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La révision cadastrale, c’est maintenant

La révision cadastrale, c’est maintenant

La révision cadastrale est désormais une réalité avec laquelle il va falloir composer.

Initiée fin 2010, il aura fallu 6 ans pour que la révision des valeurs locatives cadastrales des locaux professionnels non industriels entre en vigueur.

Les impositions de taxe foncière et de Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) 2017 émises à l’automne comporteront donc de nouvelles bases, dont le contrôle sera quasi impossible sans passer par un parcours du combattant, sauf si des mesures de transparence sont prises rapidement.

Il n’était plus tenable d’assoir les impôts locaux sur des bases archaïques

Comme le souligne la Cour des Comptes, les évaluations foncières actuelles des locaux professionnels sont non seulement « exagérément complexe »(s), mais elles sont surtout archaïques. Ces procédures mises en place à la fin des années 1960 sont inadaptées au point que les services fiscaux ne sont plus capables de procéder à des évaluations conformes aux principes datant de plus de 46 ans.

L’établissement des bases cadastrales par les services fiscaux, « produit une situation obsolète et inéquitable » selon les magistrats de la rue Cambon. Tout le monde s’accorde donc pour constater l’obsolescence des bases et leur déconnexion avec la réalité économique.

Comme à chaque fois où le temps a laissé s’instaurer des inégalités de traitement entre les contribuables, la mise en œuvre d’une réforme s’avère difficile pour gérer les différences d’imposition l’année du passage aux nouvelles bases.

Nous ne cachons pas notre pessimisme sur la capacité de mettre en œuvre la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation initialement prévue pour 2018.

Une nouvelle approche plus globale

La valeur locative de chaque propriété va tenir compte de sa nature, de sa destination, de ses caractéristiques physiques, de sa situation et de sa consistance. La classification des locaux dans les déclarations 6660 REV déposées par les propriétaires mi 2013 a conduit à répartir les immeubles en 39 catégories.

Une surface pondérée a été obtenue à partir de la superficie des différentes parties composant le local. Selon le Décret n°2011-1313 du 17 octobre 2011, les surfaces principales couvertes (catégorie P1) sont affectées d’un coefficient de 1, les surfaces secondaires couvertes, annexes et parkings couverts (catégorie P2 ou PK 1) de 0,5 et celles non couvertes et parking à ciel ouvert (catégorie P3 ou PK 2) de 0,2.

Grâce aux déclarations des propriétaires visées ci-dessus, des tarifs (grille tarifaire) ont été déterminés par mètre carré à partir des loyers constatés dans chaque secteur d’évaluation (regroupant au niveau de chaque collectivité un marché locatif homogène) pour chaque catégorie de propriété. Leur délimitation a été arrêtée par les commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels. La grille tarifaire est censée traduire la moyenne pondérée des loyers réels constatée en 2013. Enfin, lorsque les commissions ont pu créer des coefficients de localisation au niveau des quartiers, destinés à tenir compte des variations au sein d’un secteur.

Dans des cas extrêmes, lorsque la méthode tarifaire s’avère inapplicable à défaut de comparaison, les locaux professionnels vont alors être évalués par appréciation directe. Cette méthode consiste à appliquer un taux d’intérêt uniforme de 8% sur la valeur vénale de l’immeuble au 1er janvier 2013 avec un abattement de 50% uniquement si l’ouvrage est affecté à un service public ou d’utilité générale.

L’objectif majeur de la réforme est d’aligner les bases d’imposition des locaux commerciaux sur les valeurs locatives de marché.

Cette révision annoncée comme simplificatrice repose sur l’abandon de la référence à un local-type au profit d’une grille tarifaire, donc d’une moyenne pondérée des loyers constatés dans une zone homogène, supprimant les différences d’imposition entre immeubles de même nature situés à proximité.

Des conséquences de la révision justifiant des mécanismes d’accompagnement

La révision prévoit que les collectivités locales doivent percevoir le même niveau de recettes fiscales 2017 en neutralisant globalement les effets de la réforme, de sorte que, dans une même zone, des compensations entre les perdants et gagnants sont à prévoir.

La loi prévoit les mesures d’accompagnement de la procédure de révision des valeurs locatives foncières suivantes :

  • des coefficients de neutralisation pour maintenir le poids respectif des locaux commerciaux dans les bases de taxe foncière, de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et de CFE, et devant conduire à ce que la réforme se fasse à revenus constants pour les collectivités locales,
  • un mécanisme de « planchonnement » consistant à mettre en réserve (pendant a priori 10 ans) 50% de l’écart de valeur foncière (à la hausse ou à la baisse) constaté entre les bases avant et après réforme,
  • un mécanisme de lissage sur 10 ans des variations, à la hausse ou à la baisse, des impositions 2017.

Ces mécanismes sont actuellement mis en œuvre afin de finaliser, d’ici mi-mai prochain, les matrices cadastrales 2017 intégrées comme bases imposables de vos taxes foncières et CFE.

Des simulations donnant des résultats contrastés

Les services du cadastre disposent désormais d’une vision précise des conséquences de la réforme.

Ainsi, plus de 3 millions de locaux (représentant plus de 4,5 millions d’établissements) ont été retenus pour mettre en place les nouvelles évaluations. 49,4% d’entre eux vont supporter une augmentation de leur taxe foncière et 47,3% des établissements supporteront une augmentation de la CFE de leurs occupants.

C’est surtout entre les différentes catégories de locaux que les différences se font sentir.
Les baisses les plus importantes seront enregistrées parmi les magasins de plus de 400 m² (-12,2%), et surtout pour ceux de 2.500 m² (-16,3%), les dépôts en cuves et silos (-13%), les hôtels 2 et 3 étoiles (-9,5%).

Les magasins sur rue, restaurants, cafés, et agences bancaires devraient constater une certaine stabilité (+2,2%).

En revanche, les magasins de moins de 400 m² situés dans les centres commerciaux sont pénalisés avec des augmentations très significatives (+ 47,8%) comme les parkings (+40,8% s’ils sont à ciel ouvert et 20,2% s’ils sont couverts) ou les maisons de retraites (+36,9%).

De ces constats chiffrés, fournis par la direction du cadastre, il y a lieu de s’attendre à des surprises de certains contribuables et à des incompréhensions.

Il sera difficile d’expliquer dans un centre commercial que la cotisation moyenne de taxe foncière de l’hypermarché baisse de 16,3%, alors que celle des boutiques de moins de 400 m²entourant le mail dudit centre subissent une augmentation de 47,8%.

Toutefois, ces écarts devraient être masqués les premières années par les mécanismes d’accompagnement visés ci-dessus. Ainsi le fait de mettre en réserve 50% de l’écart de base devrait réduire à la fois les hausses et baisses alors que le lissage ne conduira à constater en 2017 qu’un dixième de l’augmentation ou de la baisse de l’imposition.

Mais le plus surprenant pour les contribuables sera sans doute de constater la faiblesse des informations figurant sur les rôles. Alors que jusqu’en 2016, les bases foncières étaient identiques quelle que soit la collectivité bénéficiaire, à compter de 2017, des bases d’imposition différentes serviront d’assiette pour chaque collectivité.

Une fois les nouvelles bases intégrées dans les matrices cadastrales, il fallait mettre en place un système permettant de les faire évoluer.

Contrairement à la précédente révision, où les bases étaient actualisées au travers d’un taux uniforme voté chaque année dans la loi de finances, le Législateur a adopté une « mise à jour permanente des loyers ». Cette procédure consiste à rechercher chaque année l’état du marché locatif en fonction des loyers que les entreprises locataires acquittent auprès de leur bailleur. Elles vont devoir satisfaire chaque année et, pour la première fois depuis mai 2015, à une nouvelle obligation déclarative « DECLOYER ».

Les loyers déclarés chaque année par les entreprises constitueront la seule source d’information pour mettre à jour les grilles tarifaires à partir desquelles les évaluations foncières seront déterminées.

Les loyers collectés auprès des locataires ne seront pas utilisés pour taxer directement ces derniers mais permettront à l’Administration d’évaluer (de manière statistique) les variations de loyers qui justifieraient une mise à jour des grilles tarifaires appréciées au 1er janvier 2013.

Cette déclaration ne devrait pas être remplie par les propriétaires occupants, à défaut pour eux d’avoir des loyers à déclarer, d’autant qu’il est nécessaire d’acquérir les licences au système EDI-REQUETE, consistant à dématérialiser l’intégralité de la chaîne de déclaration des loyers via un partenaire EDI.

En conclusion, nous vous invitons donc à la vigilance à la réception de vos avis d’imposition à l’automne prochain car même si la variation vous paraît minime (peut-être autour de 6% hors modification des taux d’imposition 2017 par rapport à ceux de 2016), il sera impératif de prendre des mesures pour obtenir le détail de calcul de vos nouvelles bases pour être en mesure de les apprécier le plus rapidement possible avant que les mécanismes d’accompagnement aient perdu leurs effets.

Auteur

Laurent Chatel, avocat associé en fiscalité, responsable du service impôts locaux

 

La révision cadastrale, c’est maintenant – Article paru dans le magazine Option Finance le 5 mai 2017