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Introduction en droit français d’un régime de « réplication » des conventions-cadres de marché en vue d’un Hard Brexit potentiel

Introduction en droit français d’un régime de « réplication » des conventions-cadres de marché en vue d’un Hard Brexit potentiel

Dans la perspective d’un no-deal Brexit, une ordonnance du 6 février 2019 a étendu le champ d’application des mesures éligibles au close-out netting, assoupli les règles de capitalisation des intérêts et prévu un mécanisme de « réplication » des conventions-cadres de type ISDA et FBF notamment.

Vers un no-deal Brexit

En votant son retrait de l’Union européenne (UE) le 23 juin 2016, le Royaume-Uni a déclenché la procédure de retrait décrite à l’article 50 du Traité de l’UE qui prévoit un délai de deux ans pour négocier un accord de retrait.

À défaut d’accord et à l’issue des deux ans, l’Etat membre quitte l’UE et les traités de l’UE cessent tout simplement de lui être applicables. Le Royaume-Uni doit quitter l’UE le 29 mars 2019 à minuit (Brexit) et, pour l’instant, toutes les tentatives de négociations d’un accord de retrait ou d’un report de date de sortie se sont soldées par un échec.

On peut donc raisonnablement craindre une sortie du Royaume-Uni sans accord, c’est-à-dire un no-deal Brexit (encore appelé Hard Brexit).

Il est recommandé de mettre en place un certain nombre de mesures pour assurer la continuité des services bancaires et financiers et éviter tout impact négatif sur la stabilité du marché pouvant entraîner des risques systémiques.

En cas de no-deal Brexit, la continuité de la compensation centrale est assurée

Dans cette perspective, l’ESMA et la banque d’Angleterre ont conclu le 4 février 2019 un accord visant à autoriser les banques européennes à continuer à utiliser les services de certaines chambres de compensation britanniques, dont la liste a été dévoilée le 18 février 2019 et intègre LCH Limited.

Ce régime dérogatoire permet aux trois chambres de compensation britanniques autorisées de continuer à fournir des services dans l’UE, pendant les 12 mois qui suivent un no-deal Brexit éventuel.

Des mesures également prises pour les conventions-cadres

Dans la perspective du Brexit, l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association) avait également publié, en juin 2018, un modèle de convention-cadre soumis au droit français.

Cette nouvelle convention sous droit français offre une alternative à la convention-cadre de droit anglais, jusque-là majoritairement utilisée dans l’UE. Les acteurs de marché ont dorénavant la possibilité de documenter leurs instruments dérivés sous une convention ISDA soumise à un droit de l’UE à vingt-sept, leur permettant de contourner les obstacles engendrés par le Brexit. Parmi ces obstacles, les décisions du juge anglais ne bénéficieront plus de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice et une procédure d’exequatur (potentiellement longue et coûteuse) sera préalablement nécessaire pour rendre la décision exécutable dans l’UE.

Quelques adaptations du droit français étaient néanmoins demandées dans le contexte de l’adoption de ce nouveau modèle de convention ISDA de droit français pour offrir la même souplesse qu’avec le modèle de droit anglais.

Ces modifications du cadre juridique français, initialement prévues dans la loi PACTE, ont finalement été apportées par l’ordonnance n°2019-75 du 6 février 2019, prise en application de la loi n°2019-30 du 19 janvier 2019 habilitant le Gouvernement à adopter par ordonnance des mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’UE. La loi vise notamment « la continuité de l’utilisation des conventions-cadres en matière de services financiers et la sécurisation des conditions d’exécution des contrats conclus antérieurement à la perte de la reconnaissance des agréments des entités britanniques en France ».

Les apports de l’ordonnance

L’ordonnance modifie l’article L. 211-36 du Code monétaire et financier de manière à élargir le champ d’application des mesures éligibles à la résiliation-compensation (le « close-out netting« ) aux spot FX, et à la vente, l’achat et la livraison de métaux précieux.

L’ordonnance modifie également, à l’article L. 211-40 du Code monétaire et financier, les règles de capitalisation des intérêts (l’ »anatocisme ») pour les conventions mentionnées à l’article L. 211-36-1 du Code monétaire et financier (donc notamment pour les conventions ISDA et FBF), afin que la capitalisation des intérêts soit possible même lorsqu’il s’agit d’intérêts dus pour une période inférieure à un an.

L’ordonnance prévoit enfin un mécanisme de « réplication » des conventions-cadres permettant de dupliquer les conventions existantes conclues avec une banque anglaise, avec une banque située dans l’UE des 27. Plutôt que d’avoir à renégocier en urgence des conventions-cadres du même groupe, une partie pourra dupliquer, pendant les 12 mois qui suivent un no-deal Brexit éventuel, les conventions-cadres qu’elle avait mises en place avec des banques anglaises sous certaines conditions. La « réplication » prendra effet et une convention-cadre sera réputée exister entre l’entité européenne, auteur de l’offre, et le client destinataire de l’offre si les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

  • la nouvelle convention doit être identique à la convention que l’on duplique, sauf pour le droit applicable qui doit être de droit français, ce qui est particulièrement restrictif
  • l’auteur de l’offre doit être une banque du même groupe, disposant de la même qualité de crédit
  • l’offre doit être adressée par écrit et faire apparaître les différences avec la convention initiale
  • le destinataire doit avoir conclu dans les 5 jours de réception de l’offre une opération régie par la nouvelle convention-cadre, manifestant une intention non équivoque de conclure de nouvelles opérations avec l’entité européenne.

Si ces conditions sont remplies, la nouvelle convention-cadre entre en vigueur et prend effet de plein droit sans aucune autre formalité.

En adaptant notre cadre juridique à l’ISDA de droit français et en facilitant la mise en place des conventions-cadres, cette ordonnance marque une étape importante pour l’attractivité du droit français.

 

Auteurs

Marc-Etienne Sébire, avocat associé, responsable marchés de capitaux

Pauline Larroque, avocat, Banque & Finance

 

Introduction en droit français d’un régime de « réplication » des conventions-cadres de marché en vue d’un Hard Brexit potentiel – Article paru dans le magazine Option Finance Innovation de 22 février 2019
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