Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

Pouvoir d’injonction du juge administratif en matière d’autorisation d’urbanisme

Saisi d’une demande d’avis par le tribunal administratif de Versailles dans le cadre d’un recours contre un arrêté de permis de construire, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur le pouvoir d’injonction du juge administratif en matière d’autorisation d’urbanisme.

En l’espèce, par arrêté en date du 10 mars 2017, le maire de la commune de Mantes-la-Ville avait refusé de délivrer un permis de construire à l’association des musulmans de Mantes Sud (AMMS) pour la réalisation de travaux sur un bâtiment existant destiné à recevoir le nouveau centre cultuel musulman de la commune.

Cet arrêté de refus avait été déféré par le préfet des Yvelines au tribunal administratif de Versailles lequel, par un jugement en date du 16 janvier 2018 (n°1703192 et n°1703332), a transmis trois questions au Conseil d’Etat relatives à l’exercice du pouvoir d’injonction du juge administratif prévu à l’article L.911-1 du Code de justice administrative. Plus précisément, le tribunal administratif de Versailles interrogeait le Conseil d’Etat afin de savoir notamment si, lorsqu’il annule un arrêté de refus d’autorisation d’urbanisme, le juge de l’excès de pouvoir peut enjoindre à l’autorité administrative de délivrer l’autorisation sollicitée sur le fondement de l’article L.911-1 qui dispose que: « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution ».

Une réponse positive, sous certaines conditions, est apportée par le Conseil d’Etat.

En effet, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord l’obligation faite :

  • d’une part, à l’Administration, de motiver les décisions de rejet d’autorisations d’urbanisme ainsi que les oppositions aux déclarations préalables en indiquant l’ensemble de ses motifs (Article L.424-3 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de l’article 108 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques) ; et
  • d’autre part, au juge administratif, lorsqu’il annule ou suspend une telle décision de l’Administration, de se prononcer sur tous les moyens de la requête susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension (Article L.600-4-1 du Code de l’urbanisme).

Dans ces conditions, la Haute juridiction précise que le juge est tenu, lorsqu’il est saisi de conclusions à fin d’injonction et qu’aucun des motifs de refus invoqués devant lui n’y font obstacle, d’enjoindre à l’Administration de délivrer l’autorisation d’urbanisme.

Ce n’est que par exception qu’une telle mesure d’injonction ne peut être prononcée :

  • si un autre motif valide, non soulevé par l’Administration, justifie la décision de refus ;
  • en cas de changement de circonstances empêchant, à la date du jugement, la délivrance de l’autorisation.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat précise que le pétitionnaire n’a pas à réitérer sa demande d’autorisation d’urbanisme, à la suite de l’annulation de la décision de refus, dès lors que le juge administratif a enjoint l’Administration de délivrer ladite autorisation.

Ainsi, la condition posée par l’article L.600-2 (confirmation de la demande d’autorisation dans les six mois de la notification de l’annulation de la décision de refus de délivrer une autorisation d’urbanisme) ne joue pas dès lors que le juge a enjoint à l’Administration de délivrer l’autorisation d’urbanisme.

Enfin, le Conseil d’Etat ajoute que, lorsque le jugement ou l’arrêt prononçant l’injonction de délivrer l’autorisation est annulé par une nouvelle décision juridictionnelle, cette autorisation, si elle a été délivrée, pourra être retirée par l’Administration dans un délai raisonnable ne pouvant excéder trois mois à compter de la notification qui lui aura été faite de la décision juridictionnelle.
CE, avis 25 mai 2018, n°417350

 

Auteurs

Céline Cloché-Dubois, avocat counsel, droit de la construction et droit de l’urbanisme

Anne Plisson, avocat, droit de l’urbanisme et de l’environnement

 

 

Pouvoir d’injonction du juge administratif en matière d’autorisation d’urbanisme – Article paru dans la Lettre Construction-Urbanisme de septembre 2018
Print Friendly, PDF & Email