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Licenciement pour motif économique : ce que change la loi Travail

Licenciement pour motif économique : ce que change la loi Travail

La loi Travail du 8 août 2016 modifie le droit du licenciement économique sur plusieurs points. Elle enrichit et précise la définition du motif économique, autorise les licenciements économiques avant transfert et enfin, elle complète l’obligation de revitalisation des bassins d’emploi.

La nouvelle définition du motif économique

Le premier apport de la loi Travail consiste à ajouter deux nouveaux motifs à la liste des motifs économiques de l’article L 1233-3 du Code du travail : la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d’activité de l’entreprise.

Cette évolution ne constitue pas une réelle nouveauté puisque s’appuyant sur l’adverbe « notamment » qui précède la liste des motifs économiques, la Cour de cassation avait admis de longue date que la sauvegarde de la compétitivité et la cessation d’activité de l’entreprise pouvaient valablement fonder un licenciement économique.

La transposition de la jurisprudence de la Cour de cassation présente toutefois l’intérêt de faire obstacle à un revirement jurisprudentiel sur ce point.

Notons que cette liste complétée n’est pas pour autant exhaustive puisque la loi a pris soin de préserver l’adverbe «notamment» confirmant ainsi le caractère potentiellement évolutif des motifs de licenciement économique.

La réelle nouveauté de la loi Travail consiste à apporter un début de définition de la notion de difficultés économiques.

Désormais, les difficultés économiques s’entendent comme «soit évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitations ou une dégradation de la trésorerie ou l’excédent brut d’exploitation, soit tout autre élément de nature à justifier ces difficultés.»

Par ailleurs, la loi Travail précise qu’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année passée, au moins égale à :

  • 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
  • 2 trimestres consécutifs pour une entreprise employant entre 11 et 49 salariés ;
  • 3 trimestres consécutifs pour une entreprise employant entre 50 et 299 salariés ;
  • 4 trimestres consécutifs pour une entreprise employant 300 salariés et plus.

Il appartiendra au juge de déterminer ce qu’il faut entendre par une «évolution significative» de l’un des facteurs visés à l’article L 1233-3 modifié, ce qui laisse augurer un important contentieux…

Dans le même ordre d’idée, la loi ne précise pas la date à laquelle doit s’apprécier la durée de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires en comparaison avec la même période de l’année passée.

A priori, cette exigence devrait être appréciée au jour de la notification du licenciement. Or, dans l’hypothèse de la mise en place d’une procédure lourde de licenciement assortie d’un PSE, la notification du licenciement intervient plusieurs mois après l’engagement de la procédure de consultation du Comité d’entreprise et/ou de la négociation d’un accord majoritaire.

Par conséquent, même si la durée requise de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires est caractérisée au début de la procédure, elle devra perdurer jusqu’à la notification des licenciements.

Dernière nouveauté en matière de motifs économiques, la loi Travail transpose la jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de laquelle la matérialité du licenciement économique (suppression, transformation d’emploi ou refus d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail) s’apprécie au niveau de l’entreprise.

A noter que ces dispositions seront applicables à compter du 1er décembre 2016.

La possibilité de licencier avant un transfert d’entreprise

De manière inédite, la loi Travail reconnaît, sous conditions, le droit pour un employeur de prononcer des licenciements économiques avant un transfert d’entreprise.

Jusqu’à présent les licenciements économiques prononcés avant un transfert d’entreprise étaient considérés comme dépourvus d’effet par les juridictions du travail.

Ce courant de jurisprudence avait pour effet de décourager des repreneurs potentiels ne souhaitant pas se voir transférer l’ensemble des salariés de l’entité transférée faute de moyens suffisants pour les conserver tous.

Il est désormais possible de prononcer des licenciements avant un transfert d’entreprise sous réserve du strict respect des conditions suivantes :

  • l’entreprise doit employer au moins 1 000 salariés ou appartenir à un groupe d’au moins 1 000 salariés, ou être une entreprise de dimension communautaire ou appartenir à un groupe de dimension communautaire ;
  • les licenciements s’inscrivent dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ;
  • le PSE comporte des transferts d’une ou de plusieurs entités économiques ;
  • le transfert permet d’éviter la fermeture d’un ou de plusieurs établissements ;
  • l’entreprise souhaite accepter l’offre de reprise.

La loi précise que lorsque le PSE fait l’objet d’un accord majoritaire celui-ci peut prévoir les modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise sur l’offre de reprise.

Notons que ces dispositions sont applicables dès le lendemain de la publication de la loi soit depuis le 9 août 2016.

L’obligation de revitalisation des bassins d’emploi complétée

L’obligation de revitalisation des bassins d’emploi incombe aux entreprises soumises à l’obligation de proposer un congé de reclassement et procédant à des licenciements collectifs affectant, de par leur ampleur, le ou les bassins d’emploi dans lesquels elles sont implantées.

Deux nouveautés – mineures – sont apportées par la loi Travail :

  • d’une part, la convention conclue entre l’Administration et l’entreprise soumise à une obligation de revitalisation des bassins d’emploi pourra comporter des actions en faveur de l’emploi prévues dans le cadre d’une démarche volontaire de l’entreprise. Ces actions feront l’objet d’un document cadre dont les modalités seront définies par décret (non paru à ce jour) ;
  • d’autre part, la loi prévoit la possibilité de conclure une convention cadre nationale de revitalisation entre l’employeur et le ministre chargé de l’emploi et de l’entreprise dès lors que les suppressions d’emploi concernent au moins trois départements.
Auteur

Thierry Romand, avocat associé en droit social

Licenciement pour motif ̩conomique : ce que change la loi Travail РArticle paru dans Les Echos Business le 20 septembre 2016
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