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Qualification fiscale de titres de participation : comment démontrer l’utilité ?

Qualification fiscale de titres de participation : comment démontrer l’utilité ?

Dans un arrêt rendu le 20 mai 20161, le Conseil d’Etat confirme que des titres représentant un très faible pourcentage de détention dans le capital de la société émettrice peuvent être qualifiés de titres de participation, dès lors qu’ils sont acquis par une entreprise dans l’intention de favoriser sa propre activité.

Pour les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés, les plus-values sur cession de titres détenus depuis au moins deux ans bénéficient du régime d’imposition favorable des plus ou moins-values à long terme, lorsque ces titres répondent à la qualification fiscale de titres de participation (et que la société émettrice n’est pas à prépondérance immobilière).

Dans cette hypothèse, seule une quote-part de frais et charges égale à 12% de la plus-value réalisée est soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. Une telle qualification est en revanche défavorable à l’entreprise, lorsqu’une moins-value est constatée, puisqu’elle est alors non déductible du résultat imposable.

La question de savoir si les titres cédés par une entreprise relèvent ou non de la catégorie des titres de participation comporte donc des enjeux importants, et aboutit parfois à des contentieux avec l’administration fiscale.

Au plan fiscal, constituent des titres de participation les parts ou actions qui revêtent ce caractère sur le plan comptable, et, par extension celles qui, tout en étant inscrites en comptabilité au compte de titres de participation, ou au compte de «titres relevant du régime des plus-values à long terme», ont été acquises en exécution d’une OPA ou OPE par l’entreprise qui en est l’initiatrice, ou ouvrent droit au régime des sociétés mères.

En principe, cette qualification fiscale ne donne pas lieu à débat dans l’hypothèse où les titres représentent au moins 5% du capital, puisqu’à partir de ce seuil, ils ouvrent droit au régime des sociétés mères.

En revanche, en deçà de ce seuil de 5%, les titres concernés doivent nécessairement répondre à la définition comptable de titres de participation pour bénéficier du régime fiscal des plus ou moins-values à long terme.

Au plan comptable, constituent des titres de participation les titres dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise, notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d’en assurer le contrôle. Cette définition, issue du plan comptable général de 1982, est toujours considérée comme applicable par la doctrine administrative2 comme la jurisprudence, bien qu’elle n’ait pas été reprise au sein du PCG de 1999.

En effet, dans un arrêt du 20 octobre 20103, le Conseil d’Etat s’est déjà appuyé sur cette définition. Il a jugé que des titres, qui sont utiles à l’activité de l’entreprise, en raison notamment de leurs conditions d’achat révélant l’intention de l’acquéreur d’exercer une influence sur la société émettrice, et lui donnant les moyens d’exercer une telle influence, constituent des titres de participation.

L’utilité peut être caractérisée, indépendamment de toute influence sur la société émettrice.

Dans un nouvel arrêt du 20 mai 2016, le Conseil d’Etat apporte une précision complémentaire sur la notion d’utilité, en jugeant que la détention de titres peut être utile à l’activité de l’entreprise, même si elle ne permet pas d’exercer une influence sur la société émettrice ou d’en assurer le contrôle.

En l’espèce, un médecin exerçait son activité dans le cadre d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée, qui avait acquis une participation de 0,88% dans une société par actions simplifiée qui exploitait une clinique. Ces titres avaient été inscrits au bilan de la SELARL dans la catégorie de titres de participation. Cette qualification a toutefois été remise en cause par l’administration fiscale lors de la cession des titres, au motif que les titres détenus représentaient un pourcentage du capital insuffisant pour permettre l’exercice d’une influence notable sur la société émettrice.

Dans sa décision, le Conseil d’Etat n’a pas suivi l’argumentaire de l’administration fiscale. Il s’est fondé sur une lecture moins restrictive de la définition comptable, en considérant que le contrôle et l’exercice d’une influence sur la société émettrice ne constituaient que des hypothèses pouvant «notamment» être prises en compte pour caractériser l’utilité des titres, sans pour autant être limitatives.

Le Conseil d’Etat confirme ainsi la position de la Cour administrative d’appel de Nancy4, qui avait jugé que l’utilité d’une participation ne saurait se réduire à ces critères de contrôle ou d’influence, en s’appuyant quant à elle sur la définition de l’article R 123-184 du Code de Commerce, selon laquelle «constituent des participations les droits dans le capital d’autres personnes morales, matérialisés ou non par des titres, qui, en créant un lien durable avec celles-ci, sont destinés à contribuer à l’activité de la société détentrice».

Dans quelles circonstances peut-on considérer que des titres, représentant un faible pourcentage de détention, sont utiles à l’activité d’une entreprise ?

Au cas particulier, le Conseil d’Etat a relevé que les titres détenus dans la SAS par la SELARL conféraient des prérogatives juridiques spécifiques. Leur détention était en effet utile à la SELARL, car elle permettait aux praticiens actionnaires d’avoir un accès privilégié aux lits et au plateau technique de la clinique au profit de leurs patients. Pour cette raison, le Conseil d’Etat a considéré que ces titres avaient bien été acquis par la SELARL dans l’intention de favoriser sa propre activité. Ils relevaient donc de la catégorie des titres de participation.

A défaut d’une telle spécificité, on peut donc se demander dans quelle mesure l’acquisition de titres, représentant un pourcentage de détention trop faible pour exercer une influence sur la société émettrice, pourrait être considérée comme utile.

En premier lieu, rappelons que si de tels titres ont bien été comptabilisés en tant que titres de participation, il revient à l’administration de prouver que cette écriture comptable est erronée. En effet, la qualification fiscale de titres de participation dépend d’abord de leur classement en comptabilité. La doctrine administrative précise d’ailleurs qu’elle «ne remettra en cause cette inscription que si l’entreprise commet une erreur manifeste dans l’affectation comptable des titres5».

Pour autant, l’administration considère que, dans cette hypothèse, l’utilité n’est justifiée que «si l’entreprise est à même de faire état de circonstances exceptionnelles permettant de caractériser un impact significatif sur l’activité de l’entreprise détentrice. Cet impact ne peut être tenu pour établi aux seuls motifs que la détention s’inscrit dans une stratégie de placement à long terme ou qu’il existe, par ailleurs, des relations d’affaires avec la société émettrice des titres, à moins que ces relations ne présentent des caractéristiques exceptionnelles par rapport aux autres transactions réalisées.6»

Il ressort également des conclusions rendues par Madame le Rapporteur public Emmanuelle Cortot-Boucher, sous l’arrêt commenté, que l’administration serait en droit d’exiger que l’utilité des titres soit avérée, et non uniquement justifiée par le fait que leur détention conférerait un avantage hypothétique, résultant, notamment, d’une simple relation d’affaires avec la société émettrice.

Il n’est cependant pas rare que les sociétés nouent entre elles de véritables partenariats allant bien au-delà d’une simple relation d’affaires. Elles peuvent par exemple s’associer pour réaliser ensemble des projets industriels ou de recherche de grande envergure, ou encore pour répondre conjointement à des appels d’offres pour lesquels elles disposent de compétences complémentaires. Elles peuvent alors être amenées à prendre, réciproquement ou non, une petite participation dans le capital de leur partenaire, notamment pour donner davantage de force à leur relation contractuelle, et afficher leur cohésion auprès des clients.

Dans de telles circonstances, qui ne sauraient être regardées comme exceptionnelles, les sociétés concernées devraient pouvoir prétendre que les titres en question ont été utilement acquis, même si leur détention ne leur permet pas d’exercer une influence sur la société émettrice.

Compte tenu des contentieux en cours sur cette question, on peut espérer que les juridictions administratives auront prochainement l’occasion d’apporter des éléments d’appréciation supplémentaires sur la notion d’utilité.

Notes

1 CE 20 mai 2016 n°392527, SELARL Lemaire
2 BOI-BIC-PVMV-30-10-20120912, n°40
3 CE 20 octobre 2010 n°314248, Sté Hyper Primeurs
4 CAA Nancy 25 juin 2015 n°14NC00699, SELARL Lemaire
5 BOI-BIC-PVMV-30-10-20120912, n°30
6 BOI-BIC-PVMV-30-10-20120912, n°120

 

Auteurs

Nicolas Riou, avocat Counsel en fiscalité directe

Céline Martin, avocat en fiscalité directe

 

Qualification fiscale de titres de participation : comment démontrer l’utilité ? – Article paru dans le magazine Option Finance le 27 juin 2016

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