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Nouvelle convention d’assurance chômage : quels enjeux pour les entreprises ?

L’accord auquel sont parvenues les organisations patronales et syndicales (CFDT et FO) et auquel le Ministère du travail donnera prochainement son agrément entrera en vigueur le 1er juillet 2014.

Comme à l’ordinaire, la négociation sociale aboutit, après un positionnement maximaliste initial de part et d’autre, à un texte de compromis. Après en avoir balayé les principales innovations, nous ferons plus particulièrement le point sur le nouveau différé d’indemnisation de 180 jours pour les salariés ayant reçu des indemnités supralégales.

Les principales innovations du nouveau régime d’assurance chômage

L‘innovation la plus importante était prévue dès l’ANI du 8 janvier 2013 : il s’agit de la mise en place d’un dispositif de droits rechargeables en cas d’exercice d’une activité́ professionnelle salariée en cours d’indemnisation. Parallèlement, le régime de l’activité réduite est simplifié et favorisé. D’autres dispositions éclaircissent la situation des salariés multi employeurs et corrigent à la marge le régime des intermittents du spectacle.

La volonté d’économies s’est principalement focalisée sur les rémunérations supérieures. Ainsi, le taux de remplacement minimum passe de 57,4 à 57% pour les salaires de référence supérieurs à 2 000 euros bruts. De même, un plafond de cumul salaire/allocation est prévu pour les intermittents.

Les seniors sont aussi visés. Si l’âge d’entrée dans la filière seniors (permettant une durée d’indemnisation jusqu’à 36 mois) reste à 50 ans, les bornes d’âge d’ouverture du droit au bénéfice des allocations des chômeurs dits «longue durée» permettant de bénéficier du régime jusqu’à la date de liquidation de la retraite à taux plein (soit plus de 36 mois), s’alignent sur celles de la retraite, passant progressivement de 62 à 67 ans. Par ailleurs, les salariés de plus de 65 ans jusqu’alors exemptés de cotisations seront soumis au régime de droit commun, au titre d’une «contribution spécifique de solidarité».

Le différé d’indemnisation de 180 jours pour indemnités supra-légales

Une disposition donne cependant lieu à plus de controverses, au point d’avoir justifié le refus de signature de la CFE-CGC et le retrait par celle-ci du soutien qu’elle avait donné au pacte de compétitivité.

Il s’agit de la modification du délai de carence pour les salariés ayant bénéficié d’indemnités supérieures au minimum légal.

On aurait pu espérer que cela concernerait particulièrement les ruptures de contrats de travail s’accompagnant de la signature d’une transaction. Mais la majoration du délai vaut tout autant en cas de versement des seules indemnités conventionnelles.

La règlementation prévoyait déjà en pareil cas un délai de carence plafonné à 75 jours (qui s’ajoute au délai d’attente de 7 jours et éventuellement au différé d’indemnisation «congés payés»).

Le nouveau régime durcit considérablement ce dispositif, sauf en cas de licenciement économique. Ce plafond passe en effet à 180 jours, soit 6 mois.

Et l’on y arrive, de surcroît, extrêmement rapidement, car les modalités de calcul de ce différé spécifique sont modifiées dans un sens particulièrement extensif. La nouvelle carence est en effet calculée en divisant le montant de l’indemnité supra-légale par 90 (et n’est donc plus fonction du salaire de référence) sans aucun délai de franchise, même en cas de versement d’indemnités conventionnelles relativement faibles. Ainsi, pour chaque 90€ d’indemnité supra-légale, un jour de carence s’applique automatiquement. Le plafond de 180 jours est donc atteint dès que l’indemnité supra-légale atteint 16 200 euros et peut donc également concerner des non-cadres qui auraient une forte ancienneté. En conséquence, tout salarié touchant plus de 6 750 euros d’indemnité supra-légale dans le cadre d’un licenciement personnel ou d’une rupture conventionnelle, se verra appliquer un délai de carence supérieur au délai actuel de 75 jours (6.750 ÷ 90 = 75).

Concrètement, cela signifie que, pour beaucoup de salariés, l’inscription au chômage :

  • ne leur donnera droit à aucune indemnisation pendant 6 mois
  • ne leur créera aucun droit ou peu de droits dès lors qu’ils auront retrouvé un emploi en moins de 6 mois ou peu de temps après.

Cette mesure s’inscrit dans une évolution majeure du régime social de ces indemnités de rupture. Ayant pour objet de compenser le préjudice subi par le salarié lors de la rupture de son contrat de travail, elles ont déjà été assujetties aux charges sociales (comme du salaire) dès lors qu’elles dépassent 75 096 euros (2 PASS). Les voici désormais utilisées comme revenu de remplacement dans une situation de chômage.

Quelles conséquences pour les entreprises ?

L’expérience montre que, dans l’immédiat, les entreprises risquent de se trouver confrontées à une demande plus pressante de salariés tentant d’échapper à ce nouveau dispositif en accélérant la conclusion d’une rupture conventionnelle pour pouvoir s’inscrire à Pôle emploi avant fin juin.

Certains salariés seront, en outre, vraisemblablement tentés de se placer sur le terrain du licenciement économique (en invoquant la modification de leur contrat de travail par exemple) puisque le délai d’indemnisation resterait alors plafonné à 75 jours. Beaucoup risquent de demander le «report» sur l’employeur, en termes d’indemnisation, de ce différé de prise en charge.

 

A propos de l’auteur

Marie-Pierrre Schramm, avocat associée, spécialisée en conseil et en contentieux dans le domaine du droit social.

 

L’article paru dans Les Echos Business du 7 avril 2014

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