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Fusion ou scission entre sociétés soeurs sans échange de titres : la (quasi) neutralité fiscale

Fusion ou scission entre sociétés soeurs sans échange de titres : la (quasi) neutralité fiscale

La loi de finances pour 2020 permet aux opérations de fusion ou scission réalisées entre sociétés sœurs détenues par une même société mère et ne donnant pas lieu à échange de titres de bénéficier du régime de faveur en matière d’impôt sur les sociétés. Elle précise également les autres conséquences fiscales de ces opérations pour la société mère commune et la société bénéficiaire des apports.

On rappelle que la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés (dite loi « Soilihi »), a apporté deux modifications au droit des fusions, scissions et apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions, applicables à compter du 21 juillet 2019. Elle a ainsi étendu le régime simplifié de la fusion à la configuration dans laquelle une même société détient en permanence soit la totalité du capital, soit au moins 90  % des droits de vote de la société absorbante et de la société absorbée. En outre, lorsque la totalité du capital de la société bénéficiaire et de la société qui disparaît est détenue par la même société (ou par une personne agissant en son nom propre mais pour le compte de cette société), il n’y a pas lieu désormais de procéder à l’échange de parts ou d’actions de la société bénéficiaire contre des parts ou actions des sociétés qui disparaissent.

Par ailleurs, un règlement de l’Autorité des normes comptables n° 2019-06 du 8 novembre 2019 (homologué par arrêté du 26 décembre 2019) est intervenu pour prévoir que :

  • les règles de comptabilisation et d’évaluation des fusions et opérations assimilées (en fonction du sens de l’opération et de la situation de contrôle) s’appliquent aux fusions sans échange de titres (notamment les opérations dans lesquelles les titres de l’entité absorbante ou de l’entité absorbée sont détenus en totalité par une même entité) ainsi qu’aux scissions sans échange de titres ;
  • la contrepartie des apports est inscrite en report à nouveau dans les comptes de la société absorbante (fusion sans échange de titres) ou des sociétés bénéficiaires (scission sans échange de titres) ;
  • dans les comptes de la société mère, en cas de fusion sans échange de titres, la valeur brute des titres de l’entité absorbante et les éventuelles dépréciations de ces titres sont majorées de la valeur brute des titres de l’entité absorbée et de ses éventuelles dépréciations. En cas de scission sans échange de titres, la valeur des titres et les éventuelles dépréciations de l’entité scindée sont réparties entre les titres des entités bénéficiaires des apports au prorata de la valeur réelle des apports transmis à chacune d’elles.

Mais rien n’avait été prévu au plan fiscal. Il en résultait notamment que les opérations réalisées entre sociétés sœurs sans échange de titres ne pouvaient pas être placées sous le régime de faveur des fusions. Les précisions apportées par la loi de finances sont donc bienvenues.

Le régime fiscal de faveur des fusions en matière d’IS est applicable aux opérations sans échange de titres

Lorsqu’elles sont réalisées à compter du 21 juillet 2019, les fusions réalisées entre sociétés sœurs détenues par la même société mère peuvent, en matière d’impôt sur les sociétés, bénéficier d’une neutralité fiscale. Il en est de même des scissions impliquant une société scindée et des sociétés bénéficiaires toutes filiales à 100 % d’une même société mère.

L’article 44 de la loi de finances pour 2020, complétant l’article 210-0 A du CGI, a en effet ajouté ces opérations à la liste de celles ouvrant droit notamment au régime fiscal des fusions et opérations assimilées prévu par les articles 210 A à 210 C du CGI.

On relèvera en revanche que la loi de finances pour 2020 n’a pas modifié le régime applicable en matière de droits d’enregistrement. Ceci ne doit pas étonner car le champ d’application du régime spécial prévu en matière de droits d’enregistrement en cas de fusion par l’article 816 du CGI (auquel renvoie l’article 817 pour les scissions) est déterminé par les articles 301 B et 301 F de l’annexe 2 du CGI. Or, les dispositions de l’annexe 2 prenant la forme d’un décret en Conseil d’Etat, il n’était donc pas loisible au législateur de les modifier.

Les autres conséquences fiscales des fusions ou scissions entre sociétés sœurs sans échange de titres

L’article 43 de la loi de finances pour 2020 a par ailleurs modifié certaines dispositions du Code général des impôts, à compter du 21 juillet 2019, afin de tirer les autres conséquences fiscales des opérations de fusion entre sociétés sœurs sans échange de titres. Notons que ces mesures, décrites ci-après dans leurs grandes lignes, concernent également les opérations de scission entre sociétés sœurs sans échange de titres.

Bénéfice net taxable

En premier lieu, l’article 38, 2 du CGI est modifié afin de prévoir que les sommes incorporées aux capitaux propres de la société absorbante à l’occasion d’une fusion entre sociétés sœurs sans échange de titres viennent diminuer le bénéfice net taxable. On observe que cette mesure n’est pas réservée au cas où l’opération est placée sous le régime spécial de l’article 210 A du CGI.

Distribution des sommes inscrites en report à nouveau en contrepartie des apports

La loi de finances a également aménagé l’article 112 du CGI pour prévoir que ne constituent pas des apports (remboursables en franchise d’impôt) les sommes incorporées aux capitaux propres à l’occasion d’une fusion entre sociétés sœurs détenues par la même société mère et ne donnant pas lieu à échange de titres. En principe, la distribution de ces sommes à la société mère de la société absorbante devrait donc constituer un revenu distribué taxable.

On relèvera toutefois que l’exposé des motifs de l’amendement n° 1146 (présenté par le Gouvernement en seconde lecture à l’Assemblée nationale) à l’origine de cette mesure considère qu’il convient de distinguer :

  • la partie de cette distribution correspondant à des remboursements d’apports non imposables, dans la mesure où les biens apportés étaient eux-mêmes considérés comme des apports dans la société absorbée en application du 1° de l’article 112 du CGI ;
  • et la fraction de cette distribution correspondant à une prime de fusion imposable : il s’agit de la distribution de la contrepartie de l’actif net reçu par la société absorbante inscrite en capitaux propres mais qui n’a pas la nature d’un remboursement d’apports.

Régime des plus-values ou moins-values à long terme

S’agissant maintenant des conséquences pour la société mère d’une opération de fusion entre sociétés sœurs réalisée sans échange de titres, l’article 39 duodecies du CGI est complété afin de prévoir les modalités d’application du régime des plus ou moins-values à long terme en cas de cession des titres de la société absorbante après l’opération de fusion sans échange de titres. Ainsi, lorsque les titres de la société absorbante ont été acquis par la société mère depuis au moins deux ans, une fraction de la plus ou moins-value de cession de ces titres relève néanmoins du régime du court terme si les titres que la mère détenait dans la société absorbée avaient été acquis par elle moins de deux ans avant la cession.

A l’inverse, lorsque la plus ou moins-value de cession des titres de la société absorbante relève du régime du court terme, alors que les titres détenus par la société mère dans la société absorbée avaient été acquis par elle plus de deux ans avant la cession, la plus ou moins-value de cession doit être ventilée pour déterminer la part relevant du régime du long terme.

En revanche, aucune ventilation n’est nécessaire dans le cas où les titres des sociétés absorbée et absorbante ont tous été acquis par leur mère commune au moins deux ans avant la cession des titres de la société absorbante, ou, à l’inverse, ont tous été acquis moins de deux ans avant la cession. L’intégralité de la plus ou moins-value relève alors dans le premier cas du régime du long terme (à condition bien sûr que ce régime soit applicable aux titres en cause) ou du court terme dans la seconde hypothèse.

Appréciation du délai de conservation des titres dans le cadre du régime mère-fille

Enfin, une modification a été apportée à l’article 145, 1-c du CGI relatif au délai de conservation des titres de participation (en principe fixé à deux ans) que doit respecter la société participante pour ne pas voir remise en cause l’exonération des dividendes prévue par le régime des sociétés mères.

Il est ainsi désormais prévu qu’en cas de fusion entre sociétés sœurs sans échange de titres placée sous le régime spécial des fusions, les titres de la société absorbée sont réputés détenus par la société participante (société mère commune) depuis la date de leur souscription ou acquisition jusqu’à la date de la cession des titres de la société absorbante. L’opération ne constitue donc pas en tant que telle une rupture de l’engagement de conservation de deux ans.

L’affaire se corse toutefois si les titres de la société absorbante sont cédés moins de deux ans après l’opération de fusion… La cession est alors réputée porter en partie sur les titres de la société absorbée, et en partie sur les titres de la société absorbante (cette ventilation étant effectuée au prorata de la valeur vénale des titres au jour de la fusion) et le régime fiscal des sociétés mères est remis en cause pour les dividendes réputés provenir des titres détenus depuis moins de deux ans.

Article paru dans le magazine Option Finance le 17 février 2020

Auteurs

Daniel Gutmann, avocat associé responsable de la doctrine fiscale, professeur à l’École de droit de la Sorbonne, expert du Club des juriste

Amélie Nithart, fiscaliste

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