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A propos de la nullité de la marque de barrage et de l’appréciation de la renommée de la marque

A propos de la nullité de la marque de barrage et de l’appréciation de la renommée de la marque

La société Christian Lacroix, titulaire de la marque française Christian Lacroix déposée le 23 février 1987 pour les classes de produits 3, 9, 14, 18, 24 et 25 et d’une marque européenne déposée le 17 septembre 2008 en classes 18, 25 et 27 apprend en 2011 qu’une société Sicis commercialise des meubles sous la dénomination « Designed by Mr. Christian Lacroix ». Elle la met en demeure de cesser toute commercialisation.
Dans ce contexte, la société Christian Lacroix dépose le 1er juin 2011 une marque du même nom, pour désigner notamment du mobilier, et assigne en contrefaçon la société Sicis, qui soulève à titre reconventionnel la nullité de ce dépôt en arguant de son caractère frauduleux.

La Cour d’appel annule la marque déposée. La Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme cette décision au motif que « le dépôt de marque avait été effectué, non pas pour distinguer les produits en identifiant leur origine mais pour permettre à la société Christian Lacroix de l’opposer dans le cadre de l’action en contrefaçon introduite contre les sociétés Sicis, la cour d’appel […] a pu retenir que ce dépôt avait été opéré de mauvaise foi, pour détourner le droit de marque de sa finalité essentielle » (Cass. com., 8 février 2017, n°14-28.232).

Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence sur la notion de mauvaise foi et de dépôt frauduleux. En effet, doit être considéré de mauvaise foi le déposant qui réserve un signe dans le seul but de bloquer l’entrée sur le marché d’un concurrent : la poursuite de cette finalité révèle l’intention nuisible du déposant alors même que le droit de marque a pour finalité essentielle de garantir l’identité d’origine des produits et services aux yeux du consommateur et ce, afin d’éviter toute confusion avec les produits ou services commercialisés par un tiers.

L’arrêt apparaît néanmoins sévère s’agissant de l’appréciation de la renommée des marques Christian Lacroix, laquelle aurait permis d’obtenir la nullité de la nouvelle marque déposée. La renommée n’est pas retenue, les juges estimant que « se révèle déclinante la connaissance qu’a désormais le public de la marque ».

La renommée de la marque invoquée s’appréciant à la date d’exploitation du signe litigieux, le raisonnement de la Cour d’appel interpelle sur deux points : d’une part, elle prend en considération la situation économique de la société, à savoir la baisse de son chiffre d’affaires en 2012 et l’existence d’un plan de continuation en 2009 alors même que ces deux éléments n’interviennent en rien dans la connaissance plus ou moins grande par le public de la marque ; d’autre part, elle se fonde sur la renommée passée des marques Christian Lacroix sur la période 2005 à 2008 pour conclure, à la suite d’un sondage réalisé en 2014, que la marque n’avait pas conservé aux yeux du public sa renommée.

Le plan de continuation et le sondage n’auraient pas dû être pris en considération par la Cour d’appel, qui aurait simplement dû se positionner sur l’année 2011, au moment de l’usage du signe litigieux. Il est donc étonnant que la Cour de cassation approuve la méthode d’appréciation de la Cour d’appel sur la question de la renommée.

Moins étonnante est la censure de l’arrêt d’appel pour violation de l’article 1134 (ancien) du Code civil. La Cour d’appel avait prononcé la nullité de la marque Christian Lacroix déposée sans l’autorisation du créateur Christian Lacroix, alors même qu’existait entre la société du même nom et son fondateur un contrat de cession de marque autorisant la société à utiliser son nom patronymique. La Cour d’appel avait estimé que la convention qui ne stipulait aucun terme était nulle car heurtant le principe de prohibition des engagements perpétuels. La Haute juridiction rappelle que, s’agissant d’une convention à durée indéterminée, chacune des parties peut la résilier unilatéralement, à condition de respecter un juste préavis. Ainsi la convention était valable et la société Christian Lacroix pouvait procéder au dépôt de la marque sans demander d’autorisation au titulaire du nom patronymique.

 

Auteur

Prudence Cadio, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies10

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