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Sans brutalité de la rupture, pas de décision judiciaire de poursuite du contrat envisageable

Sans brutalité de la rupture, pas de décision judiciaire de poursuite du contrat envisageable

L’article 873 du Code de procédure civile permet de saisir en référé le juge afin d’obtenir la poursuite judiciaire d’un contrat, « soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».


C’est sur ce fondement que des fournisseurs ont pu obtenir la poursuite d’un contrat de distribution rompu trop brutalement (pour quelques rares illustrations favorables à la victime de la rupture : CA Paris, 5 février 2014, n°13/18960 ; Cass. com., 23 juin 2015, n°14-14.687 ; CA Paris, 26 janvier 2017, n°15/18120). L’absence de préavis ou le préavis trop court sont en effet considérés comme des éléments de nature à constituer un « trouble manifestement illicite », dès lors que le fournisseur n’a, dans ces cas de figure, pas le temps de réorganiser son activité et peut voir la viabilité de son activité remise en cause.

Invoquant ce même fondement, un groupe d’entreprises exerçant une activité de manutentionnaire portuaire demandait la continuation d’un contrat qu’il avait conclu en 2012 avec une alliance maritime regroupant six sociétés. Ce contrat avait été rompu en 2017, lors de la dissolution de l’alliance maritime. La société portuaire avait été avertie de la cessation à venir du contrat et des commandes par un courriel du 5 août 2016.

Elle considérait néanmoins la rupture comme brutale, dans la mesure où elle avait noué des relations commerciales avec la plus grande partie des sociétés regroupées au sein de l’alliance maritime, et ce depuis une vingtaine d’années pour certaines. Dès lors, le préavis de rupture ne pouvait, selon elle, être considéré comme suffisant.

La cour d’appel de Paris réfute cette analyse : elle considère qu’il ne peut être tenu compte de l’antériorité des relations commerciales, dès lors que le contrat conclu en 2012 l’avait été à l’issue d’un appel d’offres. En cela, le juge d’appel rejoint la Cour de cassation, selon laquelle l’émission d’un appel d’offres après plusieurs années de relations commerciales établies peut valoir comme point de départ du préavis exigé par l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce, dès lors que l’ancien partenaire est prévenu de manière claire et explicite de la rupture à venir (Cass. com., 6 septembre 2016, n°14-25.891). Au cas d’espèce, l’arrêt d’appel ne précise pas si la mise en concurrence de 2002 était suffisamment explicite, faute peut-être d’éléments fournis par les parties sur ce point.

La Cour déduit des caractéristiques de la relation, précaire par définition puisque fondée sur une mise en concurrence, et de par sa durée (5 ans) qu’il n’existait pas de relation commerciale « établie » au sens de l’article L.442-6 I 5 du Code de commerce et que la rupture ne pouvait pas de ce fait être considérée comme brutale.

En l’état de ces énonciations, la Cour d’appel conclut qu’aucun trouble manifestement illicite n’existe au cas d’espèce (CA Paris, 5 juillet 2017, n°17/08926).

Elle examine ensuite, toujours sur le fondement de l’article 873 du Code de procédure civile, si un risque de dommage imminent existe, mais réfute les arguments présentés en ce sens par la société de manutention maritime. Les développements de l’arrêt à cet égard sont intéressants, car il est rare que le juge examine ce type d’arguments à l’appui d’une demande judiciaire de poursuite d’un contrat de distribution. Pour autant, la décision démontre que la preuve d’un tel « dommage imminent » est difficile à apporter.

 

Auteur

Francine Van Doorne, avocat Counsel, droit commercial et droit de la distribution

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