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L’émission d’obligations bénéficiant de sûretés réelles

Sur le marché obligataire, les porteurs d’obligations sont le plus souvent des créanciers chirographaires (seniors unsecured), c’est-à-dire qu’ils ne bénéficient d’aucune garantie particulière et se trouvent en concours avec les autres créanciers de la société émettrice pour le paiement des intérêts et le remboursement du principal des obligations.

Cependant, dans un nombre croissant d’opérations, des sûretés réelles sont octroyées aux porteurs d’obligations, leur donnant un accès privilégié aux actifs de l’émetteur sur lesquels porte la sûreté.

C’est par exemple le cas sur le marché de l’Euro Private Placement (Euro PP), où l’octroi de sûretés peut permettre de répondre à la demande d’investisseurs d’être « pari passu » avec les créanciers bancaires de l’émetteur, c’est-à-dire de bénéficier des mêmes protections, dans l’hypothèse où une part significative des actifs de l’émetteur a déjà été donnée en sûreté au profit de ses créanciers bancaires. Sur ce marché, les investisseurs qui souscrivent aux obligations ont souvent la volonté de les conserver jusqu’à leur maturité (investisseurs buy-and-hold), et veillent donc particulièrement à ne pas être subordonnés, en droit ou dans les faits, à d’autres créanciers. Si les créanciers bancaires qui bénéficient de sûretés acceptent de les partager avec les obligataires (généralement parce que la valeur des actifs donnés en garantie excède largement le montant de leur créance garantie), il est possible de créer au profit des porteurs d’obligations une sûreté de second rang (qui n’affecte donc pas la sûreté de premier rang consentie aux créanciers bancaires) et de convenir des règles de partage des sûretés de premier et de second rang, en cas de réalisation desdites sûretés, dans une convention sur le rang (ranking agreement ou intercreditor agreement) conclue entre les obligataires et les créanciers bancaires. De la sorte, l’émetteur peut procéder à l’émission obligataire, en ayant permis aux porteurs d’obligations d’être au même rang que les créanciers bancaires.

La constitution et la gestion des sûretés seraient matériellement très difficiles avec une émission obligataire si l’émetteur devait avoir autant de rapports juridiques que de porteurs d’obligations. Cet écueil est toutefois évité du fait du caractère collectif de l’emprunt obligataire : les porteurs d’obligations d’une même émission sont groupés de plein droit en une masse pour la défense de leurs intérêts communs (article L.228-46 du Code de commerce), ce qui facilite la gestion des sûretés.

Les sûretés sont généralement constituées par la société avant l’émission, pour le compte de la masse des porteurs d’obligations, et leur acceptation par les porteurs résulte du seul fait des souscriptions (article L.228-77 du Code de commerce). Si les suretés sont constituées après l’émission des obligations, c’est le représentant de la masse qui les accepte pour le compte de la masse (article L.228-81 du Code de commerce).

Chaque sûreté est octroyée selon le formalisme qui lui est propre, étant précisé que le Code de commerce contient des dispositions spécifiques destinées à assurer la protection des porteurs d’obligations, notamment pour les sûretés soumises à inscription sur un registre public comme les hypothèques et les nantissements de fonds de commerce (articles L.228-79 et L.228-80 du Code de commerce).

 

Auteur

Marc-Etienne Sébire, avocat responsable du service marchés de capitaux.

 

Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 16 juin 2014

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