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La santé des sportifs professionnels, une considération prégnante pour les clubs employeurs

La santé des sportifs professionnels, une considération prégnante pour les clubs employeurs

On l’oublie parfois mais le sport professionnel est une terre d’élection -un terrain de jeu diront certains -de la législation sociale. Ce que n’hésitent pourtant pas à rappeler certaines conventions collectives de branche du sport, telle que la Charte du football professionnel qui précise que « les joueurs professionnels jouissent des droits que leur accorde l’ensemble des dispositions du Code du travail et de la législation sociale »1.


Dans ce cadre, les clubs sont tenus de préserver la santé des joueurs qu’ils emploient, en raison notamment de l’obligation de sécurité mise à leur charge.

De ce point de vue, les sportifs professionnels sont des salariés comme les autres.

Mais cette considération est d’autant plus essentielle que la participation du club à des compétitions -de plus en plus- professionnelles met la santé physique et mentale du joueur à rude épreuve. Illustrations.

La protection de la santé du joueur dès le commencement de la relation contractuelle

Il appartient au club de faire procéder à un examen médical d’aptitude2, mieux connue sous l’expression de « visite médicale », précédant la signature par le joueur de son contrat de travail.

Outre cette formalité, le club doit prendre garde, lors du recrutement du joueur, à ce que ce dernier soit assuré pour les dommages qu’il pourrait subir dans le cadre de sa pratique sportive.

La cour d’appel de Paris s’est à cet égard prononcée sur le cas d’un footballeur professionnel engagé à l’essai par l’Athlétic Club Arles Avignon, club évoluant dans le championnat de football professionnel de première division (Ligue 1) à l’époque des faits.

Le joueur s’étant blessé à l’occasion d’un match amical, le club avait mis un terme anticipé à l’essai.
Le joueur avait alors saisi la juridiction civile de droit commun pour obtenir réparation de son préjudice, reprochant au club d’avoir commis une faute d’imprudence et de négligence en ne vérifiant pas s’il disposait d’une assurance personnelle susceptible de prendre en charge les dommages corporels qu’il pouvait subir.

Considérant que la question de l’applicabilité de l’article L.321-4 du Code du sport -selon lequel les associations et les fédérations sportives sont tenues d’informer leurs adhérents de l’intérêt que présente la souscription d’un contrat d’assurance de personnes- était sans objet dans la mesure où le club exerçait son activité sous la forme d’une société commerciale, la cour d’appel de Paris a néanmoins retenu que ce dernier était fautif, au regard des dispositions de l’ancien article 1383 du Code civil (devenu à l’article 1241 du Code civil).

La Cour d’appel a en effet estimé que le club aurait dû attirer l’attention du joueur sur le fait qu’en étant « invité pendant une semaine pour faire un essai en vue d’un engagement » il ne bénéficiait pas, par son intermédiaire, d’un contrat d’assurance le garantissant en cas de dommages corporels subis pendant son activité sportive au sein du club.

Cet arrêt appelle deux observations.

On s’étonnera d’abord du fait que le contentieux ait été porté devant les juridictions civiles de droit commun et non devant la juridiction prud’homale, ce qui laisse à penser qu’il n’aurait pas existé de relation de travail salarié entre le club et le joueur.

Une analyse discutable dans la mesure où l’engagement « à l’essai » du joueur semblait correspondre à une « période d’essai », au sens de l’article L.1221-20 du Code du travail, qui permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

On signalera ensuite que ce type de contentieux a peu de chances de se reproduire à l’avenir dans la mesure où les fédérations sportives délégataires sont désormais tenues de souscrire des contrats d’assurance de personnes au bénéfice de leurs licenciés inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau, couvrant les dommages corporels auxquels leur pratique sportive peut les exposer3.

A la condition que le club informe en temps utile la fédération sportive délégataire de l’engagement du joueur, et ce dès avant le commencement de l’éventuel essai.

La préservation de la santé du joueur à l’origine de la cessation anticipée de la relation contractuelle

Outre l’examen médical d’aptitude, le club doit s’assurer que le joueur bénéficie d’un suivi médical de son état de santé physique et mental jusqu’au terme de son contrat de travail4.

Or, il se peut que le médecin du travail constate à cette occasion l’inaptitude du joueur à la pratique de l’activité sportive pour laquelle il a été engagé.

Et le club peut être tenté de rompre de manière anticipée la relation contractuelle.

Une situation sur laquelle s’est justement prononcée la cour d’appel de Limoges, aux termes d’un arrêt rendu le 7 avril 2015 (n°13/01113).

Au cas d’espèce, un joueur de rugby recruté en qualité de pilier par la SASP Club Athlétique Brive Corrèze Limousin (le CAB) -évoluant dans le championnat de rugby professionnel de première division (Top 14) à l’époque des faits- avait été victime d’un accident du travail à la suite de l’effondrement d’une mêlée, puis déclaré définitivement inapte en qualité de joueur de rugby.

Licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement, le joueur avait contesté la décision prise par le CAB, en soutenant que l’inaptitude constatée par la médecine du travail était la conséquence d’un mépris par le club de son obligation de sécurité.

Il insistait en particulier sur la circonstance que le club avait eu connaissance, lors de son recrutement, de l’anomalie clinique (canal rachidien rétréci) dont il était porteur, sans toutefois entreprendre aucune action pour préserver sa santé.

La Cour d’appel a cependant observé qu’il avait été constaté, à l’occasion de l’examen médical préalable au recrutement, que le joueur souffrait d’une affection susceptible d’entraîner une tétraplégie progressive en l’absence de soins.

Un risque que le joueur avait alors déclaré comprendre et accepter.

Elle a également et surtout relevé que le médecin responsable de l’examen médical avait estimé qu’il n’existait pas de raison valable pour contre-indiquer la poursuite d’une carrière sportive et que, quelques jours avant les faits, le joueur avait été de nouveau déclaré apte à la pratique de cette activité sportive.

Partant, la cour en a conclu que « le manquement à l’obligation de sécurité ne peut être retenu à l’encontre de l’employeur ».

Cet arrêt révèle ainsi toute l’importance pour les clubs d’organiser le suivi médical des joueurs, et, ce faisant, de veiller à la préservation de leur santé.

Il atteste en outre de la nécessité pour les clubs de se conformer aux exigences de l’article L.1226-10 du Code du travail, qui imposent à l’employeur de proposer au salarié déclaré inapte à son poste de travail un autre emploi approprié à ses capacités et tenant compte des conclusions du médecin du travail.

Sur ce point, la cour d’appel a observé que le club avait réclamé au joueur un curriculum vitae mentionnant ses éventuelles compétences professionnelles autres que sportives, mais il avait toutefois constaté qu’aucun poste de reclassement n’était à pourvoir.

En somme, la préservation de la santé du joueur peut conduire le club à mettre un terme anticipé à leur collaboration, sous réserve de respecter les dispositions du Code du travail, voire les obligations spécifiques à chaque convention collective sectorielle5.

La faute inexcusable du club, un risque consubstantiel à l’accident du travail subi par le joueur

On l’a vu, le club est tenu de prendre toutes les actions utiles pour préserver la santé du joueur s’il souhaite se prémunir -au mieux- contre la mise en cause de sa responsabilité pour manquement à l’obligation de sécurité.

Mais il ne s’agit pas du seul risque auquel un club non diligent s’expose dans l’hypothèse où le joueur serait victime d’une blessure, et plus largement d’un accident du travail, rendant impossible la poursuite de sa carrière professionnelle.

Le joueur pourra également tenter de faire reconnaître que l’accident dont il a été victime résulte de la faute inexcusable du club, en faisant valoir que ce dernier « avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver »6.

Un contentieux de cette nature a été récemment porté devant la cour d’appel d’Angers.

Au cas d’espèce, un joueur de basket professionnel recruté par la JDA Dijon Basket -évoluant dans le championnat de France de basket-ball dit « Pro A » (et désormais « Jeep Elite »)- avait été victime, au cours de la saison sportive 2011/2012, d’un malaise cardiaque lors d’un entraînement, à l’occasion duquel une affection cardiaque fut constatée.

Malgré l’implant d’un cœur artificiel, le joueur est décédé au cours de la saison sportive suivante.

C’est dans ce contexte que l’épouse du joueur a agi en reconnaissance d’une faute inexcusable imputable à la JDA Dijon Basket, en se prévalant notamment de l’insuffisance des examens cardiologiques réalisés par le club au moment du recrutement du joueur.

La cour d’appel d’Angers a toutefois rejeté la demande formulée par la requérante, aux termes d’un arrêt rendu le 11 avril 2019 (n°17/00810).

La Cour d’appel a en particulier observé que le club avait fait procéder, au moment du recrutement, à un examen médical approfondi permettant de conclure à l’absence de contre-indication médicale à la pratique par le joueur du basket-ball dans les compétitions professionnelles.

Elle a en outre relevé que l’article 400 du règlement intérieur de la Ligue nationale de basket-ball prévoit qu’une échocardiographie doit être réalisée tous les cinq ans et que le joueur en avait bénéficié en 2010, si bien que cet examen n’était pas obligatoire lors de son recrutement.

Et d’ajouter que tous les médecins qui se sont succédés dans le suivi médical du joueur, dans le cadre tant de sa carrière professionnelle au sein de la Ligue nationale de basket-ball que des compétitions internationales de l’équipe de France, n’ont décelé aucune contre-indication médicale à la pratique du basket-ball à un niveau professionnel.

Pour conclure, la cour d’appel d’Angers a considéré que « le club de Dijon qui ne pouvait que s’en remettre aux avis médicaux, a rempli ses obligations contractuelles et conventionnelles concernant les capacités médicales de Monsieur Z [le joueur] à la pratique du basket-ball à un niveau professionnel. Dans ces conditions, il est parfaitement établi que le club ne pouvait avoir aucune conscience du danger auquel était exposé le joueur ».

On l’aura compris, la santé du joueur est source d’enjeux considérables pour les clubs, qui doivent dès lors se montrer particulièrement vigilants quant au respect des obligations légales et conventionnelles mises à leur charge en la matière.

Notes

1 Charte du football professionnel, article 508 « Droit du travail et de la sécurité sociale »
2 Code du travail, article L.4624-2
3 Code du sport, article L.321-4-1, issu de la loi n°2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale
4 Voir en ce sens l’article 611 de la Charte du football professionnel et l’article 5.3.4. b) 1 de la Convention collective du rugby professionnel
5 A titre d’illustration, le licenciement pour inaptitude d’un gardien de football a pu être jugé sans cause réelle et sérieuse au motif que le club avait pris cette décision sans avoir préalablement saisi la commission juridique de la ligue de football professionnel, qui est un préalable obligatoire à la rupture du contrat de travail en application des articles 51, 265 et 271 de la Charte du football professionnel (CA Toulouse, 21-04-2017, n°14/03507)
6 Cass. Soc., 28 février 2002, n°00-10.051

 

Auteur

Dorian Moore, avocat, droit social

 

La sant̩ des sportifs professionnels, une consid̩ration pr̩gnante pour les clubs employeurs РArticle paru dans Les Echos Ex̩cutives le 24 mai 2019

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