Un salarié inapte à son poste peut-il remplacer un stagiaire ?
7 juin 2017
Par un arrêt du 11 mai 2017, la Cour de cassation précise que, sauf fraude, les missions confiées à un stagiaire n’ont pas à être proposées à un salarié déclaré inapte dans le cadre de la recherche de reclassement.
Cet arrêt est l’occasion de faire un point sur deux thématiques soulevant de multiples difficultés pratiques : le reclassement dans le cadre de la procédure de licenciement pour inaptitude et le recours aux stagiaires en entreprise.
Une précision supplémentaire sur le périmètre de recherche de reclassement
Si dans deux situations l’employeur est désormais exonéré de toute recherche de reclassement, (lorsque l’avis d’inaptitude précise que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »), il est en principe tenu de rechercher un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail (articles L.1226-2 et L.1226-10 du Code du travail).
Cette recherche doit en priorité s’orienter vers un poste aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé par le salarié, au besoin par la mise en œuvre d’une mutation, d’un aménagement, d’une adaptation ou transformation des postes disponibles ou encore en aménageant le temps de travail du salarié.
L’employeur peut limiter sa recherche de reclassement en fonction des souhaits ou restrictions exprimés par le salarié lui-même (Cass.soc.23 novembre 2016 n°14-26.398 et 15-18.092). Par exemple, il peut cantonner ses recherches aux sociétés du groupe situées sur le territoire national dès lors que le salarié a déjà refusé des propositions de reclassement en raison de sa situation familiale et de l’éloignement géographique du poste proposé (Cass.soc.8 février 2017 n°15-22.964).
En revanche, la Cour de cassation intègre toujours dans le champ des reclassements potentiels des postes temporaires sous CDD de remplacement par exemple (Cass.soc.10 février 2016 n°14-16.156) ; ce qui, en pratique, impose qu’à l’issue du CDD, la société poursuive les recherches de reclassement.
Les missions confiées à des stagiaires : un poste disponible ?
C’est ce que considérait le salarié dans les faits ayant donné lieu à l’arrêt du 11 mai 2017 : le salarié soutenait que la société aurait dû lui proposer, dans le cadre des recherches de reclassement, d’occuper les missions ponctuelles administratives confiées à des stagiaires dès lors que ces dernières étaient compatibles avec les préconisations du médecin du travail.
La Cour d’appel a débouté le salarié de sa demande en relevant notamment que les stagiaires effectuaient des « missions ponctuelles, variant d’une semaine à un mois pour leurs durées respectives » de sorte que le salarié ne pouvait valablement « soutenir que ces tâches, mêmes administratives, et répondant aux exigences médicales de sa situation, constituent un poste sur lequel il aurait pu être reclassé. »
Mais la Cour de cassation précise surtout que : « ne constitue pas un poste disponible pour le reclassement d’un salarié inapte l’ensemble des tâches confiées à des stagiaires qui ne sont pas salariés de l’entreprise, mais suivent une formation au sein de celle-ci. »
Le statut de stagiaire au sein de l’entreprise réaffirmé
Au travers du thème de l’inaptitude, la Chambre sociale rappelle en conséquence que le stagiaire ne doit pas occuper un poste au sein de l’entreprise.
En effet, « aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou un agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat. » (L.124-7 du Code de l’éduction). En conséquence, le stagiaire ne bénéficiant ni de l’aide d’un tuteur, ni d’une formation et qui exerce toutes les missions de secrétariat d’un salarié précédemment licencié, peut demander la requalification de sa convention de stage en contrat de travail (cf. CA de Paris 14 septembre 2007).
Afin de limiter les abus, la loi encadre d’ailleurs strictement le recours aux stagiaires, en prévoyant notamment que le stage doit nécessairement être intégré à un cursus scolaire ou universitaire, que le stagiaire ne peut effectuer dans l’entreprise d’accueil un stage ou plusieurs stages dont la durée excède 6 mois par année d’enseignement, qu’un tuteur doit être désigné dans l’entreprise d’accueil et qu’un délai de carence doit être respecté entre deux stages.
L’entreprise d’accueil doit en outre confier au stagiaire des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil, afin qu’il acquière des compétences professionnelles conformes à sa formation, en vue d’obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle.
Il en résulte que préparant un diplôme, les stagiaires qui ont toujours le statut d’étudiant et ne sont pas salariés au sein de l’entreprise, ne peuvent occuper des tâches régulières et permanentes.
C’est donc logiquement que la Cour de cassation a retenu, dans l’arrêt du 11 mai 2017, que les missions confiées à des stagiaires n’ont pas à être proposées dans le cadre de la recherche de reclassement, à un salarié déclaré inapte par le médecin du travail.
Auteurs
Marie-Pierre Schramm, avocat associée, spécialisée en conseil et en contentieux dans le domaine du droit social
Coline Ferran, avocat en droit social
Un salarié inapte à son poste peut-il remplacer un stagiaire ? – Article paru dans Les Echos Business le 7 juin 2017
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