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Franchise : confirmation du principe selon lequel l’insuffisance du document d’information précontractuel ne permet pas d’obtenir à lui seul l’annulation du contrat

Saisie en appel par un franchiseur dont cinq contrats avaient été annulés, la cour d’appel de Lyon a eu à se prononcer sur le contenu du document d’information précontractuel prévu à l’article L. 330-3 du Code de commerce et sur l’incidence de son éventuelle insuffisance (CA Lyon, 5 juin 2014, n° 13/03651). Si la solution dégagée n’est pas nouvelle, l’application qui en est faite au cas d’espèce fournit une belle illustration des principes applicables en la matière.

1 – Sur le contenu du document d’information précontractuel

L’article L.330-3 du Code de commerce prévoit que, préalablement à la signature d’un contrat de franchise, le franchiseur doit fournir au candidat à la franchise un document sincère, « qui lui permette de s’engager en connaissance de cause ». L’article R. 330-1 du même code précise que ce document d’information précontractuel (DIP) doit notamment comporter une présentation du réseau d’exploitants et la production des comptes annuels des trois derniers exercices du franchiseur.

La Cour d’appel a tout d’abord écarté l’argument des franchisés selon lequel le DIP produit ne leur avait pas permis d’apprécier le dynamisme et les perspectives d’évolution du réseau, en relevant que s’agissant d’un réseau de franchise en cours de formation, les informations fournies ne pouvaient être que succinctes. Or, chaque candidat à la franchise avait reçu les coordonnées des autres franchisés du réseau de sorte que disposant de ces données, ils pouvaient par eux-mêmes se renseigner sur la réalité du réseau, son évolution et son dynamisme.

De même, concernant la production des comptes annuels, la cour a estimé que, outre la présomption de fourniture de ces documents résultant de la signature par les franchisés d’un accusé de réception du DIP, lesdits comptes ayant été déposés au greffe du tribunal de commerce, les franchisés auraient pu en prendre connaissance par leurs propres moyens (cette position est de nature à sécuriser les franchiseurs, après les décisions de la Cour de cassation du 10 décembre 2013, n°12-23.890 et 12-23.115, voir notre commentaire dans la lettre des réseaux de distribution d’avril 2014).

En revanche, la Cour a reconnu un manquement du franchiseur à son obligation de fournir une « présentation de l’état général et local du marché » : les informations produites n’étaient constituées « que de généralités approximatives et lacunaires qui ne permettent pas aux candidats de se faire une idée précise du marché national et n’apportent aucune indication sur le marché local » ; de surcroît, rassemblées par le franchiseur sans aucun contrôle extérieur, elles étaient sans valeur probante. La Cour a également considéré que l’intéressé avait manqué à son obligation de présenter les « perspectives de développement du marché », destinées à permettre au candidat à la franchise d’apprécier la rentabilité de l’activité, en faisant une présentation du marché « désinvolte » et en communiquant des comptes prévisionnels « sans lien avec la réalité du marché local ». En effet, si la fourniture de tels documents n’est en aucun cas exigée par l’article R. 330-1 du Code de commerce, dès l’instant où ces documents sont produits, leur contenu doit être sincère et sérieux.

Ainsi, le franchiseur n’avait pas respecté son obligation d’information précontractuelle. Restait à savoir si cette inexécution était susceptible de justifier l’annulation des contrats de franchise conclus.

 

2 – Sur les effets de l’insuffisance fautive de ce document quant à la régularité des contrats conclus

La Cour de cassation a déjà consacré le principe selon lequel la nullité des contrats n’est encourue que si le manquement à l’obligation d’information précontractuelle a eu pour effet de vicier le consentement des cocontractants (Cass. com., 10 février 1998, n° 95-21.906 : à propos de contrats de location-gérance). Depuis lors, les franchisés invoquant la nullité de leur contrat doivent apporter la preuve que l’absence d’information a été à l’origine d’un vice du consentement – dol ou erreur – au sens du droit commun des obligations (articles 1110 et 1116 du Code civil).

La cour d’appel de Lyon réaffirme ce principe, en indiquant que « l’obligation d’information précontractuelle n’entraîne la nullité du contrat que s’il en résulte une altération du consentement du candidat franchisé ». Pour apprécier si tel avait été le cas, la cour s’est attachée à examiner l’expérience et la solidité professionnelle de chaque franchisé, par référence aux éléments suivants : formation initiale et continue ; expériences professionnelles antérieures ; connaissance du milieu économique national et local ; délai de réflexion avant de signer le contrat de franchise (dans le même sens, voir notamment Cass. com., 28 mai 2013, n° 11-27256, commenté dans notre lettre de septembre 2013) ; sollicitation de renseignements complémentaires après la communication du DIP ; prise de conseils auprès de personnes extérieures (banquier, juriste, expert-comptable).

Ayant relevé, au cas particulier, que les franchisés disposaient tous d’une expérience et d’une maturité importantes, la cour a conclu que l’insuffisance du DIP fourni par le franchiseur n’avait pas pu les déterminer à conclure le contrat de franchise. Dès lors, aucune erreur ne pouvait être reconnue, ni aucun dol, le caractère intentionnel des manquements n’ayant pas été prouvé par les franchisés. L’annulation des contrats de franchise par le tribunal de commerce de Lyon n’était donc pas justifiée, pas plus que ne l’était la demande de restitution des sommes investies par les franchisés dans le cadre des contrats (droits d’entrée et redevances).

 

 

Auteur

Anne-Laure Villedieu, Avocat associé en Droit commercial et Propriété intellectuelle

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