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Sort de la clause de non-concurrence en cas de transfert de la clientèle au franchisé

Sort de la clause de non-concurrence en cas de transfert de la clientèle au franchisé

Une clause de non-concurrence post-contractuelle peut-elle venir contrarier l’effectivité du transfert de clientèle locale d’un franchiseur à ses franchisés ?

Une société disposant des droits de Master Franchise d’un réseau d’enseignement et d’apprentissage de la langue anglaise avait conclu plusieurs contrats de franchise comportant tous une clause de non-concurrence post-contractuelle, limitée à un an et s’étendant à l’ensemble du territoire concédé en exclusivité (en l’espèce des départements ou des communes).

À la suite d’un conflit entre cette société et ses franchisés, un avenant aux contrats de franchise avait été signé, stipulant :

  • d’une part, que « chaque franchisé est propriétaire de sa clientèle locale, avec laquelle il a traité ou avec laquelle il traitera à l’avenir » ;
  • d’autre part, qu’en cas de contradiction ou d’incompatibilité entre les stipulations de l’avenant et celles du contrat de franchise, les stipulations de l’avenant prévaudront.

Après le non-renouvellement de ces contrats, le franchiseur avait assigné les ex-franchisés en dommages-intérêts, pour avoir violé la clause de non-concurrence en ayant poursuivi leur activité sous une enseigne concurrente sur le même territoire, et en cessation de toute activité concurrente sur ce territoire pendant une durée d’un an. De leur côté, les ex-franchisés invoquaient la nullité de la clause de non-concurrence pour contrariété avec les termes de l’avenant.

La Cour d’appel a donné raison à ces derniers en rejetant la demande du franchiseur au motif que la clause de non-concurrence entrait en contradiction avec les dispositions de l’avenant qui consacraient le droit de propriété du franchisé sur la clientèle locale (CA Paris, 13 décembre 2017, n°13/12625). En effet, l’application de cette clause aurait empêché les ex-franchisés d’exploiter pendant une année « leur » clientèle locale. De manière assez logique, la Cour fait ainsi prévaloir les stipulations de l’avenant sur celles du contrat de franchise, comme cela avait été convenu par les parties. Du reste, en l’absence d’une telle clause d’interprétation, les règles du Code civil (article 1162 ancien, article 1190 nouveau) imposent d’interpréter les clauses ambiguës en faveur du débiteur de l’obligation : cette règle aurait également conduit à faire primer l’avenant sur le contrat de franchise.

Rappelons que, depuis le célèbre arrêt Trévisan (Cass. 3e civ., 27 mars 2002, n°00-20.732), il semble acquis que le franchisé qui met en œuvre des moyens corporels (matériel et stock) et incorporels (bail), différents de ceux du franchiseur, pour développer sa clientèle à ses risques et périls, est titulaire de la clientèle locale. Pour autant, la propriété de la clientèle locale n’empêche pas toujours les juges de valider les clauses de non-concurrence post-contractuelle ou de refuser toute indemnisation du franchisé pour perte de sa clientèle.

Soulignons que, dans cette affaire, l’un des ex-franchisés poursuivis n’ayant pu produire l’avenant le concernant avait décidé de contester la validité de la clause de non-concurrence au regard du droit européen de la concurrence. Il a lui aussi obtenu gain de cause.

Après avoir considéré que la clause litigieuse était susceptible d’affecter sensiblement le commerce entre Etats membres (implantation du réseau dans de nombreux États membres avec 274 centres franchisés dans le monde ; clause litigieuse visant à éliminer un concurrent potentiel sur l’ensemble du marché intérieur et insérée dans tous les contrats de franchise conclus sur le territoire national), la cour de Paris a estimé que cette clause n’était pas indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur. En effet, la méthode transmise était de faible technicité et, mise en œuvre principalement par l’intermédiaire de logiciels en ligne, elle n’était accessible que par des sites Internet spécifiques dont l’accès était coupé au franchisé à l’issue du contrat. Etant disproportionnée à son objectif la clause était contraire aux articles 101, 1 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne et L.420-1 du Code de commerce.

De plus, cette clause ne pouvait pas bénéficier du règlement d’exemption n°2790/1999 du 22 décembre 1999 (aujourd’hui remplacé par le règlement 330/2010 du 20 avril 2010). L’article 5, b) de ce texte exclut du champ de l’exemption par catégorie les clauses de non-concurrence qui ne sont pas limitées aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat. Or, les clauses litigieuses s’étendaient à l’ensemble territoire concédé, sans être circonscrites aux seuls locaux et terrains à partir desquels le franchisé exerçait son activité.

N’étant ni proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur, ni susceptible de bénéficier d’une exemption automatique, la clause de non-concurrence litigieuse était donc nulle.

Dès lors que la contrariété au droit de la concurrence était établie, il est permis de s’interroger sur l’utilité pour la cour d’appel de Paris d’avoir également porté son analyse sur le terrain du droit des contrats, même si elle y était invitée par les plaignants.

Rappelons enfin que les conditions de l’exemption automatique européenne sont aujourd’hui reprises à l’article L.341-2 du Code de commerce issu de la loi dite « Macron » au titre des critères de validité des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation figurant dans les accords liant les exploitants de commerces de détail à un réseau de distribution.

 

Auteur

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat counsel au sein du département de doctrine juridique

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