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Temps partiel : de nouvelles contraintes atténuées par plusieurs dérogations

La loi de sécurisation de l’emploi prévoit des mesures visant à réduire le temps partiel subi tout en tenant compte des spécificités de certains secteurs d’activité et des aspirations à un temps partiel choisi.

La loi prévoit trois mesures essentielles :

  1. une contrainte avec la durée minimum hebdomadaire de 24 heures ;
  2. un surcoût potentiel avec la majoration de toutes les heures complémentaires ;
  3. une souplesse avec la validation de la pratique des avenants de complément d’heures.

Faisons donc le point avec ci-dessous en italiques les remarques du praticien.

La durée minimum de 24 heures par semaine

24 heures, c’est plus qu’un mi-temps et même qu’un 3/5ème. Cette nouvelle règle va donc fortement perturber la quasi-totalité des temps partiel existants. A fortiori pour les temps partiel de brève durée utilisés classiquement dans certains secteurs.

Cette mesure entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2014. Cependant, l’employeur dispose d’une période de transition jusqu’au 1er janvier 2016 pour les contrats en cours : pendant cette période, cette durée minimum ne s’appliquera qu’aux salariés en faisant la demande et, l’employeur pourra refuser «en cas d’impossibilité d’y faire droit compte tenu de l’activité économique de l’entreprise».

On imagine assez aisément que cette période de transition donnera lieu à des difficultés. La notion d’impossibilité paraît en effet à la fois rigoureuse et floue. Quid notamment s’il n’y a pas assez de travail pour répondre à toutes les demandes de passage à 24 heures des salariés en place ?… a fortiori si les nouvelles embauches à temps partiel doivent se faire à 24 heures. Il y a là un risque de contentieux réel suite au choix que l’employeur sera, le cas échéant, contraint de faire s’il ne peut pas satisfaire à toutes les demandes.

Une fois la mesure entrée en vigueur, c’est-à-dire au plus tard au 1 janvier 2016 même pour les contrats de travail conclus antérieurement, des dérogations aux 24 heures sont prévues pour tenir compte de la situation individuelle des salariés. Ce sera ainsi, possible pour des salariés de moins de 26 ans poursuivant leurs études.

On peut dès lors se demander si l’employeur pourra proposer des postes exclusivement à des étudiants de moins de 26 ans pour une durée du travail inférieure à 24 heures. Cela sera aussi une faculté, mais cette fois, sur demande expresse écrite et motivée de l’intéressé, pour faire face à des contraintes personnelles ou pouvoir cumuler plusieurs activités (pour un total au moins égal à 24 heures). Ce sera sans doute le cas pour les congés parentaux à temps partiel pour lesquels un texte spécial prévoyait déjà une durée minimum de travail de 16h (art.L.1225-47 du Code du travail).

Le texte n’impose aucunement à l’employeur de vérifier la légitimité, et/ou la réalité de la demande de dérogation ni même le fait que la situation ou la motivation invoquée perdure. Les conséquences, pour l’employeur, de la modification de la situation individuelle ayant justifié la dérogation ne sont pas davantage précisées.

D’autres dérogations peuvent être prévues par un accord de branche étendu, moyennant des garanties adaptées conformément à l’article L.3123-14-3 du Code du travail. Il conviendra donc de suivre les accords qui viendraient à être conclus, branche par branche.

Toutes ces dérogations à la durée minimale de 24h (hormis le cas des étudiants) devront s’accompagner d’une organisation du travail regroupant la durée du travail autour de demi-journées et journées complètes ou régulières.

L’employeur doit informer chaque année le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel du nombre de demandes de dérogation individuelle à la durée minimale de 24 heures.

La majoration des heures complémentaires
Les heures complémentaires doivent, dès le 1er janvier 2014, donner lieu à une majoration de 10%, à compter de la première heure. Au-delà d’un dépassement de 1/10ème de la durée contractuelle – ce qui suppose qu’un accord collectif de branche étendu ou d’entreprise l’autorise – la majoration reste comme aujourd’hui, en principe, de 25% : mais un accord de branche étendu peut désormais réduire cette majoration avec un plancher de 10%, cette disposition étant, pour sa part, d’application immédiate.

Un accord d’entreprise peut prévoir la faculté de réaliser des heures complémentaires au-delà du 1/10ème de la durée contractuelle, mais seul un accord de branche étendu peut réduire la majoration de 25 %.

Les compléments d’heures
Prohibée par la jurisprudence (Cass. soc. 7 décembre 2010, n°09-42315), cette pratique, consistant à augmenter temporairement l’horaire contractuel initial, fort appréciée des entreprises, et de la plupart des salariés concernés, est ressuscitée par la loi, mais à des conditions strictes.

Elle ne pourra, en effet, être autorisée que par un accord de branche étendu, qui devra en fixer les limites (au maximum 8 avenants par an et par salarié, sauf cas de remplacement d’un salarié absent), les garanties (ordre de priorité) et les contreparties (majoration par exemple car celle-ci n’est pas imposée par la loi).

Le texte ne limite ni la durée des avenants, ni celle du temps de travail dans le cadre des compléments d’heures.

Il n’est pas précisé que ce complément d’heures peut porter la durée du travail au niveau d’un temps plein.

Toutes les heures effectuées au-delà du complément d’heures doivent être majorées à 25 %.

Cette augmentation temporaire du temps de travail supposera, enfin, l’accord du salarié concerné, puisque la signature d’un avenant s’impose.

On le voit, le nouveau régime va sans doute nécessiter des modifications de l’organisation du travail au sein des entreprises. Or, s’il ouvre certaines possibilités d’aménagement, celles-ci sont le plus souvent subordonnées à des accords de branche étendus. Les branches les plus directement concernées sauront certainement en faire application. La situation est en revanche plus contraignante pour les entreprises ne relevant d’aucun accord de branche. Il y a là, étonnamment, un recul du rôle de la négociation d’entreprise, qui est pourtant le meilleur niveau sur ces sujets concrets de durée du travail et il faut donc souhaiter des assouplissements pour l’avenir.

 

A propos de l’auteur

Par Marie-Pierrre Schramm, avocat associée, spécialisée en conseil et en contentieux dans le domaine du droit social

 

Article paru dans Les Echos Business du 26 août 2013

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