion en cas d’absence de saisine du tribunal contestant la décision explicite de rejet intervenue en cours d’instance (CSS art. R 142-18, al. 3).

Une seule saisine du TASS à la suite de la décision implicite devrait donc être suffisante à l’avenir.

  • Les majorations et les pénalités de retard

La bonne foi du cotisant n’est plus un critère conditionnant la remise gracieuse des majorations de retard. Seul le constat d’infraction de travail dissimulé rend impossible cette remise (CSS art. R 243-20).

  • Rectification d’erreurs

A compter du 1er janvier 2017, en cas d’erreurs constatées dans ses déclarations, l’employeur pourra rectifier spontanément la situation lors de l’échéance déclarative la plus proche en adressant un versement régularisateur. Cette régularisation permettra d’éviter l’application de majorations de retard et pénalités, sous réserve que ledit versement soit inférieur à 5% du montant total des cotisations initiales et ne résulte pas d’inexactitudes répétées ou d’omissions de salariés dans la déclaration (CSS art. R 243-10).

En conclusion, le décret améliore effectivement par petites touches les droits du cotisant.
 

Auteurs

Alain Herrmann, avocat associé en droit social.

Cathy Clairet Roig, avocat en droit social

 

La réforme des dispositions applicables au contrôle URSSAF : une avancée pour les droits de la défense – Article paru dans Les Echos Business le 22 septembre 2016
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