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Sanction pour défaut de notification d’une concentration : le Conseil d’Etat en phase avec l’Autorité de la concurrence

Le contentieux du contrôle des concentrations relève de la compétence du Conseil d’Etat. A ce titre, ce dernier s’est penché sur la question de la validité des sanctions prononcées par l’Autorité de la concurrence (ADLC) à la suite d’un défaut de notification de plusieurs opérations de concentration (arrêt du 24 juin 2013). L’article L. 430-8 du code de commerce autorise en effet l’ADLC à infliger aux sociétés auxquelles incombait la charge de notifier une opération de concentration une amende pouvant atteindre 5% de leur chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant, de celui réalisé en France durant la même période par la cible.

Au cas particulier, la filiale française du groupe Colruyt avait informé en 2010 l’ADLC qu’elle avait réalisé trois opérations de concentration en 2003, 2004 et 2009 sans les avoir notifiées. L’Autorité s’est saisie d’office du dossier. Après examen individuel de chaque opération, elle a finalement autorisé les trois opérations qui ne portaient pas atteinte à la concurrence, tout en décidant de sanctionner l’absence de notification de la dernière acquisition (les deux autres étant couvertes par la prescription) par une amende de 392 000 euros (soit 0,05% du chiffre d’affaires du groupe réalisé en France) infligée à la société-mère à laquelle le défaut de notification était imputable.

Après avoir énoncé que la possibilité pour l’ADLC, investie d’un pouvoir de sanction, de s’autosaisir n’est pas en soi contraire au principe du droit à un procès équitable posé par l’article 6 CEDH dès lors que cette faculté fait l’objet d’un encadrement suffisant (dispositions du code de commerce garantissant l’indépendance du rapporteur général, à l’origine de la saisine, à l’égard des formations de l’Autorité compétentes pour prononcer les sanctions), le Conseil d’Etat a validé le bien-fondé de la décision de l’Autorité.

Il a ainsi tout d’abord estimé qu’il n’y avait pas eu méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines lequel, lorsqu’il est appliqué à des sanctions qui n’ont pas le caractère de sanctions pénales, ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l’activité qu’elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l’institution dont elle relève. Or, les dispositions combinées des articles L. 430-1 et L.430-3 du code de commerce, relatives à la définition des concentrations et à l’obligation de notification préalable, sont suffisamment claires et précises pour permettre aux professionnels concernés de déterminer si l’opération est notifiable, de prévoir qu’un défaut de notification est sanctionnable et d’identifier les personnes sur lesquelles pèse l’obligation de notification.

Le Conseil d’Etat a ensuite considéré que la sanction infligée ne méconnaissait pas le principe de proportionnalité des peines. Tout en rappelant que le défaut de notification d’une concentration constitue, en tant que tel et quelle que soit l’importance des effets anticoncurrentiels de cette opération, un manquement grave en ce qu’il fait obstacle au contrôle qui incombe à l’ADLC, le Conseil a jugé que la sanction infligée n’était pas disproportionnée dans la mesure où elle ne représentait que 1% du montant maximum encouru et qu’il avait été tenu compte des circonstances invoquées par la société sanctionnée pour expliquer les raisons du manquement ainsi que des difficultés financières dont elle se prévalait.

Avec cette décision, qui valide sans réserve les pouvoirs d’intervention et de sanction de l’ADLC au regard des principes fondamentaux, il convient de ne pas perdre de vue les sanctions pécuniaires susceptibles d’être attachées à un défaut de notification : en effet, peu importe que l’opération soit finalement autorisée car n’emportant pas d’effets anticoncurrentiels, le manquement est sanctionnable en toute hypothèse.

 

A propos de l’auteur

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat au sein du département de doctrine juridique. En étroite relation avec les avocats du Cabinet intervenant dans ce domaine, elle suit et analyse les évolutions du droit pour formuler des conseils pratiques. Elle participe à l’élaboration des communiqués clients et publie des chroniques dans la presse.

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 28 octobre 2013

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