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Management fees : le risque de co-emploi recule mais la prudence reste de mise

Management fees : le risque de co-emploi recule mais la prudence reste de mise

Par un arrêt en date du 7 mars 2017 (n°15-16.865) la Cour de cassation confirme son approche restrictive du co-emploi dans les groupes de sociétés en précisant que celui-ci ne peut procéder de seules conventions de services (ou management fees) existant entre une société mère et ses filiales. Point d’arrêt sur cette décision.


La pratique des management fees au sein des groupes

Les management fees sont les termes couramment utilisés par les praticiens pour désigner les conventions de services établies au sein des groupes afin de permettre à des sociétés de bénéficier des prestations d’autres sociétés appartenant au même groupe. Ces conventions, très répandues, portent ainsi le plus souvent sur les services « supports » ou « transverses » que sont les prestations de direction générale, finances, ressources humaines, informatique mais peuvent également recouvrir de nombreux autres domaines.

Des conventions sont alors établies à cet effet et ont pour objet de définir la nature des prestations et des services fournis ainsi que leur contrepartie financière, laquelle permet alors à une société de faire supporter à des filiales opérationnelles certaines de ses charges.

Dans la majorité des situations, ces prestations sont ainsi fournies par la société mère en échange d’une rémunération versée par la filiale. Cependant, il est également fréquent que des filiales soient dédiées exclusivement à certaines activités du groupe permettant une certaine centralisation et une harmonisation de la gestion commune interne.

Un indice insuffisant pour caractériser le co-emploi

Ces management fees se sont invités dans le débat sur le co-emploi dans un litige qui avait conduit des salariés à mettre en avant ces conventions pour tenter de justifier qu’ils étaient en réalité également employés par la société du groupe délivrant ces services, l’intérêt d’une telle action étant de permettre aux intéressés d’obtenir la reconnaissance, en cas de cessation de leur contrat de travail, de la responsabilité d’une société généralement plus solvable financièrement que celle de leur employeur.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt précité du 7 mars 2017, la reconnaissance de la situation de co-emploi aurait ouvert la voie à une condamnation solidaire de la société mère avec sa filiale, en état de liquidation judiciaire, au paiement des conséquences financières des licenciements économiques prononcés par cette dernière.

La confirmation d’une appréciation restrictive du co-emploi

Cette démarche n’a cependant pas prospéré dans le présent litige à l’occasion duquel la Cour de cassation a rappelé son approche dorénavant restrictive du co-emploi.

Pour la Cour de cassation, hors le cas de lien de subordination, la notion de co-emploi doit procéder d’une triple confusion d’intérêt d’activité et de direction caractérisant une immixtion de la société mère dans la gestion économique et sociale de sa filiale.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 7 mars 2017, n’a fait que reprendre l’ensemble des critères désormais bien établis par la jurisprudence depuis la célèbre affaire concernant les anciens salariés de la société Molex, pour censurer la qualification du co-emploi en considérant que « le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société dominante, que celle-ci ait apporté à sa filiale un important soutien financier et que pour le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société dominante une convention de trésorerie ainsi qu’une convention générale d’assistance moyennant rémunération, ne pouvaient suffire à caractériser une situation de co-emploi ».

Ainsi, la reconnaissance d’une situation de co-emploi nécessite davantage que la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe, et l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer. Dès lors, la conclusion de conventions de management fees signées avec la société dominante pour le fonctionnement de sa filiale et considérée comme une action économique entre les sociétés est jugée insuffisante par la Cour de cassation pour caractériser une situation de co-emploi.

Une solution contraire n’aurait bien évidemment pas manqué de susciter une inquiétude majeure au sein des groupes de sociétés tant la pratique de la conclusion de conventions de management fees est généralisée.

La nécessaire vigilance dans l’utilisation des conventions de management fees

Cette décision judiciaire vertueuse ne doit cependant pas masquer les autres difficultés juridiques que sont susceptibles de soulever la pratique des management fees. A cet égard et en particulier, la frontière entre les opérations de prêt de main d’œuvre illicite et ces opérations de prestations de services peut être parfois délicate à établir, notamment lorsque les prestations concernent des prestations « intellectuelles » facturées au temps passé.

Si le risque de co-emploi s’éloigne pour le recours aux management fees, ces opérations doivent donc toujours être menées dans les conditions empreintes d’une certaine prudence.

 

Auteur

Pierre Bonneau, avocat associé en droit social

 

Management fees : le risque de co-emploi recule mais la prudence reste de mise – Article paru dans Les Echos Business le 2 mai 2017
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