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Nouvelles règles de procédure et de motivation applicables au licenciement : quelles conséquences ?

Nouvelles règles de procédure et de motivation applicables au licenciement : quelles conséquences ?

Avec les arrêts Janousek (Cass. soc., 26 oct. 1976, n°75-40.659) et Rogié (Cass. soc., 29 nov. 1990, n°88-44.308), la Cour de cassation a fait de l’énonciation des motifs dans la lettre de licenciement une condition de fond dont l’absence ou l’insuffisance prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 tempère cette règle en modifiant les règles de procédure et de motivation applicables au licenciement et leurs conséquences. Enfin, pour sécuriser les licenciements, l’ordonnance prévoit la détermination de modèles de lettres de licenciement rappelant les droits et obligations de chaque partie, que l’employeur demeure libre d’utiliser ou non.

Deux décrets n°2017-1820 du 29 décembre 2017 et n°2017-1702 du 15 décembre 2017 ont été adoptés pour l’application de ces dispositions.

Fixation de modèles de lettres de licenciement

Le décret du 29 décembre 2017 a établi six modèles de lettres de licenciement susceptibles de couvrir tous les motifs de licenciement :

  • licenciement pour motif personnel disciplinaire (faute simple, faute grave faute lourde) ;
  • licenciement pour inaptitude (professionnelle ou non professionnelle) ;
  • licenciement pour motif personnel non disciplinaire ;
  • licenciement individuel pour motif économique ;
  • licenciement pour motif économique de moins de 10 salariés sur une période de 30 jours ;
  • licenciement de plus de 10 salariés sur une période de 30 jours.

Ces modèles de lettres comprennent, pour chaque motif de licenciement, différentes options parmi lesquelles l’employeur doit opérer un choix en fonction de sa situation particulière et de celle du salarié. En outre, il est rappelé que ces modèles doivent être adaptés en fonction des dispositions contractuelles et conventionnelles applicables.

Il est important de préciser que l’utilisation de ces modèles de lettres de licenciement n’a aucun caractère obligatoire pour les entreprises.

Conséquences du non-respect d’une procédure conventionnelle de licenciement

Les conventions collectives instaurent fréquemment, au-delà des règles légales, des dispositions particulières en matière de procédure de licenciement, en particulier en matière disciplinaire, imposant, par exemple, la saisine d’un conseil de discipline. Dans un tel cas, une jurisprudence constante de la Cour de cassation décidait que le non-respect par l’employeur de ces mesures constituait une irrégularité de fond privant le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 8 juin 2005 n°03-46.754 ; Cass. soc., 17 mars 2010, n°09-40.038). Les dispositions de l’ordonnance reviennent sur cette jurisprudence en précisant expressément que le non-respect de la procédure conventionnelle de licenciement constitue une simple irrégularité de procédure et ne prive pas, à lui seul, le licenciement de cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L.1235-2, dernier alinéa).

Possibilité nouvelle donnée à l’employeur de préciser les motifs du licenciement

L’ordonnance n°2017-1387 donne à l’employeur la possibilité de préciser, après la notification du licenciement, les motifs de celui-ci, soit à la demande du salarié, soit de sa propre initiative. Il s’agit là d’une tempérance à la règle, établie de longue date par la jurisprudence, qui retenait que la lettre de licenciement fixait les limites du litige et que l’absence ou l’insuffisance de motivation dans la lettre privait le licenciement de cause réelle et sérieuse, peu important que la réalité de ce motif puisse, par ailleurs, être établie.

Désormais, l’employeur pourra ultérieurement à la notification du licenciement « préciser » les motifs de celui-ci. Cependant, il convient de clarifier quelle est la marge de manœuvre donnée à l’employeur. À cet égard, il semble résulter de l’utilisation du terme « préciser » qu’il est nécessaire qu’un motif de licenciement figure effectivement dans la lettre de licenciement. Ainsi, si aucun motif n’a été invoqué à l’appui de celui-ci, l’employeur ne devrait pas pouvoir corriger la lettre pour y introduire un motif de licenciement et ce dernier devrait, comme par le passé, être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. De la même façon, l’utilisation du terme « préciser » parait exclure la possibilité pour l’employeur d’énoncer d’autres motifs que ceux qui figuraient initialement dans la lettre de licenciement.

La demande de précisions du salarié doit être formulée par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge, dans les 15 jours de la notification du licenciement. S’il le souhaite, l’employeur peut alors apporter ces précisions dans les mêmes formes, dans un délai de 15 jours à compter de cette demande. On le voit, l’employeur n’est donc en aucune façon, tenu de faire suite à la demande du salarié.

Lorsque l’employeur ne répond pas à cette demande et que la lettre de licenciement est jugée insuffisamment motivée par le juge, celui-ci pourra décider, comme par le passé, que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et accorder à ce titre une indemnité au salarié dans les limites du barème d’indemnisation fixé par l’article L.1235-3 du Code du travail. L’employeur aura donc tout intérêt à répondre à la demande du salarié en complétant le mieux possible la motivation du licenciement. Toutefois, si l’employeur ne répond pas à cette demande, estimant que la lettre est suffisamment motivée, et que le juge statue également en ce sens, l’absence de réponse n’entraîne aucune sanction spécifique.

En l’absence d’une telle demande du salarié, l’irrégularité que constitue l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre seulement droit à une indemnité pour irrégularité de procédure, dont le montant ne peut excéder un mois de salaire pour autant que le licenciement repose sur un motif réel et sérieux ce qu’il appartient au juge de vérifier.

Compte tenu des conséquences qui résultent pour le salarié d’une absence de demande de précisions -l’insuffisance de motivation constituant alors une simple irrégularité de procédure- on peut se demander si l’employeur doit indiquer, dans la lettre de licenciement, la faculté pour le salarié de demander des précisions concernant le motif du licenciement dans un délai de 15 jours à compter de sa notification. La loi de ratification supprime la disposition qui faisait obligation de rappeler, dans les modèles de lettre de licenciement définis par décret, les droits et obligations du salarié. Bien que l’utilisation de ces modèles soit une simple faculté pour les employeurs, cette exigence était de nature à créer un doute quant à l’obligation pour celui-ci d’informer le salarié de son droit de demander des précisions sur le motif de son licenciement. Désormais, force est de constater qu’aucun texte ne prévoit d’obligation en ce sens. Cette absence d’information ne devrait donc en principe avoir aucune conséquence. Cependant, il ne peut être exclu qu’un juge, considère que le défaut d’information du salarié sur son droit constitue un manquement de l’employeur devant être sanctionné. Dans ces conditions, il parait préférable, par prudence, de rappeler dans la lettre de licenciement que le salarié a la faculté de demander des précisions sur le motif de cette décision.

En l’absence de demande du salarié, l’employeur peut prendre l’initiative de préciser la lettre de licenciement dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par courrier remis en main propre contre décharge.

En l’absence d’une telle demande du salarié, et à défaut de précisions par l’employeur, trois hypothèses doivent alors être distinguées :

  • soit, le juge décide que le licenciement est suffisamment motivé et aucune indemnité n’est alors versée au salarié ;
  • soit le licenciement est insuffisamment motivé mais le juge estime qu’il existe un motif réel et sérieux, et une indemnité d’un montant maximum d’un mois de salaire pour irrégularité de procédure ;
  • soit le licenciement est insuffisamment motivé et dépourvu de motif réel et sérieux et le salarié peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément au barème fixé par l’article L.1235-3.

Ainsi, on le voit, le nouveau texte apporte une modération à la règle selon laquelle l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, puisque ce manquement constitue désormais une simple irrégularité de procédure lorsque le salarié s’est abstenu de demander des précisions sur le motif du licenciement. Dans ces conditions, il y a fort à parier que de telles demandes soient formulées par les salariés à des fins conservatoires, pour préserver leur droit.

 

Auteurs

Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du responsable de la doctrine sociale

Louis Paoli, avocat, droit social

 

Nouvelles r̬gles de proc̩dure et de motivation applicables au licenciement : quelles cons̩quences? РArticle paru dans Les Echos Ex̩cutives le 21 f̩vrier 2018
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