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Pratiques restrictives de concurrence : quid de la compétence spécialisée de la cour d’appel de Paris ?

Pratiques restrictives de concurrence : quid de la compétence spécialisée de la cour d’appel de Paris ?

Depuis la loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008, le contentieux des pratiques restrictives de concurrence fondé sur l’article L.442-6 du Code de commerce doit être confié à des juridictions spécialisées identifiées par l’article D.442-3 du Code de commerce et l’appel dévolu exclusivement à la cour d’appel de Paris.

Dans la présente affaire, un fournisseur d’œufs avait assigné son distributeur pour rupture abusive du contrat résultant d’une baisse significative du volume des commandes pendant la durée du préavis contractuel et formulé une demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1134 du Code civil. Sa demande ayant été rejetée en première instance, il saisit en appel la cour d’appel de Versailles d’une demande de réparation fondée à titre principal sur L.442-6, I 5° du Code de commerce et à titre subsidiaire sur l’article 1134 du Code civil.

Relevant la compétence exclusive de la cour d’appel de Paris en matière de litiges relatifs à la rupture brutale, la cour d’appel de Versailles déclare les prétentions fondées sur l’article L.442-6 irrecevables. En revanche, elle accueille les prétentions fondées sur l’article 1134 du Code civil en condamnant le distributeur au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le fournisseur du fait de la réduction des commandes pendant l’exécution du préavis.

Le distributeur fait alors valoir devant la Cour de cassation que la cour d’appel de Versailles a excédé ses pouvoirs et violé les dispositions attribuant une compétence exclusive à la cour d’appel de Paris en matière de pratiques restrictives de concurrence, puisqu’elle a examiné le même litige sur un fondement juridique différent.

La Haute juridiction rejette l’argument. Elle estime « qu’ayant relevé qu’en appel, les demandes étaient fondées non seulement sur l’article 1134 du Code civil, mais également sur l’article L. 442-6, I 5° […] c’est sans méconnaître ses compétences qu’après avoir relevé que toute cour d’appel autre que celle de Paris est privée du pouvoir de connaître des demandes fondées sur l’article L. 442-6 […] la cour d’appel de Versailles a déclaré irrecevables les demandes fondées sur ce texte mais a statué sur l’application de l’article 1134 du Code civil » (Cass. Com., 7 octobre 2014, n°13-21.086).

Il semble résulter de cette décision que le champ de la compétence exclusive de la cour d’appel de Paris en matière de pratiques restrictives n’a pas pour conséquence d’attraire devant elle l’ensemble du contentieux dans lequel de telles pratiques sont invoquées. La cour d’appel saisie resterait compétente pour connaître des prétentions fondées sur d’autres fondements juridiques dont l’application ne relève pas de la compétence exclusive de la cour d’appel de Paris.

En 2013, la Cour de cassation a jugé qu’une cour d’appel, saisie de plusieurs moyens dont l’un fondé sur l’article L.442-6, avait, en l’absence de demande de disjonction, à bon droit déclaré l’ensemble de l’appel irrecevable : elle ne pouvait en effet déroger à la compétence exclusive de la cour d’appel de Paris pour connaître des appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L.442-6 au motif que plusieurs demandes non fondées sur ce texte avaient été concomitamment formées. Tout en plaidant en faveur d’une centralisation du contentieux des pratiques restrictives de concurrence devant la cour de Paris, cette décision laissait supposer que le volet contractuel d’un litige pouvait être résolu par la cour d’appel de province (Cass. Com., 24 septembre 2013, n°12-21.089).

L’arrêt du 7 octobre 2014 semble confirmer cette interprétation. Toutefois, la prudence doit être de mise dans la mesure où la solution dégagée dans cette décision est intervenue dans un contexte différent de celui de l’arrêt de 2013 : en effet, la demande fondée sur l’article L.442-6 avait été ici formulée non pas en première instance mais en cause d’appel, ce que la Cour de cassation n’a pas manqué de souligner.

 

Auteur

Nathalie Pétrignet, avocat associée, spécialisée en matière de droit de concurrence national et européen, pratiques restrictives et négociation commerciale politique de distribution et aussi en droit des promotions des ventes et publicité.

 

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