Location à une partie liée : le risque d’abus de droit n’est pas écarté
10 novembre 2017
Le Comité de l’abus de droit fiscal vient de se prononcer par deux avis sur un montage considéré comme ayant eu pour but exclusif de dégager un déficit foncier par la déduction de dépenses qui n’auraient pas été déductibles si le contribuable s’était réservé la jouissance gratuite du bien immobilier (Séance du 9 juin 2017, affaires n°2016-54 et 2016-55).
Dans la situation soumise à l’examen du Comité, une SCI conclut un bail d’habitation avec l’un de ses associés.
Le Comité relève que, pour le juge de l’impôt, la conclusion du bail présentait un caractère abusif ayant permis à l’associée locataire de déduire de son revenu global, au titre des années 2006 à 2009, les déficits fonciers résultant de travaux réalisés sur la propriété.
Le Comité de l’abus de droit devait, pour sa part, se prononcer sur les déficits réalisés de 2011 à 2013 à raison de frais d’administration et d’entretien, alors que l’associée locataire continuait à verser un loyer à la SCI. Le Comité conclut à la survivance d’un abus de droit en considérant que l’intention initiale corrompait de manière similaire la légitimité de la poursuite de la location au titre des années suivantes « aussi longtemps que l’exploitation conservait un caractère structurellement déficitaire ». Le Comité relève au demeurant que les modalités de répartition du résultat social avait été modifiées pour permettre à cette associée de se trouver attributaire d’une part prépondérante du déficit. Cette analyse est néanmoins surprenante dans la mesure où, en cas de location à un proche, l’administration fiscale peut procéder à un rehaussement du montant des loyers encaissés lorsque le montant retenu est inférieur au loyer de marché.
Or, un loyer normal aurait vraisemblablement dû conduire la SCI à dégager un revenu foncier bénéficiaire auquel cas la location -du moins sur la période considérée- n’aurait sans doute pas été abusive. A ce titre, le Conseil d’État jugeant en principe qu’il ne devrait pas y avoir d’abus de droit à raison d’un rehaussement pouvant résulter de l’application des règles de droit commun, on pourrait soutenir que la rectification du résultat de la SCI n’aurait pas dû relever de la procédure de répression des abus de droit.
Cette affaire souligne en tout cas la prudence avec laquelle doit être conclue un contrat de location entre parties liées, et l’attention qu’il convient de prêter à la fixation d’un loyer de marché.
Auteurs
Pierre Carcelero, avocat associé, droit fiscal
Edouard Nahmias, avocat, droit fiscal
Location à une partie liée : le risque d’abus de droit n’est pas écarté – L’actualité fiscale en bref parue dans le magazine Option Finance le 30 octobre 2017
A lire également
Cession d’immeuble et déficit foncier : les conditions de report toujours en ... 9 septembre 2016 | CMS FL
L’apport-cession en sursis ou en report d’imposition : comparaison des avant... 9 août 2013 | CMS FL
Soultes et échanges de titres : la loi met fin à un «havre fiscal»... 18 avril 2017 | CMS FL
Réévaluation d’immeubles au sein d’une SCI détenue par des particuliers :... 3 janvier 2019 | CMS FL
Avantages fiscaux réservés aux PME : une remise en cause « originale »... 5 avril 2019 | CMS FL
L’avare et l’abus de droit fiscal 15 mars 2019 | CMS FL
Louer en meublé : point sur les évolutions des règles fiscales à appliquer... 27 juillet 2017 | CMS FL
Nouvelles règles anti-abus : un clair-obscur préoccupant... 21 février 2019 | CMS FL
Articles récents
- Maladie et congés payés : focus sur les modalités d’application du délai de report
- Zoom sur l’augmentation exceptionnelle du bénéfice : qui doit négocier, quand, comment et sur quoi ?
- Quels outils de management package pour les jeunes pousses ?
- Nouvelle formalité obligatoire pour les employeurs concernant l’exposition aux risques des salariés
- La décision n° 2023-1079 QPC du 8 février 2024 : le retour d’un nationalisme juridique ?
- La rupture du contrat de travail pour inaptitude après refus d’une proposition de reclassement
- L’accord conclu dans le périmètre d’une UES est un accord d’entreprise
- Activités sociales et culturelles : la condition d’ancienneté est illicite
- Anticiper le statut collectif applicable à la NewCo
- Quelle place pour l’IA dans les relations du travail ?