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Rupture des relations commerciales établies : nouvelle appréciation des juges du fond /jurisprudentielle de l’exception au préavis raisonnable

L’article L.442-6 I 5° du Code de commerce prévoit que la relation commerciale doit être rompue avec un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, tout en précisant que ce principe ne fait pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis « en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

La résiliation du contrat, au motif d’inexécution par l’autre partie de ses obligations contractuelles, peut être obtenue :

  • soit par décision judiciaire, le juge ayant alors la possibilité d’apprécier la gravité des manquements invoqués pour prononcer la résiliation du contrat ;
  • soit par la résiliation unilatérale du contrat, celui qui se prévaut de la résiliation prenant le risque que la résiliation ne soit pas in fine confirmée par le juge éventuellement saisi, si la gravité du comportement du cocontractant ne revêt pas selon lui une gravité suffisante (Cass. civ. 1re, 28 octobre 2003, n° 01-06662) ;
  • soit par la mise en œuvre de la clause de résiliation de plein droit contractuellement stipulée, sous réserve que cette clause prévoie le manquement invoqué comme motif de résiliation de plein droit du contrat.

A la différence des deux premières hypothèses, la clause de résiliation de plein droit présente un intérêt pour les parties qui est de maîtriser l’identification des manquements qu’elles trouvent suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat. Ainsi, sauf cas de force majeure ou mauvaise foi dans la mise en œuvre de la clause, le juge doit appliquer une clause de résiliation de plein droit quand bien même celle-ci serait mise en œuvre pour des manquements de moindre importance dès lors que ces manquements sont visés par ladite clause (Cass. civ., 16 février 1983 : Gazette du Palais 1983, Pan. 159 ; Cass. com., 7 octobre 1980, n° 79-10446). Le contrôle du juge se limite alors à vérifier la réalité des manquements invoqués, leur prévision par la clause résolutoire et la mise en œuvre de bonne foi de ladite clause par celui qui entend se prévaloir d’une résiliation du contrat aux torts de son cocontractant (en ce sens, Cass. com., 8 juin 1999, n° 96-19145).

Dans l’arrêt rendu le 24 juin 2014 par la Cour de cassation, il s’agissait de savoir si, en l’absence de clause de résiliation de plein droit dans le contrat, une société qui confiait à une autre l’impression de ses emballages et de ses étiquettes depuis plusieurs années pouvait rompre sans préavis la relation commerciale au motif de non-conformités répétées et de retards de livraison. La société cliente avait fait valoir que le prestataire avait gravement manqué à ses obligations contractuelles en livrant avec retard des notices non-conformes au cahier des charges et aux dispositions d’ordre public du Code de la santé publique, en soulignant tout à la fois le caractère répétitif et dangereux de ces non-conformités eu égard aux conséquences dramatiques en terme de santé publique des inversions de notices. La Cour d’appel avait retenu que ces griefs portaient parfois sur des problèmes mineurs et avait jugé la rupture brutale et abusive de la relation commerciale. Dans son pourvoi, la société cliente reprochait à la Cour de ne pas avoir recherché si les griefs ne portaient pas aussi parfois sur des problèmes majeurs.

Suivant les constatations et appréciations de la Cour d’appel faisant ressortir que la société cliente ne justifiait pas que les manquements imputés au prestataire étaient bien d’une gravité telle qu’ils justifiaient la résiliation unilatérale et immédiate du contrat, la Cour de cassation a jugé les moyens de la société cliente infondés (Cass. com., 24 juin 2014, n° 12-27908).

Dans une autre affaire, il s’agissait de savoir, là encore en l’absence d’une clause de résiliation de plein droit, s’il y avait eu rupture brutale des relations commerciales subie par un client qui était livré depuis 2005 par un fournisseur, lequel avait notifié le 30 novembre 2009 la rupture de ses relations commerciales à compter du 31 juillet 2010, en précisant que la collection 2011 ne serait pas présentée.

En défense, le fournisseur apportait la preuve d’un comportement devenu grossier, menaçant et, pour finir, injurieux du représentant légal de la société cliente. Après avoir rappelé la faculté de résiliation sans préavis d’une relation commerciale établie en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure et avoir relevé que la société cliente avait violé ses obligations de bonne foi dans l’exécution des conventions et de coopération avec sa cocontractante, la Cour d’appel a jugé que le fournisseur n’avait pas, exceptionnellement, de préavis de rupture à observer de sorte qu’en en ayant cependant octroyé un d’une durée de huit mois en continuant d’honorer les commandes en cours de la collection 2010, il avait consenti un délai bien supérieur à son obligation (CA Paris Pôle 5 ch. 11, 4 juillet 2014, n° 12/00579).

Ces deux décisions illustrent l’importance de l’appréciation des juges sur les motifs susceptibles de justifier une rupture de la relation commerciale sans préavis et d’écarter ainsi la responsabilité de l’auteur de la rupture.

Force est cependant de relever que la Cour de cassation tend désormais à reconnaître le droit d’appréciation du juge des manquements reprochés même en présence d’une clause de résiliation de plein droit, dès lors que la partie qui subit la résiliation se prévaut de la règle édictée par l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce (Cass. com., 9 juillet 2013, n° 12-21001).

 

Auteur

Brigitte Gauclère, Avocat Counsel en Droit commercial – Distribution

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