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Contentieux des pratiques restrictives de concurrence : vade-mecum des règles procédurales en cause d’appel

Contentieux des pratiques restrictives de concurrence : vade-mecum des règles procédurales en cause d’appel

Voilà sept ans que le décret n°2009-1384 du 11 novembre 2009 a donné compétence exclusive à la cour d’appel de Paris pour connaître des appels formés à l’encontre des jugements rendus par les juridictions spécialisées dans les litiges relatifs à l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce interdisant les pratiques restrictives de concurrence.

Sept années au cours desquelles une jurisprudence abondante1 est venue préciser les conséquences procédurales de cette disposition, lesquelles sont loin d’être négligeables et méritent d’être rappelées.

Trois questions doivent être examinées.

1. Quelle est la sanction en cas de saisine d’une autre cour d’appel que celle de Paris ?

La solution est maintenant bien établie : la saisine d’une autre juridiction que la cour d’appel de Paris pour connaître de l’application de l’article L. 442-6 expose à une fin de non-recevoir (fondée sur le défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie) et non à une exception d’incompétence2.

Les conséquences sont importantes :

  • il ne peut être fait application de l’article 97 du Code de procédure civile qui prévoit, en cas d’incompétence, le renvoi automatique de l’affaire devant la juridiction compétente sans avoir besoin de procéder à une nouvelle déclaration d’appel ;
  • l’appel sera déclaré irrecevable de sorte que, si le délai d’appel a expiré, il ne sera plus possible de régulariser la situation en saisissant la cour d’appel de Paris3.

L’erreur en la matière ne pardonne donc pas, d’autant plus que cette fin de non-recevoir doit être relevée d’office par la cour d’appel indûment saisie de l’affaire.

2. Qu’en est-il lorsque d’autres fondements sont invoqués aux côtés de l’article L.442-6 ?

L’analyse de la jurisprudence la plus récente nous conduit à retenir les solutions suivantes :

  • lorsqu’en première instance, l’article L.442-6 a été invoqué aux côtés d’autres fondements juridiques, seule la cour d’appel de Paris est compétente pour connaître de l’entier litige – et l’appel interjeté devant une autre cour d’appel est irrecevable pour le tout – sauf à ce que puisse être prononcée une disjonction d’instances4. Si pareille disjonction est envisageable lorsque les demandes fondées sur l’article L.442-6 sont distinctes de celles fondées sur d’autres dispositions – dans ce cas, une disjonction pourrait être ordonnée si le litige est divisible et s’il n’existe pas de risque de décisions contradictoires – tel n’est pas le cas lorsqu’une même demande est indistinctement fondée sur le droit commun et l’article L.442-65 ;
  • lorsque l’article L.442-6 n’était pas invoqué en première instance mais l’est pour la première fois en cause d’appel, la cour d’appel saisie du litige peut déclarer irrecevables les seules demandes fondées sur cet article et statuer sur l’application des autres dispositions6. Il en résulte toutefois une inégalité patente, les justiciables se voyant privés de la possibilité d’invoquer l’article L.442-6 pour la première fois en cause d’appel, sauf à avoir la chance que leur litige ait relevé de la compétence des tribunaux du ressort de la cour d’appel de Paris en première instance.

3. Quelle est la solution pour l’appelant ayant saisi la mauvaise juridiction et n’étant plus en mesure de saisir la cour d’appel de Paris ?

Dans une décision particulièrement intéressante, la cour d’appel de Douai a retenu sa compétence aux motifs que l’appel dont elle était saisie n’était fondé que sur le droit commun, de sorte que l’appelant avait manifestement renoncé à viser l’article L.442-6 invoqué en première instance7.

Sous réserve d’une appréciation divergente de la Cour de cassation, l’appelant pourrait ainsi renoncer à fonder ses demandes sur l’article L.442-6 afin d’éviter de voir l’appel qu’il a formé devant une autre juridiction que la cour d’appel de Paris déclaré irrecevable.

Les incertitudes attachées à l’introduction de l’art. D.442-3 du Code de commerce se dissipent ainsi progressivement. Nul doute cependant que certaines questions continueront de nourrir un riche contentieux à l’avenir.

Notes

1 Pour une application récente, voir notamment : Com., 6 décembre 2016, n°15-20.234 ; CA Versailles, 25 octobre 2016, RG n°15/02689.
2 Com., 31 mars 2015, n°14-10016 ; Com., 20 octobre 2015, n°14-15.851.
3 Voir, par exemple : CA Douai, 14 mars 2013, RG n°12/00899.
4 Com., 24 septembre 2013, n°12-21.089.
5 Com., 6 septembre 2016, n°14-27.085 ; CA Versailles, 25 octobre 2016, RG n°15/02689 ; CA Paris, 6 octobre 2016, RG n°14/15829 ; CA Colmar, 23 janvier 2015, RG n°14/00089.
6 Com., 7 octobre 2014, n°13-21.086.
7 CA Douai, 2 juillet 2015, RG no 15/01966.

Auteurs

Olivier Kuhn, avocat associé, Contentieux & arbitrage

Anne Renard, avocat, Contentieux & arbitrage

Contentieux des pratiques restrictives de concurrence : vade-mecum des règles procédurales en cause d’appel – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 9 janvier 2017
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