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Retraites à prestations définies : un coup d’arrêt à la taxation

Une décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 rendue par le Conseil constitutionnel annule partiellement la contribution mise à la charge des bénéficiaires de régimes de retraite à prestations définies relevant de l’article L 137-11 du code de la sécurité sociale.S’il s’agit d’un coût d’arrêt à la taxation croissante de ces régimes, ceux-ci restent toutefois soumis à des prélèvements importants.

Depuis dix ans, le régime social et/ou fiscal des régimes de retraite à prestations définies, relevant de l’article L 137-11 du code de la sécurité sociale, a été modifié trois fois, et toujours dans le sens d’une augmentation des charges. Ainsi, depuis 2003 jusqu’à ce jour, la contribution sociale acquittée par l’employeur a été triplée, voir plus dans certains cas puisque pour les rentes excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit 296 256 euros pour 2013), une contribution additionnelle de 30 % a été créée en 2010. Mais le pas le plus important a été franchi par la loi de financement de sécurité sociale pour 2011, qui a créé une contribution à la charge des bénéficiaires(1), limitée dans un premier temps par cette loi à un maximum de 14 % de la pen­sion de retraite au titre de ce régime.

Cette mesure avait déjà été contestée devant le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), mais en vain(2). La loi de finances pour 2012 est allée encore plus loin en instituant, pour la fraction des rentes(3) excédant 24 000 euros par mois, une contribu­tion égale à 21 % de celle-ci(4). La disposition de la loi de finances instituant cerre mesure n’avait pas été déférée au Conseil consrirutionnel et le Conseil d’État, saisi d ‘une nouvelle QPC diri­gée contre la version de l’article L.137-11-1 issue de ce texte, a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’en saisir le Conseil constitionnel(5). Ce n’est qu’un an après, et dans le cadre de l’examen de la loi de fin ances pour 2013, qui ne modifiait pourtant pas cette disposition, que le Conseil constitutionnel est revenu sur cette mesure pour la déclarer contraire à la Constitution et plus précisément au principe d’égalité devant les charges publiques.

Le contenu de la décision du Conseil constitutionnel
L’article 3 de la loi de finances pour 2013 instituait une nouvelle tranche marginale d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu à un taux de 45 % pour la fraction des revenus supérieure à 150 000 euros par part. Si le Conseil a jugé conforme à la Constitution le principe de cette mesure, il a toutefois considéré que, dans le cas particulier des retraites supplémentaires à pres­tations définies relevant de l’article L.137-l11 du code de la sécurité sociale, l’application de cette nouvelle tranche cumulée avec les prélèvements et impôts déjà applicables à ces régimes conduirait à faire « peser sur les contri­buables une charge excessive » (évaluée à 75,34 % pour 2013), « contraire au principe d’égalité devant les charges publiques au regard de leurs facultés contributives ».

L’originalité de cette décision
L’originalité de cette décision vient de ce que le Conseil, pour remédier à cette inconstitutionnalité et valider cette mesure (nouvelle tranche de 45 %), revient sur la constitu­tionnalité d’un article d ‘une pré­cédente loi de finances rectificative déjà promulguée (loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011). Cette possibilité résulte de l’application d’une jurisprudence désormais tradition­nelle du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle « la conformité à la Constitution d’une Loi déjà promulguée peut être appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine »(6). Le Conseil constitutionnel a ici estimé que, l’augmentation à 45 % du taux marginal maximal d’imposition au barème de l’impôt sur le revenu résultant de l’article 3 de la loi de finances ayant pour effet, par sa com­binaison, notamment, avec l’application du taux de 21 %, de modifier la portée du taux marginal de cette imposition au regard des facultés contributives des contribuables, il devait être regardé comme affectant le domaine d’application des dispositions de l’article L.137-11-1 du code de la sécurité sociale. Il en a déduit qu’il pouvait dès lors se sai­sir de lui-même de la question de la conformité à la Constitution de ces dispositions existantes et en a déduit que ces dernières devaient être cen­surées afin d ‘éviter que l ‘imposition des retraites chapeaux ne présente un caractère confiscatoire.

Les conséquences de la décision
À compter de la décision du Conseil constitutionnel, la conséquence est que la contribution de 21 % due sur les rentes liquidées à compter du 1er janvier 2011(7), pour leur part excédant 24 000 euros par mois, est annulée , et celles-ci seront donc soumises, sur leur fracrion comprise entre 400 er 600 euros par mois, à une contribution de 7 %, et sur leur fraction excédant 600 euros par mois, à une contribution de 14 %, au même titre que toutes les autres rentes excédant 600 euros par mois. Cette annulation fera donc obstacle à ce que les rentes versées à compter du ler janvier 2013 soient amputées du prélèvement de 21 %. Qu’en est-il pour l’année 2012, au cours de laquelle les rentes dont le montant était supérieur à 24 000 euros par mois ont déjà été imposées au taux de 21 % jugé inconstitutionnel ? La question est inédite mais, à notre avis, rien ne fait obstacle à ce que des demandes soient formées pour obtenir la restitution de ce prélèvement acquitté à tort. On relèvera en ce sens que dans le commentaire officiel fait de cette décision par le Conseil constitutionnel, il est précisé que « cette censure, qui produit ses effets immédiatement, permettra d’éviter que ne s’appliquent des taux confiscatoires tant aux rentes versées en 2012 qu’à celles versées à compter de 2013 »(8). Cette solution est logique puisque le nouveau taux marginal maximal d’impôt sur le revenu de 45 s’appliquera également aux rentes perçues en 2012, et l’élimination du caractère confiscatoire de ce cumul d’impositions nécessite donc que la censure prononcée par le Conseil constitutionnel prenne effet rétroactivement à compter du 1er janvier 2012.


1. Disposition codifiée à l’article L 137-11-1 du code de la sécurité sociale, modifiée quelques jours après par la loi de finances pour 2011.

2. Décision n° 20116180 QPC du 13 octobre 2011, M Jean-Luc O. et autres.

3. Seules les rentes versées dans le cadre de régimes de retraite à prestations définies relevant de l’article L 137-11 du code de la sécurité sociale sont concernées par cette contribution

4. Pour sa quote-part supérieure à 400 euros, pour les rentes liquidées à compter du 1er janvier 2011, et supérieure à 500 euros pour celles liquidées avant cette date.

5. CE. 23 juillet 2012. n° 359 922. association de défense des retraites chapeaux et autre.

6. Décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985. Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances.

7. Pour les rentes liquidées avant le 1er janvier 2011, voir le tableau http://www.cms-bfl.com/Retraites-a-prestations-definies–un-coup-darret-a-la-taxation-28-02-2013.

8. Cf http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/cc2012662dc.pdf, p.7.

 

A propos des auteurs

Florence Duprat-Cerri, avocat. Elle intervient en matière d’assistance rapprochée d’entreprises dans la gestion quotidienne des problématiques de protection sociale, la défense devant les juridictions de sociétés clientes en matière de contentieux relatif à la retraite ou la prévoyance et de redressement de cotisations de sécurité sociale, la formations en matière de protection sociale complémentaire et l’épargne salariale.

Stéphane Austry, avocat associé au sein du Département Doctrine Fiscale, en charge du développement de l’activité contentieuse du cabinet. En parallèle à ses activités, il est en charge de la pratique fiscale pour tous les cabinets membres du réseau CMS.

 

Article paru dans la revue Décideurs de février 2013

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