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Prévention des risques professionnels, une source de contentieux multiples

Prévention des risques professionnels, une source de contentieux multiples

L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. S’il ne le fait pas ou imparfaitement, il s’expose à des condamnations qui peuvent être lourdes de conséquences.

La Cour de cassation vient de réaffirmer en toute fin d’année dernière que l’obligation qui pèse sur l’employeur en matière de prévention des risques professionnels est une l’obligation de résultat (Cass. soc. 18 décembre 2013 n° 12-15.454), « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l’effectivité ». Nul accident en l’espèce, ni de maladie professionnelle : l’employeur a omis de vérifier que l’un de ses salariés a bien passé la visite médicale d’embauche, et de ce seul fait, le salarié est fondé à demander réparation par l’octroi de dommages et intérêts. Pourtant en l’espèce, l’employeur se prévalait du fait que la déclaration unique d’embauche (devenue la déclaration préalable à l’embauche) effectuée auprès de l’URSSAF vaut demande d’examen médical d’embauche auprès de la médecine du travail.

Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ne se limite en effet pas au contentieux de la faute inexcusable en cas d’accident du travail que nous citons seulement ici pour mémoire.

Les sanctions civiles auxquelles s’expose l’employeur sont de deux types.

Le versement de dommages et intérêts : le non-respect des obligations liées à la prévention des risques peut entraîner la condamnation de l’employeur sans que le salarié ait à prouver de préjudice le concernant. En effet, dans le cas de figure, c’est le non-respect de ces obligations qui cause en soi un préjudice dont le salarié peut demander réparation.

Par exemple, les juges ont accordé, en dehors de tout harcèlement moral, une indemnisation au salarié dont la santé mentale était affectée par de mauvaises conditions de travail (Cass. Soc., 17 février 2010, n° 08-44.298). L’employeur peut également être condamné pour manquement à son obligation de sécurité, du seul fait du « sentiment d’insécurité » ressenti par les salariés sur leur lieu de travail -risques d’agressions, incivilités, etc.- (Cass. soc. 6 octobre 2010, n° 08-45.609) ou encore en cas d’omission de la visite médicale d’embauche (voir ci-dessus).

Outre le versement de dommages-intérêts, l’employeur qui manque à son obligation de sécurité s’expose à une autre sanction : la rupture du contrat de travail, initiée par le salarié, mais aux torts de l’employeur, laquelle emporte toutes les conséquences financières coûteuses d’un licenciement abusif. Cette rupture peut résulter de la prise d’acte par le salarié de son contrat de travail ou bien, au terme d’une procédure judiciaire, du prononcé par le juge de la résiliation du contrat de travail.

Ainsi, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme dans l’entreprise. Le salarié est donc fondé à prendre acte de la rupture du contrat de travail dans l’hypothèse où ledit employeur ne veille pas au respect de la réglementation en ce domaine. Et ce, sans avoir à démontrer que cette carence a eu des conséquences effectives sur son état de santé (Cass. Soc. 6 octobre 2010, n° 09-65.103).

Autre exemple, l’employeur doit organiser les visites médicales prévues par la loi (visite d’embauche, visites périodiques et visite de reprise). A défaut, son attitude peut être sanctionnée par la rupture du contrat à ses torts. Une telle sanction a été par exemple appliquée par les tribunaux s’agissant de la visite de reprise visée à l’article R. 4624-22 du Code du travail (Cass. Soc. 16 juin 2009, n° 08-41.519) ou encore lorsque la périodicité des examens dans le cadre d’une surveillance médicale renforcée n’est pas respectée (Cass. Soc. 26 octobre 2010, n° 09-42.634). Toutefois, la Cour de cassation semble, au travers de deux arrêts récents, avoir assoupli sa position –du moins sous l’angle de la rupture du contrat de travail-. Dans ces deux affaires, les salariés avaient réagi trop tardivement pour que le grief tiré du non-respect des visites médicales leur permette de rompre le contrat en raison de la faute de leur employeur. Dans les deux cas, la Cour de cassation a donné tort aux salariés, constatant que les manquements de l’employeur tirés du non-respect des visites médicales « étaient pour la plupart anciens » -première affaire- ou « l’absence de visite médicale de reprise procédait d’une erreur des services administratifs de l’employeur » -seconde affaire- (Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-23.634 et Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-35.040).

Plus lourd encore en termes de coût, le développement du contentieux de l’obligation de sécurité sur le terrain des relations collectives dans le cadre des restructurations d’entreprises mérite d’être rappelé. L’employeur peut en effet se voir interdire de mettre en Å“uvre la réorganisation projetée en raison des risques qu’elle présente pour la santé ou la sécurité des salariés.

Un tribunal a ainsi prononcé en référé à la demande d’un CHSCT la suspension d’un projet de réorganisation et de plan de sauvegarde de l’emploi au motif que l’insuffisance d’évaluation des risques, notamment psychosociaux liés aux transferts de charge de travail, constituait un trouble manifestement illicite (TGI Nanterre 24 mai 2013, n° 13/00480).

Autre exemple de cette nouvelle tendance jurisprudentielle : celle qui concerne la remise en cause d’une restructuration menée dans un grand groupe. La Cour d’Appel de Paris a ainsi suspendu un projet de restructuration et de plan social car selon elle, les risques psychosociaux (en particulier la charge de travail) n’avaient pas été dûment évalués (CA Paris, Pôle 6 chambre 2, 13 déc. 2012, n° 12/00303).

Enfin, l’employeur peut être sanctionné pénalement sur le fondement des dispositions du Code du travail ou du Code pénal.

S’agissant des dispositions du Code du travail, la responsabilité pénale de l’employeur est engagée assez largement, sur le fondement de l’article L. 4741-1, lorsque celui-ci méconnaît « par sa faute personnelle » les dispositions que ce texte énumère (ainsi que les décrets pris pour l’application de ces dispositions).

La liste des règles d’hygiène et de sécurité figurant dans la partie « Santé et sécurité au travail » du Code du travail (quatrième partie du code), et dont le non-respect donne lieu à des sanctions pénales en application de l’article L. 4741-1 est fort longue. Outre ce texte, un grand nombre d’autres dispositions du Code du travail envisagent des sanctions pénales.

En parallèle avec le Code du travail, le Code pénal vise et réprime les homicides ou les atteintes à l’intégrité de la personne (blessures involontaires). En cas d’accident du travail, l’employeur peut le cas échéant être poursuivi sur ce fondement s’il s’avère qu’il a commis une faute « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Les peines peuvent aller jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende. D’autre part, le fait « d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende

 

Auteur

Carole Rometti, avocat en matière de droit du travail, droit de la sécurité sociale et de la protection sociale.

 

Article paru dans Les Echos Business le 12 mai 2014

 

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