Associés de sociétés immobilières : préparez l’exonération d’une revente de vos parts !

25 septembre 2015
Un récent arrêt du Conseil d’Etat (10 avril 2015, n°367015) donne l’occasion de rappeler que les personnes physiques patrimoniales qui vendent des parts de sociétés immobilières non soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent parfois bénéficier des exonérations applicables aux ventes d’immeubles.
Il en est ainsi notamment lorsque leur société immobilière abrite leur résidence principale et qu’ils l’occupent gratuitement. La situation jugée le 10 avril est celle, plutôt rare, d’associés d’une société totalement «transparente» fiscalement : en effet, les parts cédées leur donnaient statutairement droit à l’attribution de l’immeuble social, lequel constituait par ailleurs leur résidence principale, et ce, dans des conditions rendant les associés «propriétaires» fiscaux de cet immeuble.
Dans d’autres situations, les plus fréquentes, les personnes physiques sont associées de SCI ordinaires non soumises à l’impôt sur les sociétés, mais dont l’objet conduit à leur permettre d’occuper, gratuitement, le logement, notamment à titre de résidence principale.
Dans ces différentes situations, les associés vendeurs de parts doivent prouver qu’ils remplissent les conditions leur permettant d’être exonérés comme si la vente avait juridiquement porté sur l’immeuble ayant constitué leur résidence principale.
Or, le soin apporté par l’arrêt du 10 avril 2015 à énumérer, pour les valider, les pièces justifiant que l’immeuble social était occupé gratuitement et qu’il constituait la résidence principale des vendeurs, témoigne, en creux, des difficultés éprouvées par le contribuable à produire, 15 ans après la vente des parts, des factures et des attestations justifiant de sa résidence, et des pièces comptables prouvant que ses versements qualifiaient bien des avances d’associé en compte-courant, et non des loyers.
De même, une autre exonération (Code général des impôts, article 150 U II, 2°), que pourrait invoquer un contribuable non-résident fiscal vendant un logement possédé en France, l’obligerait à démontrer qu’il a «été fiscalement domicilié en France de façon continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque avant la vente» : dès lors, de telles preuves peuvent porter sur des périodes antérieures de plusieurs dizaines d’années à la vente…
Enfin, à la même époque l’an dernier, nous craignions (La lettre de l’immobilier de Septembre 2014, page 10) que la SCI du Forum ne puisse prouver que 15 ans auparavant, en 2000, elle avait abandonné toute intention de revendre un immeuble social acquis en 1996 et encore détenu en 2015. De fait, le 25 janvier 2015, un arrêt définitif (cour administrative d’appel de Nancy, n°14NC00830) a confirmé l’impuissance de ce contribuable à justifier, aussi longtemps après les faits, de son ancien changement
d’intention.
En fiscalité, exonérer, c’est prévoir. C’est lorsqu’il constitue une société immobilière, ou qu’il en acquiert les parts, que l’associé se doit d’identifier les conditions d’exonération d’une revente future, d’opérer les choix juridiques, financiers et comptables conformes à cette exonération et de se ménager toutes justifications nécessaires, en fonction des conditions requises. Et bien sûr, il devra en surveiller les éventuelles modifications législatives ultérieures.
Pour ce faire, l’associé pourra bénéficier des acquis des deux jurisprudences que nous avons citées : l’arrêt SCI du Forum, en ce qu’il autorise la production de toute preuve originelle, même non issue de documents sociaux, et la décision du 10 avril 2015, laquelle oblige l’Administration et le juge fiscal, à motiver, document par document, leur éventuel refus ultérieur d’admettre leur caractère probatoire.
Auteur
François Lacroix, avocat associé. Il intervient plus particulièrement dans les secteurs de la fiscalité des services publics, des entreprises, des personnes morales publiques et privées non lucratives, de la fiscalité immobilière (impôts directs).
Related Posts
Evaluation en matière d’expropriation ou de préemption... 4 juin 2015 | CMS FL

Le prisme limité des couleurs fiscales des sociétés civiles immobilières... 3 octobre 2018 | CMS FL

Quelle exonération lorsque la résidence principale n’est cédée qu’après... 3 octobre 2014 | CMS FL
Taux d’imposition et représentant fiscal : une mise en conformité bienvenue ... 2 avril 2015 | CMS FL

Changement d’époque pour les cessions de titres de sociétés à prépondéra... 29 septembre 2015 | CMS FL

L’impact des clauses contractuelles du bail commercial sur la valeur locative... 9 juin 2015 | CMS FL

Calcul des droits sur l’achat des sociétés immobilières : retour salutaire ... 31 mars 2015 | CMS FL
Louer sa résidence principale à l’occasion d’un départ en vacance... 21 juillet 2016 | CMS FL

Articles récents
- Violation de la clause de non-concurrence et remboursement de la contrepartie financière : une règle qui s’applique si la clause n’est pas valable
- Transposition de la directive : la transparence des rémunérations dès l’embauche
- Canicule : Nouvelles obligations relatives à la prévention des risques liés à la chaleur au travail
- Ne pas informer son employeur d’une relation intime avec un autre salarié peut justifier un licenciement disciplinaire
- Transparence salariale : la refonte de l’index EgaPro est annoncée
- TVA : véhicules de tourisme mis à disposition des salariés
- Liste des métiers en tension : l’arrêté est publié
- Enquêtes internes : le mode d’emploi de la Défenseure des droits
- Conditions de production d’une preuve illicite ou déloyale : une jurisprudence réaffirmée
- Le déploiement des systèmes d’intelligence artificielle à l’épreuve du droit social