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L’évaluation foncière en matière de fiscalité locale, une révision engagée et attendue

L’évaluation foncière en matière de fiscalité locale, une révision engagée et attendue

De l’aveu de la Cour des comptes, le processus «exagérément complexe» d’établissement des bases cadastrales par les services de l’administration fiscale «produit une situation obsolète et inéquitable». Et les magistrats de la rue Cambon de rappeler que le Conseil des impôts s’inquiétait déjà de l’obsolescence des bases et de leur déconnexion de la réalité économique… dans un rapport paru en 1989.

Force est de constater que ce problème s’est aujourd’hui accentué, à tel point que la remise à plat annoncée par la révision des valeurs locatives des locaux professionnels non industriels lancée en 2010 – dont les premières estimations traduiraient des transferts de charges significatifs entre les contribuables – s’avère difficile à mettre en oeuvre.

Gageons qu’il en sera de même de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2018. Du reste, seule la méthode l’évaluation des locaux industriels ne fait pas l’objet d’une réforme dans la mesure où celle-ci repose sur un calcul mathématique et s’adapte mécaniquement à l’évolution des prix du marché.

Les modalités d’évaluation de la valeur locative foncière sont d’autant plus importantes que cette valeur locative théorique sert à la détermination de la taxe foncière, de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe d’habitation.

L’évaluation de la valeur locative foncière des locaux industriels

Précisons tout d’abord que la notion de locaux industriels recouvre bien entendu les locaux dans lesquels est exercée une activité de transformation ou de fabrication stricto sensu mais également certains locaux dans lesquels est exercée une activité de manipulation ou de prestation de services dès lors que les installations techniques, matériels et outillages utilisés sont importants et jouent un rôle prépondérant dans l’activité.

Sans engager le débat sur les contours de la notion de local industriel et la portée des critères jurisprudentiels, le lecteur appréciera d’apprendre que la plupart des entrepôts logistiques quelque peu mécanisés ou équipés de chambres froides sont aujourd’hui qualifiés de locaux industriels par les juridictions administratives.

L’application de cette méthode d’évaluation dite comptable consiste à déterminer la valeur locative de l’immeuble à partir du prix de revient d’entrée à l’actif des immobilisations passibles de taxe foncière (terrains, constructions et agencements fonciers) comptabilisées au bilan du propriétaire ou de l’exploitant.

La valeur locative des biens passibles de taxe foncière est déterminée après application d’un taux de 8% pour les terrains et, pour les constructions, d’un taux de 9% ou de 8% selon qu’elles ont été acquises ou créées avant ou après le 1er janvier 1976. Cette valeur locative fait l’objet d’une actualisation annuelle selon un coefficient voté par le Parlement.

L’évaluation de la valeur locative foncière des locaux professionnels non industriels et des locaux d’habitation selon les règles actuellement applicables

L’article 1498 du Code général des impôts (CGI) prévoit trois méthodes d’évaluation de la valeur locative des locaux commerciaux dont la date de référence se situe au 1er janvier 1970.

La méthode dite «des baux» n’a quasiment plus vocation à s’appliquer dès lors qu’elle concerne des locaux qui étaient loués en 1970.

En revanche, la méthode dite «comparative» est la plus usuellement retenue et consiste à attribuer à une propriété ou fraction de propriété donnée une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée, sur le procès-verbal des opérations de révision de la commune, pour d’autres immeubles de même nature pris comme types ou termes de comparaison au 1er janvier 1970.

Enfin, lorsque ces deux premières méthodes ne sont pas applicables, la valeur locative est déterminée selon la méthode dite «d’appréciation directe» qui consiste à déterminer la valeur vénale de l’immeuble estimée à la date de référence du 1er janvier 1970, corrigée par un abattement de spécificité et sur laquelle vient s’appliquer un taux d’intérêt pour obtenir la valeur locative. Ladite valeur locative est ensuite actualisée au moyen de différents coefficients.

S’agissant des locaux d’habitation, l’article 1496 du CGI prévoit l’application de la méthode comparative telle que décrite ci-dessus pour les locaux commerciaux, avec toutefois des ajustements et des pondérations différentes.

Les principaux axes de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels non industriels et des locaux d’habitation

S’agissant des locaux professionnels non industriels, la réforme prévoit deux méthodes d’évaluation : la méthode générale dite «tarifaire» et la méthode résiduelle dite de l’appréciation directe.

La méthode tarifaire consiste en l’application à la surface pondérée du local à évaluer (éventuellement corrigée par un coefficient de localisation) d’un tarif représentatif du marché locatif et non plus du tarif d’un local type comparable. Les tarifs seront déterminés à partir des loyers constatés dans chaque secteur d’évaluation présentant un marché locatif homogène pour chaque catégorie de propriété au 1er janvier 2013. Les données utilisées pour la fixation de ces tarifs sont issues des éléments déclarés par les propriétaires de locaux professionnels non industriels dans les imprimés 6660-REV déposés au 1er semestre 2013. Ces tarifs seront mis à jour par les services fiscaux en fonction de l’évolution des loyers constatée chaque année (au moyen des informations déclarées par les redevables de la CFE sur l’imprimé Decloyer).

A défaut de pouvoir appliquer la méthode tarifaire, la méthode résiduelle consiste en l’application d’un taux d’intérêt uniforme de 8% à la valeur vénale de l’immeuble constatée au 1er janvier 2013 ou au 1er janvier de l’année de sa construction si elle est postérieure à 2013. Cette valeur vénale serait réduite de 50% pour les seuls immeubles affectés partiellement ou totalement à un service public ou reconnu d’intérêt général. La loi prévoit deux mesures d’accompagnement de la procédure de révision des valeurs locatives foncières :

  • un coefficient de neutralisation visant à maintenir le poids respectif des locaux commerciaux et des locaux industriels dans les bases de taxe foncière, de TEOM et de CFE, et devant conduire à ce que la réforme se fasse à revenus constants pour les collectivités locales ;
  • un mécanisme de lissage sur cinq ans des variations, à la hausse mais aussi à la baisse, des bases des locaux professionnels pour lesquels la révision des valeurs locatives entraînera une hausse de plus de 10 % et de 200 euros de la cotisation due. S’agissant des locaux d’habitation, la révision des valeurs locatives, annoncée pour 2018, est en cours d’expérimentation dans cinq départements et a pour date de référence le 1er janvier 2015. Les résultats devraient être connus à l’automne prochain.

Si les impacts financiers de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels non industriels ne peuvent à ce jour être estimés, il apparaît qu’elle devrait entraîner des transferts de charges significatifs entre les différents contribuables, au point de justifier un nouveau report de l’entrée en vigueur de la réforme désormais attendue pour 2017 au plus tôt. De même, il conviendra de surveiller l’impact financier de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation auquel tout redevable de la taxe foncière et/ou de la taxe d’habitation –et donc électeur– devrait être sensible.

 

Auteurs

Cathy Goarant-Moraglia, avocat associé pour les entreprises et les collectivités locales, plus particulièrement en matière de CET (CFE et CVAE, anciennement taxe professionnelle).

David Barreau, avocat en fiscalité, plus particulièrement en fiscalité locale

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