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Résiliation abusive d’un contrat d’intégration : le client condamné à verser 1,14 million d’euros au prestataire informatique

Résiliation abusive d’un contrat d’intégration : le client condamné à verser 1,14 million d’euros au prestataire informatique

Par une décision du 24 juin 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a condamné la Macif à verser plus de 1,14 million d’euros de dommages et intérêts à la société IGA Assurances, éditeur et intégrateur d’une solution informatique.

Dans la perspective de doter sa filiale Macifilia d’une nouvelle application informatique de gestion d’activités d’assurance, la précédente étant jugée obsolète, la Macif a lancé en 2012 un appel d’offres remporté par IGA Assurances.

Un contrat de cadrage a été conclu entre les parties afin qu’une analyse complète des besoins soit effectuée, permettant de préciser le périmètre fonctionnel du progiciel destiné à être mis en place.

Par la suite, les parties ont conclu, le 8 février 2013, un contrat d’intégration pour la livraison de la solution logicielle préfigurée par le contrat de cadrage et un contrat de licence et de maintenance.

A la suite de multiples retards et modifications de planning, la Macif a mis IGA Assurances en demeure de livrer l’ensemble des spécifications fonctionnelles détaillées (SFD) sous trente jours, ce qu’a fait le prestataire, indiquant toutefois le caractère partiel de ladite livraison (62 SFD sur les 75).

Considérant qu’IGA Assurances n’avait pas respecté le délai imparti pour livrer l’intégralité des SFD, la Macif a résilié unilatéralement le contrat pour faute grave et répétée de son prestataire, les livrables n’étant pas conformes aux besoins qu’elles avaient exprimés.

Un expert judiciaire, nommé par le Tribunal à la demande de la Macif afin de déterminer les engagements contractuels des parties, a conclu dans son rapport que la Macif était contractuellement responsable de la validation de l’exhaustivité des SFD mais qu’IGA aurait dû vérifier cette exhaustivité ou en assurer le suivi avec la Macif.

Dans ce contexte, la Macif a assigné son prestataire afin d’obtenir la résolution judiciaire des contrats aux torts d’IGA. La société IGA a contesté et demandé à titre reconventionnel la réparation du préjudice subi du fait de la résiliation abusive des contrats de licence et d’intégration par la Macif, ainsi que le paiement d’une facture impayée.

Le Tribunal relève qu’aucune disposition contractuelle ne faisait obligation à IGA de couvrir l’intégralité des besoins de la matrice par des SFD. IGA n’était donc soumise à une obligation de résultat qu’en ce qui concerne la livraison des SFD indispensables aux développements et aux adaptations à apporter à chaque version de base de la solution.

IGA n’ayant pas l’obligation contractuelle de livrer des SFD pour la totalité des besoins exprimés par la Macif, il appartenait à cette dernière d’indiquer précisément quelles spécifications n’avaient pas couvert un besoin destiné à un développement spécifique afin que le Tribunal puisse caractériser un défaut de livraison de la part d’IGA, ce qu’elle n’avait pas fait.

Par ailleurs, sur la qualité des SFD, que la Macif considérait comme non conformes aux besoins exprimés, car incomplètes et imprécises, le Tribunal a jugé que le défaut de qualité n’était pas exclusivement imputable à IGA et que la Macif avait insuffisamment justifié ledit défaut de qualité.

Le tribunal de commerce de Nanterre relève également que la Macif avait manqué à son obligation de coopération de bonne foi dans l’exécution du contrat d’intégration.

En conséquence, la résolution judiciaire du contrat d’intégration est prononcée aux torts exclusifs de la Macif qui se voit condamnée à verser à IGA Assurances la somme de 1,14 million d’euros au titre des dommages et intérêts, 276 120 euros au titre d’une facture impayée, ainsi que la somme de 226 190 euros pour les frais de justice (T. com. Nanterre, 24 juin 2016, Macif c/ IGA Assurances).

Cette décision illustre l’importance de définir un cadre contractuel adapté pour tout projet informatique complexe afin d’anticiper de façon optimale les éventuelles difficultés susceptibles de naître. A ce titre, il est notamment primordial d’apporter un soin particulier à la formalisation contractuelle :

  • de l’expression des besoins du client ;
  • de la détermination du périmètre des prestations du prestataire informatique ; et
  • des responsabilités de chacune des parties.

 

Auteurs

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

Maxime Hanriot, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies.

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