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L’obligation d’information des salariés en cas de cession d’une entreprise : suite…et fin ?

L’obligation d’information des salariés en cas de cession d’une entreprise : suite…et fin ?

Avec la parution du décret du 28 décembre 2015, les modifications apportées par la loi du 6 août 2015, dite «loi Macron», au dispositif d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise introduit par la loi du 31 juillet 2014, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016.

La question qui se pose est de savoir si ces modifications seront suffisantes pour assurer la pérennité du dispositif. Par ailleurs, l’obligation triennale d’information est précisée par décret du 4 janvier 2016.

La création du dispositif d’information préalable

La loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire a introduit dans le Code de commerce une obligation d’information à la charge de l’employeur à l’égard des salariés en cas de cession de fonds de commerce et de cession de droits sociaux (Cf. notre article du 20 octobre 2014) .

Cette obligation s’impose préalablement à la réalisation de tout projet de «cession» répondant aux critères prévus par la loi afin de permettre aux salariés intéressés de présenter, le cas échéant, une offre de reprise.

Le champ d’application de l’obligation d’information préalable est limité :

  • aux entreprises de moins de 50 salariés ainsi qu’aux PME de moins de 250 salariés, et ;
  • aux cessions de fonds de commerce ou de participation d’un propriétaire représentant plus de 50% des parts sociales d’une SARL ou d’une société par actions.

Ce dispositif avait été précisé par un décret du 28 octobre 2014.

La violation de cette obligation était sanctionnée par la nullité de la cession, que tout salarié pouvait demander dans un délai de prescription de deux mois à compter de la publication de la cession ou de la date à laquelle l’ensemble des salariés en avaient été informés.

Un dispositif contesté

Dès sa parution, le dispositif d’information préalable avait fait l’objet de vives critiques et discussions, s’agissant tant du principe même de l’information que de la sanction prévue en cas de défaillance de l’employeur.

Ainsi, dès le 5 novembre 2014, dans le cadre du projet de loi sur la simplification des entreprises, le Sénat avait proposé un amendement visant à annuler le dispositif d’information préalable à toute cession institué par la loi Hamon.

L’amendement déposé n’avait pas été retenu par l’Assemblée nationale et n’avait finalement pas été repris dans la loi. Néanmoins, la question de la pérennité de ces dispositions était posée, le gouvernement ayant lui-même indiqué qu’une réforme du dispositif était envisagée et ayant missionné la députée Fanny Dombre-Coste pour évaluer la mise en œuvre effective de cette information dès janvier 2015.

Plus encore, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité sur ce dispositif, avait jugé, le 17 juillet 2015, l’obligation d’information préalable conforme à la Constitution mais avait invalidé la sanction prévue en cas de défaut d’information des salariés, rendant, d’une certaine manière, l’obligation sans objet.

Les principaux motifs de remise en cause

Tout d’abord, la référence à la notion de «cession» créait un champ d’application très large pour cette disposition puisqu’elle recouvrait des situations aussi diverses que les donations, échanges ou apports en société.

De même, les modalités d’information prévues par la loi étaient difficilement applicables en pratique puisque le vendeur était tenu de démontrer qu’il avait informé l’ensemble des salariés de la vente envisagée, en justifiant de la date de réception de l’information.

Si l’information pouvait être effectuée par tout moyen, notamment par une feuille d’émargement à la suite d’une réunion ou un affichage ou par courrier remis en main propre, il convient de préciser que la date de réception prise en compte en cas d’information par lettre recommandée avec accusé de réception était celle «apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire».

Compte-tenu de cette condition réglementaire aberrante, tout salarié pouvait faire échec à l’information en ne se déplaçant pas pour récupérer le courrier d’information. Ne restait alors que la signification par voie d’huissier.

De plus, de nombreuses incertitudes demeuraient quant à la sécurisation de la confidentialité des données, primordiale dans ces opérations, ou au contenu même de l’information devant être donnée aux salariés.

Enfin, compte-tenu de la décision du Conseil constitutionnel, le dispositif se trouvait dépourvu de sanction.

L’intervention de la loi Macron

L’article 204 de la loi croissance et activité du 6 août 2015 apporte les principales modifications suivantes, lesquelles précisent le dispositif…sans le supprimer :

  • restriction du champ d’application du dispositif, lequel est limité à la vente du fonds de commerce ou de plus de 50% des parts d’une société;
  • prise en compte de l’obligation d’information triennale à laquelle est également tenue la société sur ce point ; en exonérant l’employeur de toute obligation lorsque les salariés auront déjà été informés de la vente dans les douze mois la précédant dans le cadre de l’information triennale ;
  • sécurisation des modalités d’information : en fixant la date de réception, en cas d’information par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à la date de première présentation de la lettre recommandée. Le décret modifie sur ce point les articles D.23-10-2 et D.141-4 du Code de commerce.
  • modification de la sanction : la nullité de la cession est remplacée par une amende civile d’un montant maximum équivalent à 2% du montant de la vente.
    Par ailleurs, la loi et le décret ont également modifié le point de départ du délai d’information de deux mois prévu pour les entreprises n’ayant pas de comité d’entreprise et précisé les modalités d’information lorsque le propriétaire n’est pas le chef d’entreprise.

Un dispositif finalisé ?

En modifiant les points sur lesquels l’obligation d’information préalable des salariés avait été attaquée, la loi Macron s’est efforcée de la rendre plus effective.

Néanmoins, seule sa mise en œuvre permettra de s’assurer de la nécessité et de la pérennité du dispositif, étant précisé que des questions importantes telles que la confidentialité des données et le niveau d’information dû aux salariés n’ont pas encore réellement été posées.

L’obligation d’information triennale

La loi du 31 juillet 2014 a également introduit une obligation triennale d’information générale sur les conditions juridiques d’une reprise de société, ainsi que ses avantages et difficultés.

Dans le cadre de la loi Macron, cette information est complétée pour porter également sur les orientations générales de l’entreprise relatives à la détention du capital, notamment sur le contexte et les conditions d’une cession de celle-ci et, le cas échéant, sur le contexte et les conditions d’un changement capitalistique substantiel.

Le décret n°2016-2 du 4 janvier 2016 est venu préciser le contenu exact de cette obligation d’information ainsi que les modalités de transmission des informations aux salariés.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 6 janvier 2016.

 

Auteurs

Vincent Delage, avocat associé en droit social.

Laure Soyer, avocat en droit social.

 

L’obligation d’information des salariés en cas de cession d’une entreprise : suite…et fin ? – Article paru dans Les Echos Business le 11 janvier 2016
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