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Une année civile n’a pas 360 jours, même pour calculer un taux d’intérêt

Selon une pratique qui trouve son origine, dit-on, dans la Lombardie du Moyen-Age, les taux d’intérêts bancaires étaient classiquement calculés avec un diviseur 360. En d’autres termes, on faisait comme si l’année civile ne comportait pas 365 (ou 366) mais 360 jours. La raison d’être de cette pratique, qui fut d’ailleurs confortée par un texte en 1794, était liée à la plus grande facilité d’un calcul prenant comme diviseur 360 plutôt que 365. Toutefois, le recours au diviseur 360 entraîne mécaniquement, pour un même taux facial, un alourdissement de l’intérêt dû. Ainsi, si on raisonne sur un emprunt de 10 000 euros rémunéré à 5%, qui serait utilisé cinq jours, le coût du crédit est de 6,84 euros avec un diviseur 365 mais atteint 6,94 euros avec un diviseur 360.

Aussi comprend-on que la Cour de cassation soit intervenue pour imposer le diviseur 365, lorsqu’il s’agit d’appliquer le taux effectif global (arrêt du 10 janvier 1995 concernant le solde débiteur du compte courant d’une société). A défaut, le TEG ne jouerait pas pleinement son rôle à la fois d’information et de protection (prohibition de l’usure).

Cela s’impose avec d’autant plus d’évidence que les textes, impératifs, encadrant le calcul du TEG font référence à « l’année civile » (C. consomm., art. R. 313-1,II, al.4). En revanche, la haute juridiction a admis que « rien n’interdit aux parties de convenir d’un taux d’intérêt conventionnel calculé sur une autre base », c’est-à-dire à partir d’un diviseur 360 (arrêt du 24 mars 2009). La solution paraissait logique, puisque, sous réserve que l’emprunteur ait clairement accepté un tel calcul et donc un tel taux, on ne voyait guère ce qui pouvait condamner la stipulation ; et ce, d’autant que le TEG, calculé en tenant compte des flux d’argent à intervenir entre prêteur et débiteur et appliqué sur une base 365, permettra à ce dernier de mesurer exactement le coût du crédit.

Du moins en va-t-il ainsi des contrats conclus entre un établissement de crédit et un professionnel. S’agissant des crédits relevant du Code de la consommation, la Commission des clauses abusives avait préconisé, dès 2005, de bannir « les clauses ayant pour objet ou pour effet, de permettre à l’établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours ».

Dans un arrêt rendu le 19 juin 2013, la Cour de cassation est allée plus loin encore. L’espèce concernait un prêt relevant du régime des crédits immobiliers consentis à un consommateur ou un non-professionnel (art. L. 312-1 et suiv. C. consomm.).

L’emprunteur soulevait la nullité de la stipulation, certes expresse, prévoyant que les intérêts conventionnels seraient calculés sur la base d’une année de 360 jours. Alors que la cour d’appel avait écarté la demande en s’appuyant sur l’arrêt du 24 mars 2009, la haute juridiction censure cette décision. Elle juge ainsi que « le taux de l’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l’intérêt légal, être calculé sur la base de l’année civile ».

Si la sanction est claire – application du taux d’intérêt légal, dont on rappellera qu’il culmine en 2013 à… 0,04% –, la portée de l’exigence formulée en 2013 pourrait s’avérer plus incertaine qu’il y paraît à première lecture. Il n’est pas douteux qu’elle doit jouer dans tous les contrats de crédit conclus entre une banque et un non-professionnel, et pas seulement aux seuls crédits immobiliers. En revanche, malgré la clarté de l’attendu rapporté, on peut se demander si, au regard des éléments techniques sur lesquels la solution est construite, celle-ci n’a pas vocation à s’appliquer sans restriction à tous les contrats de crédit, y compris donc à ceux consentis aux professionnels. De fait, l’arrêt est rendu au visa de textes du Code de la consommation (art. L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1), mais qui ont été déclarés, par la Cour de cassation elle-même, applicables à des crédits dispensés à des professionnels. Dans l’attente de la confirmation que la solution retenue en 2009 vaut toujours, les banquiers seront sans doute bien avisés de ne pas inclure dans leurs contrats de crédit un diviseur 360, fût-ce avec des emprunteurs professionnels.

 

A propos de

Arnaud Reygrobellet, of Counsel, Doctrine juridique

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 29 juillet 2013

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